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Le robot humanoïde Engineered Arts Ameca doté d'une intelligence artificielle, lors du Consumer Electronics Show (CES) le 5 janvier 2022 à Las Vegas.
Le robot humanoïde Engineered Arts Ameca doté d'une intelligence artificielle, lors du Consumer Electronics Show (CES) le 5 janvier 2022 à Las Vegas.
©PATRICK T. FALLON / AFP

Les entrepreneurs parlent aux français

Nous savons depuis bien longtemps que l’IA, et surtout l’automatisation qui en est une application majeure, aura un impact substantiel sur les jobs. Rien de neuf. Simplement le moment à partir duquel la réalité va impacter violemment notre quotidien s’approche dangereusement.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Dangereusement, car nous ne nous y sommes pas préparés. Malgré l’évidence, malgré les alertes, malgré les signes avant-coureurs, malgré les livres brillants qui auraient dû nous inciter à travailler le sujet, anticiper, préparer, nous avons voulu nous persuader que demain était bien loin, un futur lointain, un délire technologique de quelques allumés de service confondant leur phantasme et la réalité.

Et tout à coup, ces petits ruisseaux qui annonçaient de grandes rivières, arrivent en rang serrés, s’épaulant pour noyer ces hommes qui passent tant de temps en tergiversations diverses, en analyse lente de la data, en décisions trop souvent illogiques malgré l’évidence, et surtout noyer ces hommes qui nagent trop lentement pour suivre le rythme d’une IA qui contrairement aux hommes, est plus intelligente chaque jour. 

Nous n’avons pas travaillé à la révolution si nécessaire au monde de la formation, nous n’avons pas réfléchi à l’interface entre l’homme et ces outils, nous n’avons pas travaillé à recenser les jobs qui seront touchés en priorité, ni identifier les catégories qui seront touchées en premier lieu. Nous n’avons pas réfléchi à préparer ces hommes et ces femmes qui auront prochainement les pieds dans l’eau.

Le digital avait déjà bien commencé le travail de sape. Andrew Yang, le candidat Démocrate à la Présidence des USA, l’avait bien décrit dans son livre « War on normal people », expliquant comment Amazon tuait le centre des USA, détruisant la valeur des « malls » (centres commerciaux) des villes petites et moyennes, comme l’avait fait la grande distribution en France, privant ainsi les villes des taxes nécessaires à faire fonctionner les services publics, les aides sociales, et faisant sombrer le rêve Américain de millions de personnes qui échappent aux statistiques du chômage, simplement parce qu’ils ont renoncé à chercher un job. Les mêmes, qui, persuadés que le monde leur est hostile et que Trump était leur défenseur, sont venus prendre le Capitole d’assaut pour crier leur mal-être et leur désespoir face à leur monde disparu. Kai Fu Lee avait ensuite tellement bien décrit comment l’IA allait parachever le « travail » en déboulant sans invitation, mais aussi sans obstacle, sur un monde du travail déjà secoué par l’après Covid. Il ne voyait aucune capacité à recréer les emplois qui seraient détruits ou dévalorisés, à part la société du « Care », ce sur quoi nombre s’accordent, tout en avouant qu’ils n’ont aucune idée de qui en sera le financeur !

Malgré toutes ces évidences, et mis à part le Think Tank d’Elon Musk, créé dans l’espoir de contribuer à la préparation de l’humanité, mais qui n’a pu assumer son rôle à ce jour, l’humanité a décidé de rester aveugle et sourde face à cette vague, comme le touriste averti du Tsunami, mais qui trouve la plage trop belle pour admettre qu’elle pourrait être le théâtre d’un tel drame et y campe sans inquiétude, sans savoir qu’il y restera pour l’éternité. Et comme le disait Woody Allen, l’éternité c’est long, surtout sur la fin… !!

350 millions de jobs impactés ? Oui. Peu importe si le chiffre semble exact ou non, ce qui compte c’est l’aspect massif de la vague. Ce qui compte c’est que cela devient une réalité. Ce qui compte c’est que le mouvement est déjà en marche. Ce qui compte, c’est qu’il faut désormais s’en soucier très vite. Un peu tard pourrait être bien trop tard !

Ce qui compte également, c’est que l’on sait depuis toujours que la quasi-totalité des jobs dans le monde sont automatisable entre 42% et 82%. Autant dire, tous ! Ce qui compte surtout, c’est que tout le monde a confondu automatisation et robotisation, et en avait déduit bien vite que seuls les « pauvres » seraient touchés, les moins qualifiés, les sans-dents, et que finalement le destin d’un pauvre était de l’être un peu plus chaque jour, c’est l’ADN de la pauvreté et du fatalisme qui l’entoure. C’est son destin, auraient dit les Inconnus, donc cela n’émeut personne. Mais tout à coup, on parle finalement d’automatisation, et ce ne sont plus seulement les bassement qualifiés qui sont dans la ligne de mire, mais les cols blancs. Tout à coup, celui qui pensait que ses diplômes le protégeaient du danger, tel un gilet pare-balle, réalise qu’il est une cible comme les autres. Le produit de la réussite est en danger alors qu’on lui avait promis une carrière ascensionnelle, et une retraite paisible. Il va vivre une expérience pour laquelle il n’était pas préparé. Et tomber de haut.

Non pas qu’il (elle) va perdre son job, mais il va connaître 2 attaques tout aussi fâcheuses que redoutables :

La nature de son travail et pour certains, sa nature ou son existence, vont être mise en jeu

Le prix, la valeur de son travail, va s’en ressentir. Ce n’est pas tant la disparition du job lui-même qui m’inquiète, mais la valeur qui lui est attribué. Car la baisse des salaires qui est certaine, à terme court, va contribuer à plonger un peu plus nos sociétés vers le bas. 

Bien entendu, le nombre des jobs à pourvoir va baisser, mais la baisse de la démographie va compenser et corriger ce fléau, en partie au moins. Néanmoins, il est évident que le mouvement global va s’accélérer et que cette compensation démographique ne suffira pas à calmer le jeu. Les dommages vont être conséquents.

Pendant ce temps les pays à démographie quasi négative, comme la Chine, la Russie, mais plus proche de chez nous l’Allemagne, vont inventer et perfectionner des techniques capables de remplacer l’homme, non par goût, mais par nécessité. Pas assez de bras et de cerveaux. Il faut donc les remplacer par des process. Cela dopera leurs marges, et nous imposera d’en faire de même pour rester compétitifs. Ce n’est pas directement l’automatisation, qui pose problème, mais l’évolution des modèles économiques.

Et surtout, le plus important, face à ce mouvement, c’est de réaliser que demain, le Boulanger, le menuisier, le plombier, caracoleront en tête des jobs de rêve de tout étudiant, pendant que la plupart ne saurons même pas ce que faisait un Auditeur « dans le temps » (il y a 5 ans). Nous allons faire vibrer les métiers à « petit diplôme », que nous avons tant méprisé. L’IA c’est avant tout l’inversion de la courbe des priorités et des hiérarchies, ce qui façonnerait une société tellement différente. 

Nous allons donc recruter moins, travailler différemment, perdre des jobs qui se ramasseront à la pelle et finir en biomasse au mieux, appauvrir notre classe moyenne et revaloriser le travail « d’en bas ». C’est une nouvelle société qui va se dérouler devant nous. Savoir si nous en serons acteurs ou victimes, dépendra de nous.

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