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(Sombres) Secrets d'Histoire : Hitler a-t-il réellement demandé à la France d’entrer en guerre contre les Etats-Unis ?
©DR

Bonnes feuilles

Premier ouvrage à donner la priorité à la vision de la France chez Hitler, ce livre novateur présente trois originalités : il repose sur des documents de la main d'Hitler et de son entourage ; il remonte à la Première Guerre mondiale et aux premières publications du Führer ; il suit pas à pas les dernières années, à partir de 1940. Extrait de "Hitler et la France" de Jean-Paul Cointet, aux Editions Perrin-Tempus (2/2).

Jean-Paul Cointet

Jean-Paul Cointet

Professeur émérite des universités, Jean-Paul Cointet est un spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale. 

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Le 8 novembre 1942, l’ambassade allemande à Paris transmet à Vichy, en début d’après-midi, par l’intermédiaire du consul Krug von Nidda, un message émanant, selon elle, d’Hitler et parvenu à 9  h  30  : « Le Führer demande si le gouvernement français est sérieusement prêt à lutter avec nous contre les Anglais et les Américains. Cela comportera, outre la rupture des relations diplomatiques, la déclaration de guerre aux Anglais et aux Américains. Dans le cas où il se déclarerait d’accord sans équivoque, nous serions prêts à passer avec lui “durch dick und dünn”. ».

Le jour même, au petit matin, une armada principalement américaine a débarqué en plusieurs points des côtes d’Afrique du Nord. Hitler, le terrien, le continental, celui qui n’aimait pas la mer ni les horizons coloniaux, ne s’y attendait pas et fut pris par surprise. Il avait quitté son quartier général la veille pour se rendre à Munich à la fête traditionnelle du parti, accompagné par Keitel et Jodl. Il s’était fié aux informations transmises par l’amirauté. Celle-ci, ayant eu vent d’un fort mouvement naval depuis Gibraltar, avait émis l’avis que cette flotte se dirigeait sans doute vers Tripoli, sur les arrières de Rommel ou sur Malte. C’est seulement au petit matin que tomba la confirmation du débarquement en Afrique du Nord. Hitler lance alors l’opération Attila. Tenue prête depuis les lendemains de l’armistice, elle prévoyait l’occupation de la zone libre. Hitler se réserve toutefois la date de la mise en œuvre concrète, dans l’attente du message qu’il adresse à Vichy. La déclencher trop tôt ou trop tard, c’est risquer de précipiter un passage de la flotte aux Alliés.

Qu’allait faire Vichy ? Quelle était la portée réelle du message ? Quelle signification prenait l’expression durch dick und dünn ? Littéralement, elle se traduit par « à travers l’épais et le mince ». Il a été beaucoup débattu d’un équivalent français. Ont été proposés : « à travers tous les obstacles », « contre vents et marées », « dans la bonne comme dans la mauvaise fortune », « pour le meilleur et pour le pire ». Benoist-Méchin va jusqu’à « à la vie à la mort ». Quand on connaît sa hâte à voir le gouvernement se jeter sur l’« offre » d’Hitler ; on constate que la transposition de la formule ne peut qu’emprunter aux attentes des uns et des autres.

Les notes prises par le docteur Ménétrel, médecin confident de Pétain et Charles Rochat, le secrétaire général du Quai d’Orsay, permettent de suivre heure par heure le déroulement des événements. Nous les compilons à partir d’autres sources françaises et allemandes. On y a joint ce que l’on sait du côté allemand. – 8 novembre 1942 14 h 50 : réception du message d’Hitler. 17  h  50  : échange entre Laval et Weygand dans le bureau de Pétain. 18 h 15 : Conseil des ministres. Constat que « les Etats-Unis ont rompu de leur fait les relations diplomatiques ».

Formule qui évite de voir le gouvernement prendre la responsabilité de la rupture. Pas de déclaration de guerre.

19 heures : entretien Laval-Krug von Nidda. Le gouvernement ne peut rien décider sans une conversation d’ensemble avec Hitler.

20 heures : un second Conseil des ministres prend la décision de résister sur place en Afrique du Nord par les armes et reconnaît à l’Allemagne le droit de survoler le théâtre des opérations sans se poser.

Toute cette journée du 8, sur ordre de Pétain, une résistance a été opposée au débarquement.

– 9 novembre Matin : von Nidda informe Laval qu’il est attendu le soir même par Hitler à Munich. Départ de Laval en voiture. Arrivée du général Giraud à Alger. Poursuite d’une résistance armée. A Casablanca, la résistance de la marine coûte la vie à 800  marins et entraîne la perte de 27 unités. Plus de 1 000 morts du côté américain.

– 10 novembre 13 h 30 : on apprend que sur place, à Alger, l’amiral Darlan a signé, le 9 novembre, avec le général américain Clark une suspension des hostilités.

Dans l’après-midi  : réunion Hitler-Laval-CianoRibbentrop à Munich, dans la salle même où s’était tenue la conférence relative aux Sudètes en 1938. Laval, attendu dans la soirée du 9, est arrivé avec douze heures de retard. Il tombe mal. Hitler a appris la signature de l’armistice à Alger et l’arrivée du général Giraud le 9. Tardivement introduit, le visiteur a à peine droit à la parole. « A la fin de la réunion, Laval sorti, écrit l’interprète Schmidt dans ses Souvenirs, Keitel entra avec une grande carte comme en 1938. Cette fois, il s’agissait de l’occupation de la partie de la France demeurée libre jusque-là et qu’Hitler venait d’ordonner. »

A minuit, sur ordre de Ribbentrop, Abetz fait savoir à Laval que l’opération Attila (devenue « Anton ») serait lancée le lendemain… 11 novembre à 7 heures du matin. A aucun moment, Hitler, dans les jours précédents, n’a fait allusion à une déclaration de guerre de la France aux Etats-Unis. A Wiesbaden, au soir du 9 novembre, ce n’est pas une alliance qui avait été évoquée, mais un simple accord (en fait un diktat) pour baser des forces aériennes de l’Axe à Constantine et en Tunisie et pour un accès à Bizerte. Demande que formula à nouveau Hitler auprès de Laval, qui refusa de s’engager, renvoyant la réponse à Pétain. Hitler ne souffla mot à Laval de son intention d’occuper la zone sud.

Il est bien établi aujourd’hui que la fameuse référence attribuée à Hitler d’une demande d’entrée en guerre des Etats-Unis à ses côtés n’a jamais existé, pas plus que le durch dick und dünn. Il s’agit d’une invention pure et simple d’Abetz qui a cru bon de « corser » le message adressé par Hitler à Pétain quelques heures après le débarquement du 8 novembre. Abetz avait cru possible alors, aidé de ses complices Brinon et Benoist-Méchin, de forcer le destin en jouant sur l’effet de surprise et le désarroi attendu. L’ordre donné par Vichy d’opposer une résistance au débarquement était le reflet de la position de principe adoptée jusqu’alors de défense de la souveraineté française comme de prévention de tout acte de rétorsion de la part des Etats-Unis en métropole. C’eût été sombrer dans le ridicule que de déclarer la guerre aux Etats-Unis.

Extrait de "Hitler et la France" de Jean-Paul Cointet, aux Editions Perrin

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