2024, l’année d’un nouvel équilibre mondial après les 4 chocs à nous avoir frappé de plein fouet ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Face aux enjeux écologiques, économiques, sociaux et politiques des prochaines années, que pouvons-nous faire ?
Face aux enjeux écologiques, économiques, sociaux et politiques des prochaines années, que pouvons-nous faire ?
©ANTHONY WALLACE / AFP

Monde en transition

Depuis le début de cette décennie, la mondialisation a changé de paradigme. Un nouvel équilibre est en train d’émerger.

Patrick Pilcer

Patrick Pilcer

Patrick Pilcer est ingénieur financier et membre du Think Tank « Cercle Avenir et Progrès ».

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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A partir des années 1990, l’économie mondiale a été marquée par un choc d’offre positif : l’entrée des pays émergents et de la Chine dans la mondialisation. Il a ainsi été possible de produire en s’appuyant sur les forces vives de travail et sur les capacités de production disponibles de ces pays. A cette époque, les échanges commerciaux dynamisaient la croissance économique, l’inflation mondiale diminuait et les migrations internationales se développaient. La mondialisation était heureuse !

Mais, depuis le début de cette décennie, la mondialisation a changé de paradigme. La croyance dans les vertus et les avantages d’hier n’a plus cours. Un choc d’offre négatif est apparu : le « retour à de multiples raretés » et, avec lui, celui d’une hausse généralisée et durable des prix. L’espérance en la mondialisation s’est transformée peu à peu en un sentiment de précarité, fait de craintes, de peurs, d’angoisses face à de multiples dangers de natures différentes, identifiés, diffus ou irraisonnés.

Quatre chocs sont à l’origine de cette évolution.

Le premier a eu lieu après la pandémie du Covid-19. Le coronavirus et les différents confinements d’un pays à l’autre ont semé, en 2020, les germes d’une « inflation de la pagaille », en désorganisant des chaînes de production très mondialisées et en provoquant une ruée vers certains produits.

La guerre en Ukraine est la cause du deuxième. Les sanctions occidentales ont partiellement exclu la Russie de l’économie mondiale. Une grande partie de la planète a alors perdu l’accès aux matières premières qui leur sont essentielles (pétrole, gaz naturel, céréales…). Les prix de ces produits de base, qui représentaient, selon le cas, de 8 à 40% de la production mondiale, se sont fortement élevés et certaines entreprises en ont profité pour accroître leurs bénéfices (« inflation par les profits »).

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Le troisième réside dans le changement des attitudes des employés vis-à-vis du travail. Il a pris la forme d’un recul de l’offre de travail, en particulier pour des emplois pénibles, à horaires atypiques… mettant certains secteurs sous tension. De manière prévisible, avec un chômage au plus bas depuis des années, le pouvoir de négociation des salariés s’est accru et l’« inflation par les salaires » a pris le relais.

Le quatrième est la transition énergétique. Elle requiert un recul de l’offre d’énergies fossiles, plus rapide que celui de la demande. Si la pression sociale et celle des épargnants incitent les firmes à réduire leurs investissements, en revanche, peu de mesures sont prises pour contraindre effectivement la demande (Cf. COP 28). La transition énergétique nécessite, en conséquence, une vive hausse des investissements dans la décarbonation de l’industrie, la production d’énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments….

Au final, ces quatre chocs font apparaître de multiples raretés aux ondes de choc entremêlées : rareté de l’énergie, rareté des métaux due aux besoins de la transition énergétique, rareté des matières premières agricoles en lien avec la guerre en Ukraine, rareté du travail avec les postures nouvelles des salariés, rareté (insuffisance) de l’épargne avec la forte hausse du besoin d’investissement…

Un nouvel équilibre est ainsi en train d’émerger. Un monde en transitions multiples, aux ondes de choc entremêlées : numérique, écologique, démographique, géopolitique… Un monde où les involutions nationalistes et souverainistes s’approfondissent, sur fond d’exigences croissantes de régulations planétaires. Un monde parcouru de crises multiples voire additionnées.

En parallèle, les tensions géopolitiques et nationales, notamment de ces derniers mois, témoignent du caractère problématique du « vivre-ensemble ». Cette question s’impose aujourd’hui avec acuité du fait du délitement du lien social, supplanté, dans la défense des idéaux, par des revendications spécifiques portées par des communautés, qui perdent, de plus en plus, la capacité à converger vers une même problématique transversale. Le respect de l’injonction de vivre ensemble dans la différence est-il possible dans la mesure où la difficulté de réaliser un « vivre-ensemble » juste et pacifique résulte du fait que les citoyens n’arrivent pas toujours à fédérer leurs préférences particulières autour des références politiques et économiques communes ?

Les initiatives menées jusqu’à présent ne représentent pas une solution absolue aux externalités négatives que sont les phénomènes populistes qui traversent l’Europe ou l’accentuation des replis communautaires et identitaires, mais elles apportent néanmoins, dans leur élan solidaire, des éléments de réponses sur ce qu’il serait éventuellement possible de mettre en œuvre, avec efficacité, à une tout autre échelle.

Face aux enjeux écologiques, économiques, sociaux et politiques des prochaines années, que pouvons-nous faire ?

D’une part, si nous souhaitons le maintien d’un monde en paix (relative) et des conditions de vie sur Terre, la taille globale de l’économie doit être revue. L’environnement biophysique doit notamment être regénéré et l’empreinte carbone de l’humanité réduite de 90% en 25 ans !

D’autre part, il nous faut redéfinir, en profondeur, sur ce que signifie « vivre », sur ce que veut encore dire « ensemble », sur la manière de sortir de soi pour aller vers l’Autre, vers le monde, et faire Nation. Il nous faudra davantage qu’apprendre à vivre ensemble. Il nous faudra devenir des communautés plurielles unies dans une seule et même communauté de destins. Entre l’ordre ancien se mourant et le nouveau tardant à se dessiner, le plus grand défi qui se présente à nous dans ce clair-obscur est celui d’accepter que nous soyons, nous-mêmes, à l’origine du changement des récits dont nous sommes aujourd’hui prisonniers. Il est temps d’abandonner, comme seul Graal dans la quête du bonheur, la vision datée d’une réussite uniquement mercantile et de développer de nouveaux récits valorisant le collectif et le « vivre ensemble ».

Pas de doute, pour faire face au monde qui est et qui vient, il parait plus que jamais nécessaire de conjuguer volonté et intelligence, et d’adopter une véritable démarche lucide et éclairée. Les prochaines années seront caractérisées par le retour de la rareté, par la fin inéluctable de l’abondance, par une inflation persistante et par un impératif fondamental de nos sociétés en voie de métissage : renouer avec le « Vivre Ensemble ».

Patrick PILCER, ingénieur financier & Michel RUIMY, économiste,

Membres du Think Tank « Cercle Avenir et Progrès »

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