100 000 emplois créés chaque mois au Royaume-Uni et 6,8% de chômage : les Britanniques ont-ils signé un pacte avec le diable ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Royaume-Uni jouit d'une réussite insolente sur le plan économique et sur l'amélioration de leurs chiffres du chômage
Le Royaume-Uni jouit d'une réussite insolente sur le plan économique et sur l'amélioration de leurs chiffres du chômage
©Reuters

La recette

Le Royaume-Uni jouit d'une réussite insolente sur le plan économique et sur l'amélioration de leurs chiffres du chômage. Le pays, pourtant touché par la crise, a su prendre une voie particulière pour résoudre ses problèmes, avec un succès qui ne se dément pas.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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George Osborne, actuel chancelier de l’Echiquier n’en espérait peut être pas tant. A un an des élections générales prévues en mai 2015, les performances du ministre des Finances britannique sont acclamées. C’est ainsi que le 5 mai dernier, l’OCDE révisait ses prévisions économiques pour le Royaume-Uni, en rehaussant son anticipation de croissance de 2,4 à 3,2% pour cette année 2014. Soit le taux le plus élevé des pays du G7.

L’organisme de prévision indépendant Markit en remettait une couche le même jour. Selon Markit et son chef économiste, Chris Williamson, les entreprises du Royaume-Uni embauchent actuellement sur un rythme de 100 000 personnes par mois. Soit 1,2 million d’emplois créés en 2014, ce qui permettra au pays de franchir son record absolu en nombre d’emplois : 31,5 millions. Le 15 mai, l’Office national de statistiques publiait les chiffres du chômage britannique encore une fois en baisse à 6,8% de la population active. La comparaison avec la France est ici stupéfiante; l’année 2013 avait en effet permis au Royaume de créer 485 000 emplois alors que la France devait se contenter  de regarder le nombre de chômeurs augmenter de 450 000 personnes depuis l’entrée en fonction de François Hollande.

La stratégie déployée par le couple David Cameron et George Osborne n’a pourtant rien d’ésotérique. Mais quelle stratégie justement ? Le premier point est que le niveau de dépenses publiques est à la baisse au sein du royaume et devrait atteindre un niveau légèrement inférieur à 40% du PIB d’ici 2017, alors qu’il était proche de 47% en 2010. La réduction du nombre de fonctionnaires en est la mesure la plus emblématique. La mise en place d’un plafond de prestations sociales à 500 £ par semaine en est une autre, réforme soutenue par la fusion des différents régimes de paiements. La ligne de l’austérité semble bien être de mise, et pourtant il n’en est rien.

Car les déficits publics atteignent encore un niveau élevé dans le pays : 6,6% du PIB pour cette année et sont attendus à 5,5% pour l’année suivante. Une stratégie qui pourrait être considérée comme irresponsable, mais malgré un niveau de dette élevé à 90% du PIB, le pays n’a aucun mal à se financer sur les marchés. Son taux d’emprunt reste faible, à 2,69%. Un taux supérieur à la France, qui emprunte de son côté à moins de 2%, mais qui est à mettre en relation avec le différentiel de croissance des deux pays : 3,2% en 2014 pour l’un, contre 0,9% pour le second.

La différence de méthode est ici essentielle avec la France. La réduction des déficits a bien lieu, mais le gouvernement ne veut en aucun cas y parvenir par la hausse d’impôts. Une stratégie qui fait la part belle à l’incitation à la croissance, qui seule permettra de lutter efficacement contre les déficits. Ainsi, le poids de la fiscalité représente un total de 36% du PIB au Royaume-Uni, soit un différentiel de 11 points avec la France qui bat record sur record de ce côté avec 47% de prélèvements par rapport au PIB. 

Fiscalité plus faible permise par une plus grande flexibilité des déficits, réduction du poids de l’Etat, un cocktail qui semble gagnant, mais il manque un élément au puzzle. Car si ces mesures sont favorables à la croissance, elles n’en sont pas le moteur. Discrètement, le nouveau gouverneur de la Banque d’Angleterre fait le travail. Le canadien Mark Carney, nommé en décembre 2012 à ce poste, est bien l’artisan du retour de la croissance du Royaume-Uni.

Depuis sa prise de fonction le 1er juillet 2013, Carney innove. Dès le mois d’août, le nouveau gouverneur modifie les règles de la Banque d’Angleterre en fixant un objectif de taux de chômage à 7%. Il faudra moins d’un an pour ce taux soit atteint, et arriver à 6,8% aujourd’hui. Le courant passe entre le gouverneur et l’économie britannique, la confiance est au rendez-vous. 

Le premier objectif étant atteint, le gouverneur innove encore. Désormais, et sur la base d’une douzaine d’indicateurs, Carney indique au marché qu’il soutiendra l’économie aussi longtemps que les capacités de productions n’auront pas atteint leur plein potentiel ("spare capacity"). Lors de sa déclaration, le gouverneur estime que la croissance a encore une marge de progression de 1 à 1.5% par an, avant que le risque inflationniste ne montre le bout de son nez. La réussite est totale, la communication menée par Carney est comprise par le marché, qui le suit. La révision à la hausse des anticipations de croissance de la part de l’OCDE en atteste. Les entreprises savent où elles vont, celles-ci peuvent déployer leurs nouveaux investissements et leurs embauches en fonction d’un discours clair. Mark Carney trace la voie de l’économie. Dix mois après l’arrivée du banquier canadien, le Royaume-Uni tourne à plein régime.

Ce que nous prouve le nouveau gouverneur est que la doctrine monétaire a profondément changé depuis l’entrée en crise et que les outils déployés par ces "révolutionnaires" de la monnaie fonctionnent comme prévu. Des techniques sans doute bien trop innovantes pour une Banque centrale européenne poussiéreuse et dépourvue de toute ambition de faire baisser le chômage. Car pour elle, seule la maîtrise des prix mérite l’attention. Outre-Manche et outre-Atlantique, l’emploi et la croissance sont devenus prioritaires. 

Et le Japon n’est pas en reste. En appliquant une méthode similaire de révision de ses objectifs monétaires depuis plus d’un an, le pays est entré dans une phase d’expansion qu’il n’avait pas connu depuis 20 ans. Les chiffres du premier trimestre 2014 sont spectaculaires : +5,9% de croissance, une progression digne d’un pays émergent en plein boom. Même s’il est évident que ce chiffre ne pourra se reproduire tout au long de l’année, puisque l’objectif de croissance n’est que de 2% pour l’année entière, il est significatif de constater que le contrat pour l’année 2014 est déjà presque rempli. A faire baver un dirigeant européen.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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