5 à 10 milliards d’économies : ce qui devra absolument être fait pour que la réforme territoriale atteigne cet objectif <!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle carte des régions.
La nouvelle carte des régions.
©Institut pour l'Economie et la Paix

L'assurance de l'improvisation

La réforme territoriale est la colonne vertébrale du plan Valls. Pourtant, rien n'indique que les 10 milliards d'euros d'économies seront effectivement réalisées. Pour cela, il faudrait plus que des effets d'annonce, il faudrait aussi du courage politique.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : André Vallini, secrétaire d'Etat à la réforme territoriale, avançait le 9 mai dernier une économie de 25 milliards grâce à la réforme territoriale, chiffre ramené mardi 3 juin à 10 milliards, d'ici 5 à 10 ans. Comment est-il possible, alors que l'on détient à priori les paramètres de la réforme, de voir des écarts aussi importants ?

Philippe Crevel : Le problème majeur de cette réforme est qu'il n'y a pas d'étude réelle et sérieuse qui nous permettrait de mesurer l'impact économique que pourraient générer la fusion de certaines régions et le transfert de compétences des départements vers les agglomérations ou les régions. Bizarrement, la France pourtant championne du monde des rapports divers, est en mal de donner des statistiques quantitatives fiables, d'où effectivement cette impression d'assister à une sorte de "grande loterie de l'économie". D'autant que ce sont plutôt les processus et la gestion de l'application qui seront décisifs sur le plan des économies. Mais pour l'instant, le gouvernement nous laisse face à une feuille blanche.

Je pense qu'on est beaucoup plus dans l'effet d'annonce que dans un plan scientifique de réduction des budgets. C'est pour cela qu'on avance un chiffre de 15 milliards, et qui correspond à peu près aux économies annoncées dans le plan des 50 milliards de Manuel Valls.

Le découpage territorial pourra-t-il vraiment générer des économies ? Comment compte-il s'y prendre ?

Ce qui est vrai pour les entreprises est également vrai pour les collectivités locales. Lorsqu'on entreprend une fusion, on espère déduire un certain de nombre de coûts. On souhaite par exemple fusionner les systèmes informatiques, transférer du personnel, acquérir des nouveaux locaux. Ce n'est que dans un second temps que l'on peut générer des économies. Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas la réforme systémique des retraites ? Parce qu'on sait qu'on aura plus de dépenses au début que de gains, et que politiquement, cela peut s'avérer être un problème.

Le nombre de paramètre est important, tout dépend de la mise en place de la réforme, des délais, des transferts organisés… Ce qu'il y a de plus coûteux, c'est l'informatique et les hommes. Est-ce que l'on arrivera à bien gérer les besoins de personnels ? Et est-ce qu'on arrivera à mettre en place des synergies logistiques au niveau informatique notamment ? Ces deux questions sont les éléments fondamentaux du succès de cette réforme. Si on n'y arrive pas, plusieurs milliards d'euros de dérapage sont à prévoir.

Lorsque l'on regarde les postes de dépenses des collectivités territoriales, on s'aperçoit que la masse salariale est de loin le plus gros poste. Le gouvernement ne devrait-il pas bloquer les processus d'embauches pour réaliser des économies substantielles ?

La masse salariale de la fonction publique locale a effectivement quasiment doublé en 20 ans. La progression est forte au niveau des communes et des départements du fait du transfert de compétence de l'Etat à ces derniers. Mais est-ce qu'on peut aujourd'hui envisager de réduire les effectifs de la fonction publique locale ? Non, car ce n'est pas prévu par la loi. ce qu'il faut c'est arrêter le processus d'embauche qu'on a pu voir ces 20 derniers années. Surtout dans les agglomérations de communes qui sont en très fortes augmentation depuis une dizaine d'années. Malheureusement, la réforme des effectifs des collectivités territoriales ne pourra s'effectuer que par des départs à la retraite non remplacés, et sachant que la fonction publique locale est beaucoup plus jeune que la fonction publique de l'état du fait qu'elle n'a été recrutée que très récemment, on n'en verrait les effets qu'à moyen terme.

En revanche, le gouvernement pourrait éviter que les agglomérations continuent à embaucher, et faciliter la mise à disposition du personnel issu de tous les échelons. Je parle ici d'un système de mutualisation du personnel. Pour cela, il faudrait que la mobilité professionnelle soit inscrite au niveau de la fonction publique locale de manière plus stricte qu'elle ne l'est actuellement, car aujourd'hui quand quelqu'un ne veut pas travailler à "l'agglo", on lui dit que ce n'est pas grave, "tu restes à la commune", et ce indépendemment de la distance à parcourir. Je l'ai vécu récemment.

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