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15 interpellations trois mois après les émeutes de Moirans : preuve de la "fermeté républicaine" vantée par Valls... ou de l’inverse ?
©Reuters

Vendre la peau de l'ours...

Lundi 18 janvier, les forces de l'ordre ont interpellé 15 personnes suspectées d'être impliquées dans les actes de violences qui se sont déroulés à Moirans en octobre dernier. Plus que des interpellations, c'est surtout la réponse pénale à l'égard des coupables qui permettra de rétablir une quelconque "fermeté républicaine"...

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Christophe  Naudin

Christophe Naudin

Christophe Naudin est criminologue, docteur de la Sorbonne, chercheur enseignant pour l’Université Paris II Panthéon-Assas. Spécialisé dans la lutte contre la criminalité identitaire et le terrorisme aérien, il est également formateur pour la police nationale et la gendarmerie nationale. Il a exercé pendant 20 ans dans de nombreux pays sur les 5 continents, dans le cadre de la coopération technique policière et de défense.

 
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Atlantico : Trois mois après les scènes qui se sont déroulées à Moirans, quelles difficultés ou enjeux politiques liés à ce type d'affaire peuvent expliquer le temps passé avant leur interpellation ?

Christophe Naudin : Secret de polichinelle : La communauté des gens du voyage est hautement criminogène. En témoigne la sur représentation des gitans dans les prisons françaises. Généralement la culture criminelle va de pair avec la défiance des lois de la république, de l’ordre établi et de leurs représentants. Les gendarmes ou les policiers s’attendent donc systématiquement à de la résistance quand ils tentent d’exécuter les actes judiciaires. Ce n’est pas qu’une légende, comme le prouvent le saccage de la gare de Moirans le 20 octobre ou le blocage de l’A1 en aout 2015 justifiés par des raisons futiles. Une simple perquisition ou une interpellation prennent alors des dimensions inimaginables. Pour que force reste à la loi aux yeux de l’opinion publique, y compris auprès des gens du voyage, il faut sur-dimensionner les dispositifs policiers. A Moirans c’est 300 gendarmes pour effectuer 15 interpellations, soit un ratio de 20 pour 1 (le ratio normal est de 3 pour 1). C’est clair, le temps des voleurs de poules est bien loin.

Alexandre Giuglaris : Pour une affaire qui a autant été mise en avant dans les médias, le temps parait, en effet, bien long, mais je ne veux pas préjuger car je ne connais pas le dossier. Peut-être avait-on très peu d’indices sur les auteurs puisqu’aucune interpellation n’avait eu lieu au moment des faits ? C’est d’ailleurs, cette inaction de l’Etat, aux moments des faits, qui avait beaucoup choqué dans cette affaire. On essaie aujourd’hui de réparer ce qui n’a pas été fait au mois d’octobre. Mieux vaut tard que jamais mais enfin…

Ces violences avaient notamment été soulignées pour pointer du doigt la dégradation de l'autorité de l'Etat. En quoi y avait-il un enjeu à retrouver les responsables ?

Alexandre Giuglaris : On ne peut que se réjouir que les auteurs présumés des faits soient possiblement enfin arrêtés car cela veut dire que l’autorité de l’Etat peut être rétablie et cela envoie un message, sans doute bien trop tardif, de fermeté républicaine. L’Etat ne se laisse pas faire pourrait-on dire, peu importe le temps nécessaire.

Mais deux questions surgissent immédiatement, si cette affaire n’avait pas été autant médiatisée, pensez-vous que l’on aurait mis autant de moyens pour retrouver les auteurs potentiels ? Selon moi, c’est peu probable.

Par ailleurs, plus que l’interpellation nécessaire, c’est bien la réponse pénale qui sera apportée qui sera déterminante pour restaurer l’autorité de l’Etat. Et là, je crains deux écueils, le laxisme habituel ou une sévérité exemplaire, qui si elle est nécessaire, est injuste quand elle ne concerne que quelques cas individuels médiatisés.

Quelles sont d'après vous les principales affaires qui ont modifié (altéré ou amélioré) la perception de l'autorité de l'Etat ?

Alexandre Giuglaris : Justement, le problème est que l’on peut avoir quelques affaires ou quelques dossiers qui montrent une grande sévérité de la justice. Cela a notamment été le cas, au lendemain des attentats, dans les condamnations pour apologie du terrorisme. Le problème est que la justice du quotidien fait, elle, preuve d’un laxisme dont ne veulent plus les Français comme le montrent toutes les études d’opinion.

Aujourd’hui l’autorité de l’Etat est clairement affaiblie et contestée par le laxisme de la justice, laxisme idéologique et politique d’une part et laxisme résultant d’un manque de moyens d’autre part. Quand 100 000 peines de prison fermes sont en attente d’exécution chaque année et dont un quart ne seront jamais exécutées, faute de places principalement, il ne faut pas chercher plus loin l’inefficacité de la chaîne pénale et le sentiment d’impunité des délinquants et criminels. C’est donc davantage le contentieux de masse et du quotidien, faisant l’objet d’une réponse de la justice trop lente et trop faible, qui explique, par exemple, que seuls 44% des Français ont confiance dans leur justice, comme l’a montré tout récemment le baromètre du CEVIPOF.

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