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200 écoles de Seine-Saint-Denis bloquées par des parents d’élèves : pourquoi les zones les plus sensibles sont aussi celles où le service public de l’Education nationale est le moins bien assuré
©Reuters

Plus de crédits, moins de résultats

La pénurie en professeurs en Seine Saint-Denis, où les conditions d'enseignement sont connues pour être difficiles, a poussé des parents d'élèves à manifester et bloquer des écoles. Les dysfonctionnement du système montre la nécessité de réforme de la formation professorale.

Jean-Louis  Auduc

Jean-Louis Auduc

Jean-Louis AUDUC est agrégé d'histoire. Il a enseigné en collège et en lycée. Depuis 1992, il est directeur-adjoint de l'IUFM de Créteil, où il a mis en place des formations sur les relations parents-enseignants à partir de 1999. En 2001-2002, il a été chargé de mission sur les problèmes de violence scolaire auprès du ministre délégué à l'Enseignement professionnel. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur le fonctionnement du système éducatif, la violence à l'école, la citoyenneté et la laïcité.

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Atlantico : Des parents d'élèves ont manifesté mercredi 13 avril devant 200 écoles et collèges du département de Seine-Saint-Denis. "400 classes du primaire sont sans enseignant chaque jour en Seine-Saint-Denis" affirme un communiqué du mouvement. Sur les pancartes, on peut lire : "déchéance de scolarité", ou encore "ZED - Zone d'éducation à défendre". Qui sont les organisateurs de cette journée d'action, et quelles sont leurs revendications précises ?

Jean-Louis Auduc : Les organisateurs de la journée du 13 avril sont avant tout des associations de parents d’élèves qui sont d’ailleurs souvent des collectifs locaux non affiliés aux fédérations nationales de parents d’élèves et qui sont révulsés par le non-remplacement des enseignants, notamment du primaire dans le département de Seine Saint-Denis.

Si la rentrée s’était à peu près bien passée, au fur et à mesure de l’avancée de l’année scolaire, il y a eu des difficultés qui se sont aggravées concernant le remplacement des enseignants dans les écoles. En décembre 2015, on parlait de non-remplacements dans 60 écoles, 200 en février 2016, 400 en mars… 

Sur les deux dernières semaines 2 237 journées de cours n'ont pas été assurées dans le département au primaire et 740 dans le secondaire. La situation pour reprendre un parent d’élève est devenu "chaotique dans tout le département".

Ce problème du non-remplacement d'enseignants se retrouve-t-il dans d'autres départements de France ? Dans quelles proportions ? 

Si conjoncturellement des départements ont connu des difficultés de remplacement, cela n’a jamais connu l’ampleur de ce qui arrive en Seine Saint-Denis. Cette situation particulière de ce département tient au fait qu’il cumule un certain nombre de difficultés et de dysfonctionnements, notamment plus dans le premier degré que dans le second degré et qu’on a trop tardé à les prendre en compte. Le concours spécifique exceptionnel ne date que de l’an dernier et ne donnera sa pleine mesure qu’à la rentrée 2017 puisqu’il faut former les candidats reçus.

On pourrait s'attendre à ce que les moyens plus importants alloués à ces zones sensibles leur évite ce type de problèmes. Pourquoi, au contraire, se pose-t-il si singulièrement dans ce département ? 

Il y a un triple problème concernant le département de Seine Saint-Denis :

  • une crise de recrutement d’enseignants du premier degré qui concerne toute la France, mais plus encore ce département. Les modalités archaïques, datant de la France rurale de Jules Ferry qui font qu’il n’y a pas un concours Ile de France de professeurs des écoles, mais un concours "Paris- ville", "Versailles" et "Créteil" ont aggravé la crise et ont du conduire la ministre à mettre en oeuvre un concours exceptionnel .

Cette situation de crise existe moins dans le second degré où le concours est national.

  • un accroissements continu des effectifs d’élèves pas toujours bien anticipé, car ce département voit des flux importants de population s’y installer. Il y a donc insuffisance de prévisions des moyens nécessaires à la scolarisation de tous les élèves qui se sont présentés à la rentrée 2015 dans les écoles. Il y a eu emploi dès la rentrée de personnels, de stagiaires qui auraient du servir aux remplacements et qui manqué à partir de janvier.

  • un exercice difficile du métier enseignant dans ce département qui nécessiterait des enseignants "aguerris" aux différentes pratiques pédagogiques et où on affecte des débutants ou lorsqu’il y a crise des contractuels recrutés au petit bonheur et peu formés. Cela conduit à des démissions, des "déprimes", des arrêts de travail …

C’est la conjonction de ces trois facteurs qui nous amènent à l’insupportable situation d’aujourd’hui .

Par ailleurs, interrogée à la sortie du conseil des ministres, Najat Vallaud Belkacem a annoncé que désormais, "dès la deuxième absence, le professeur devra faire le point avec la médecine du travail". Serait-ce un aveu que derrière la question du remplacement des enseignants, il y a celle de leurs absences ? Cette annonce représente-t-elle une réponse valable ?

Il y a effectivement des "déprimes" , des arrêts de travail, notamment chez les débutants qui témoignent avant tout de la difficulté du métier dans ces territoires. 

On peut , comme pis-aller comme le propose la FCPE "recruter les 100 à 150 personnes sur liste complémentaire du concours 2015, pour qu'elles soient en classe à temps plein cette année et en formation l'année prochaine", mais ce ne serait qu’un pis-aller et on risque nombre de démissions avec ses personnels non formés.

La solution réside avant tout dans un recrutement suffisant de professeurs bien formés. Il faut mettre en œuvre un concours Ile-de-France où les premiers reçus, après une formation de qualité, seraient affectés en Seine Saint-Denis, là où il est utile de montrer que la République se conjugue effectivement avec l’égalité de tous les territoires devant l’éducation.

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