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2022 a marqué notre entrée dans une ère d’anxiété géopolitique absolue.
2022 a marqué notre entrée dans une ère d’anxiété géopolitique absolue.
©LUDOVIC MARINPOOL / AFP

Prospective 2023

L'année 2022, touchée par de nombreuses crises, a marqué notre entrée dans une ère d'anxiété géopolitique absolue.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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2022 a marqué notre entrée dans une ère d’anxiété géopolitique absolue. Que ce soit la guerre en Ukraine, les troubles dans les Balkans, les heurts mortels en Asie centrale, ceux sur la ligne frontalière opposant l’Inde à la Chine ou encore les provocations menées respectivement par Pyongyang en Asie du Nord-Est mais aussi par Pékin et son armée contre Taïwan, toutes ces crises nous montrent l’existence de rivalités structurelles profondes ; lesquelles étaient largement prévisibles au demeurant.

L’Occident a longtemps et naïvement cru en la possible résolution des conflits par la seule négociation avec les régimes autoritaires et par l’accroissement des échanges économiques comme condition suffisante au maintien de la paix. Si la négociation est le principe même de la diplomatie, il convient d’en mesurer les limites et de rappeler que l’intimidation militaire reste le plus sûr moyen pour tenir en respect une dictature. Quant aux échanges économiques, loin d’apaiser les relations entre les peuples, ils en attisent les frustrations. Alors, que faire ?

La Covid-19 nous a rappelé avec force que la mondialisation n’étant pas maîtrisée, le développement économique avait largement servi les intérêts de la Chine et lesdits émergents en dépouillant chaque année un peu plus les classes moyennes européennes et américaines de leurs savoir-faire industriels dans un premier temps puis de leur pouvoir d’achat. On connaît la suite : montée des populismes, précarisation des sociétés et démission morale du collectif miné par la sinistrose et l’absence de défis à relever en commun. L’année 2022 marque en cela le probable coup d’arrêt de cette mondialisation dangereuse et le grand retour des Etats. L’exemple de la France est en cela symptomatique. La conversion du Chef de l’Etat Emmanuel Macron, naguère néo-libéral devenu champion du souverainisme, est éloquente. Y compris dans le choix de sujets sensibles et électoralement périlleux comme le retour du nucléaire dans le domaine civil, le renforcement des moyens militaires ou le rapatriement de secteurs d’activités industrielles que le pouvoir juge désormais vitaux.

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En somme, la pandémie nous aura alertée de la vulnérabilité encourue comme le serait un cauchemar qui, provoquant la conscience, nous darde, et nous pousse à une mutation, à un sursaut vital. Cependant, nous ne sommes pas seuls. Pour le meilleur : que la France soit membre de l’OTAN est une bénédiction. L’Alliance atlantique sanctuarise notre territoire et expose Vladimir Poutine à une puissance de feu si terrifiante que la Russie pourrait en être à jamais totalement vitrifiée. Pour le pire : la Russie s’effondre. Même si elle a de beaux restes, son affaiblissement quotidien réveille des tensions dans son espace proche et l’on peut craindre dans les mois à venir des situations à laquelle ce gigantesque Etat-continent a été plus d’une fois confronté : l’anarchie généralisée, la sécession de provinces entières et des mutineries au sein de l’armée.

Quel impact pour l’Europe, pour la France ? Le premier réflexe sera d’endiguer le mal au moyen d’un cordon sanitaire. Dans les faits, ce cordon sanitaire existe déjà et traverse le territoire ukrainien comme État-tampon, là même où s’est jouée il y a tout juste un siècle la première guerre soviéto-polonaise. Poursuivons notre prospective : aux antipodes de la Russie proprement dite, la Sibérie passe sous le contrôle chinois. Ce qui est de l’ordre de la fiction ne le sera peut-être plus dans quelques mois. La rencontre virtuelle du 30 décembre 2022 entre Xi Jinping et Vladimir Poutine semblait même en donner un avant-goût amer pour Moscou à ce qui apparaît de plus en plus comme étant de l’ordre du possible. Hydrocarbures à bas coût et hypothèse d’une cession à bail de territoires que convoite la Chine depuis des siècles irait dans le sens des exigences chinoises contre un soutien somme toute très relatif de Pékin envers Moscou ; Chinois et Russes ayant toutefois en partage une haine absolue de l’Occident, et cette haine est, rappelons-le, le ciment véritable donné à la nature de leurs relations.

Cet inéluctable n’est-il pas en train de se dérouler déjà depuis plusieurs semaines, et sous nos yeux ? Le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai à Samarkand, en septembre dernier, semblait rappeler que la majorité des Etats de l’Asie centrale jouait davantage la carte de Pékin plutôt que celle de Moscou. 2023 verra-t-elle donc le triomphe de Xi Jinping sur la scène internationale ? Sauf si la situation sanitaire en Chine venait à empirer, provoquant par là-même une récession économique telle que le régime serait emporté…D’aucuns comparent déjà les conséquences de la pandémie à celles provoquées par Tchernobyl en 1986 pour l’Union Soviétique. L’histoire est toujours plus complexe qu’on ne le croit et surtout le contexte lié à ces deux phénomènes est totalement opposé.

Rappelons que l’URSS était alors en guerre en Afghanistan, que son économie était au plus mal et que Gorbatchev en était le dirigeant. Rien de commun avec la Chine et son dirigeant d’aujourd’hui…Mais toutes ces spéculations ne sauraient nous faire oublier que nous sommes en vie et que nous avons des ressources certaines pour affronter ces périodes de tempêtes. Confions donc notre jugement sur l’avenir à notre propre sagacité, à l’expérience de nos aînés aussi, et n’ayons pas peur de dire à la manière de Winston Churchill en plein Blitzkrieg, cigare à la bouche et pistolet-mitrailleur à la main : « Nous sommes sûrs que tout finira bien ». Bonne année donc et que l’éclair nous dure !

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