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#15minutesPourConvaincre : comment Internet, beaucoup plus que la télé, a imposé aux élites françaises une vraie campagne électorale
©Reuters

French Touch

Tiens! la campagne électorale (celle du premier tour, en tout cas) touche à sa fin. Beaucoup ont prétendu qu’elle était hors norme. Rétrospectivement, et en regardant l’improbable émission « 15 minutes pour convaincre », on serait mieux fondé à se féliciter que, malgré tout, la France ait montré la voie en réussissant la première vraie campagne électorale du XXIè siècle sur le continent européen.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La révolution des primaires a purgé le bébé avec l’eau du bain

Souvenons-nous de la France de janvier 2016. On aurait parié cher sur un autre duel Hollande-Sarkozy, à peine perturbé par Marine Le Pen. Quinze mois plus tard, le recours à la primaire, autant à droite qu’à gauche, a permis d’offrir une vraie alternative à cette seringue qui nous était promise. Les électeurs de droite ont écarté Sarkozy sans ménagement, et les électeurs de gauche menaçaient de faire subir à Hollande le même sort – ce qui a justifié, in fine, son renoncement au combat.

On pourra reprocher beaucoup de choses à nos processus politiques. Mais force est de constater qu’ils ont su se rénover en profondeur sans trop de dommages.

Internet comme véhicule central du discours politique avant la campagne

Durant toute cette période, les Français ont pu mesurer le divorce profond entre les candidats officiels du régime et la réalité de l’opinion publique qui s’est exprimée en utilisant Internet et les innombrables possibilités qu’il offre.

À droite, le « système » (cette étrange combinaison de sondages, de répétition en boucle des mêmes antiennes dans les médias subventionnés et de professions de foi dans les élites) avait choisi un duel Juppé-Sarkozy, qui s’est transformé en un triomphe de François Fillon. À gauche, le même système avait installé Manuel Valls et Arnaud Montebourg dans ce même duel forcé, qui ne s’est finalement pas produit.

Si les militants avaient dû se contenter des véhicules traditionnels de communication et d’expression, ils auraient probablement été frustrés, dépossédés, de leur vrai choix. Et soudain l’on comprend que la vie politique française repose historiquement sur une construction en carton-pâte que des moyens disruptifs d’expression font voler en éclat.

Les vieux médias ont tenté de torpiller une campagne qu’ils n’avaient pas choisie

De façon très révélatrice, c’est l’organe de presse le plus réticent à Internet qui a le mieux torpillé une campagne opposant des candidats imposés par les militants contre l’avis et les pronostics fourbis par les traditionnels faiseurs d’opinion. C’est en effet par un scoop du Canard Enchaîné que le malheur est arrivé: les Français apprenaient, stupéfaits, que François Fillon, qui avait attaqué Nicolas Sarkozy sur sa perte de crédibilité liée à ses « affaires », n’était lui-même pas un parfait exemple de vertu.

Pendant plusieurs semaines, la campagne qu’Internet avait permis de positionner sur des sujets de fond s’est alors résumée, du fait même de ces médias subventionnés, à une simple énumération d’affaires et de boules puantes. Il a fallu attendre le début du mois d’avril pour que d’autres sujets que ces affaires puissent être abordés.

Quel magnifique spectacle, que celui d’un bouleversement dans la douleur où l’ancien monde des médias payés par le régime pour maintenir l’opinion dans un état d’asservissement et de panurgisme a dû céder la place à un nouveau monde où les candidats ont été sommés de répondre au contenu même de leur projet pour le pays! quelle formidable leçon de démocratie donnée par ces populistes de la populosphère honnis par nos élites!

La présence des « petits candidats » imposée par la populosphère

Depuis plusieurs mois, tout avait été mis en place pour que le débat soit, comme chaque fois, verrouillé par quelques favoris occupant l’essentiel du temps de parole. Une loi avait même été adoptée pour que ce temps de parole tienne compte du poids de chacun déterminé par les sondages. Et patatras! les médias subventionnés n’ont pas tardé à comprendre que cette règle ne tiendrait pas. Lorsque Nicolas Dupont-Aignan quitte le plateau de TF1 pour protester contre son absence au débat organisé par la chaîne avec les cinq favoris, il explose les compteurs de vue sur Internet.

Jusque-là, les « petits candidats » avaient été systématiquement ridiculisés par les médias subventionnés. Poutou avait été raillé sur un plateau. Dupont-Aignan était, de longue date, ringardisé et carbonisé. Asselineau était boycotté sous prétexte de complotisme, comme Cheminade d’ailleurs.

Et finalement, ceux qui raillaient, qui ironisaient, qui moquaient, comprennent qu’ils ne sont plus en position de force. Internet impose un débat à 11. La populosphère a gagné.

Même pendant les attentats, le débat continue

Durant l’émission « 15 minutes pour convaincre », les réseaux sociaux ont ironisé sur le décalage entre l’urgence dans les rues, imposée par un attentat sur les Champs Elysées, et la patience du débat. Nous pouvons nous féliciter de ce décalage. Elle prouve la vitalité de l’esprit démocratique en France. L’odeur de la poudre remplissait nos rues, mais l’échange d’idées s’est poursuivi dans un esprit de calme et de sérénité.

Là encore, on peut imaginer que, sans la pression que l’opinion publique a exercée pendant plusieurs mois par le biais d’Internet, le débat se serait passé autrement. L’urgence imposée par les questions de sécurité aurait probablement eu raison de ces raisonnements démocratiques, et aurait justifié des mesures expéditives.

Les élites françaises bousculées par la populosphère

Donc, les populistes de la populosphère ont gagné. Ceux qui contestent depuis plusieurs années le huis clos imposé par les médias subventionnés. Ceux qui dénoncent les logiques sans alternative imposées par une élite peu imaginative et emplie de certitudes sur des solutions qui n’en sont plus depuis longtemps. Ceux qui ne résument pas les choix républicains à une adhésion sans esprit critique à l’Union Européenne, cet avatar désenchanté de l’idéal européen tel qu’il fut formulé il y a soixante ans. Tous ceux-là ont finalement obtenu que les règles du jeu changent. C’est en ce sens que cette campagne est hors norme: elle s’est nourrie d’une immense bouffée d’oxygène apportée par une opinion publique consciencieusement censurée jusqu’ici.

On peut être sûr aujourd’hui que ce changement est irréversible. Plus jamais, nous ne connaîtrons de campagne électorale organisée par des instituts de sondage qui encadrent une longue suite de commentaires plats produits jusqu’à satiété par des médias chiens de garde.

En revanche, cette évolution, aussi rapide qu’elle soit, ne sera pas linéaire. Il y aura des soubresauts. Il y aura des Raffarin, des Cambadélis, qui plaideront pour des mondes sans primaire, pour des Internets censurés et pour une restriction au nombre de candidatures. Bien entendu, il y aura tout cela.

En attendant, savourons cet esprit nouveau qui nous prouve que la France peut montrer la voie.

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