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"Qui est prêt à faire passer son pays avant son parti" : petit historique de ces idées qui paraissaient évidentes pour la France avant de se révéler mauvaises...
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Autopsie d’un fail politique

Marlène Schiappa, les députés Olivia Grégoire et Laurent Saint-Martin dans une tribune commune parue dans le JDD appellent toutes les sensibilités à rejoindre LREM : "Nous ne serons pas d’accord sur tout : c’est ce qui fait (encore) la beauté du débat d’idées. Mais nous serons rassemblés sur une destination".

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Marlène Schiappa appelle les politiciens de tout bords à s'unir autour de LREM et des "réformes". Mais le consensus sur les réformes à mener existe-t-il vraiment? N'évolue-t-il pas dans le temps? 

Michel Ruimy : Au vu du score historiquement faible de 8,5% enregistré par le parti Les Républicains (LR) aux dernières élections européennes et à l’approche des élections municipales, certains élus sortants ont choisi de se laisser porter par le « courant macronien » plutôt que de défendre ce qu’ils appelaient jusqu’ici… des convictions. 
Il faut bien comprendre le contexte dans lequel cette lettre a été écrite. Après avoir désincarné la Gauche, l’exécutif continue, à moins d’un an des élections municipales, de façonner le nouveau visage de l’échiquier politique. Il en est d’autant plus conforté, qu’une majorité de Français estiment que Marine Le Pen incarne bien mieux les idées de la Droite que le parti LR. Un peu plus de 40% pensent de même d’Emmanuel Macron ! 
Concernant les réformes, Emmanuel Macron développe un projet social - libéral. Cependant, à la suite des manifestations des « Gilets jaunes » et du résultat des dernières élections européennes, il a cessé temporairement (?) la mise en œuvre de son programme. Déjà, les défis énoncés dans la lettre sont bien là : défi environnemental et la nécessaire transition écologique des territoires, défi de la citoyenneté et la place des services publics, défi de l’éducation et de la transmission des valeurs… 
Mais, la problématique des réformes est double. Tout d’abord, la liste reste ouverte. Elle est loin d’être exhaustive ! La question serait plutôt d’organiser leur priorité. De manière générale, les partis LREM et Les Républicains sont relativement d’accord. Seule la manière d’y arriver change. 
Ensuite reste la difficile question du financement dans un contexte difficile de finances publiques. Une piste pourrait être l’utilisation des « économies d’endettement ». En effet, les taux d’intérêt auxquels la France s’endette à 10 ans sont très bas ce qui permettrait, si cette situation vient à perdurer, de diminuer le déficit budgétaire. La charge d’intérêts est d’environ 41 milliards. La construction du budget 2019 a prévu, pour cette année, un taux d’endettement aux alentours de 1,1% alors qu’actuellement nous nous endettons à environ 0,1%, ce qui diminuerait la charge des intérêts de la dette, d’où une économie.

N'est-on pas "revenu" de certaines politiques économiques qui étaient considérées comme des évidences il y a 10 ou 15 ans? Quels sont les principaux exemples?

Depuis plusieurs décennies, les différents gouvernements ont souhaité rendre la société française plus juste en prenant certaines initiatives dont les résultats ont été plus que mitigés. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
Le premier concerne la redistribution de la richesse. Elle passe non seulement par la manière dont on la distribue mais également par le mode de prélèvement. De ce côté, les politiques fiscales ont consisté essentiellement à réduire l’impôt sur le revenu alors que celui-ci corrige le plus les inégalités... 
Comment mieux distribuer ? D’abord, en annulant au maximum les dispositifs de « niches fiscales » qui constituent de véritables privilèges pour certains contribuables. Ensuite, en supprimant la mesure la plus coûteuse pour l’Etat, le mécanisme du quotient familial, qui n’existe qu’en France et qui consiste à alléger l’impôt des familles en proportion croissante de leur niveau de revenu (avec toutefois un plafond). Enfin, la TVA, qui constitue la plus importante des ressources fiscales de l’Etat, pourrait jouer un rôle davantage redistributif, par exemple, en modulant ses taux en fonction des biens.
Le second concerne le pouvoir d’achat. En diminuant les impôts, la France choisit d’accroître le pouvoir d’achat des « catégories aisées » plutôt que d’améliorer la qualité de ses services collectifs, du niveau national au niveau local. 
Or, les services collectifs, de l’éducation à la santé, en passant par les transports, le logement et la culture sont des facteurs de réduction structurelle des inégalités et porteurs de mobilité sociale. Encore faut-il permettre à chacun d’avoir accès aux services publics existants ! De l’enseignement supérieur aux politiques culturelles, certains profitent avant tout à une minorité aisée. Doit-on faire « payer les riches » à l’université ou à l’opéra ? Ce serait renoncer, au fond, à l’objectif, peut être irréaliste, d’une réelle démocratisation. 
Il faut aussi se donner les moyens de répondre à des besoins collectifs nouveaux. Tout le monde dénonce, par exemple, l’insuffisance des capacités d’accueil en crèche, qui permettraient aux femmes de mieux conjuguer vie professionnelle et vie familiale, compte tenu de l’inégal partage des tâches domestiques. Mais les politiques publiques n’ont jamais été à la hauteur depuis vingt ans. Il en est de même dans le domaine du logement social, dont le parc ne progresse guère en dépit des annonces des différents gouvernements.

N’y a-t-il pas une forme de niaiserie à penser à que la réforme du pays relèverait uniquement des bonnes intentions ou même de l’identification des problèmes à régler - indépendamment des solutions en elles-mêmes ? N’y a -t-il pas une forme d’inculture démocratique et de chantage un peu vicieux à laisser entendre que si on aime son pays alors on soutient nécessairement LREM ?

Lors des précédentes élections municipales (2014), les politologues s’interrogeaient sur le fait de savoir si la Gauche pouvait conserver les bastions qu’elle avait conquis, si l’extrême droite allait faire une entrée fracassante dans les conseils municipaux, si le Front de gauche pèserait dans le pouvoir local, si dans un contexte de crise sociale et économique, les Français allaient sanctionner la politique de François Hollande…
Aujourd’hui, rien de tout cela ou presque. Devant l’éclatement du paysage politique national - ou la polarisation de celui-ci entre le Rassemblement National et la LREM -, les élus LR sortants n’ont pas vraiment de choix et sont soumis à un chantage déguisé. Marlène Schiappa n’utilise qu’un habillage en forme de « langue de bois » - les réformes - pour faire « passer la pilule ». En d’autres termes, si les élus LR souhaitent être réélus, il conviendrait de suivre les réformes du parti présidentiel sinon ils s’exposent à avoir un candidat LREM en face d’eux et peut-être s’incliner devant celui-ci. 

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