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"Peste & Choléra" de Patrick Deville : une fabuleuse biographie romancée sur un aventurier de la science, le pasteurien Alexandre Yersin
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Atlanti Culture

Patrick Deville a publié "Peste & Choléra". Culture-Tops propose depuis fin mars 2020 des chroniques de livres et de BD "hors actualité". Des œuvres ayant particulièrement marqué nos chroniqueurs et qui composent cette nouvelle série du "Plaisir de relire".

Charles Chatelin pour Culture-Tops

Charles Chatelin pour Culture-Tops

Charles Chatelin est chroniqueur pour le site Culture-Tops.
 
Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Peste & Choléra" de Patrick Deville

Ed. du Seuil, 2012. Vient d’être réédité chez Points (janvier 2020). 219 pages

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En priorité


THEME
Une fabuleuse biographie romancée sur un aventurier de la science, le pasteurien Alexandre Yersin.

La vie et l’œuvre d’Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste (Yersinia pestis) en 1894 et inventeur du sérum antipesteux : ainsi pourrait se résumer Peste & Choléra, et ce serait déjà pas mal puisque la peste, la grande exterminatrice, en sort vaincue. Sauf que c’est Yersin, et que c’est Deville, donc bien plus.

Suisse de naissance (en 1863), Français par naturalisation (en 1889), mort à Nha Trang, Vietnam (en 1943), Alexandre Yersin est un des membres les plus doués du groupe de médecins microbiologistes formé par Louis Pasteur dans les années 1880. À l’époque, ceux-là vaccinent à tour de bras contre la rage.

Mais Yersin rêve aussi de découvrir la planète. Il part vers l’Asie, tombe amoureux de l’Indochine, soigne les gens, explore là où aucun Européen n’est encore allé, ouvre des pistes, découvre des populations, reçoit un coup de lance, cartographie minutieusement, fonde la ville de Dalat avec Paul Doumer (le futur président de la République), monte son laboratoire à Nha Trang, y produit des sérums, fait des recherche en agronomie, introduit toutes sortes de plantes et d’animaux domestiques (les Vietnamiens ne l’ont pas oublié, qui en ont fait un héros national). Entretemps, il poursuit la peste de Hong Kong à Bombay, en passant par Canton… « Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger », dit-il.

POINTS FORTS
Tout l’œuvre de Patrick Deville montre son penchant pour les explorateurs, les défricheurs, les chercheurs d’absolu et autres architectes de l’impossible réalisé (ou pas). On croise dans ses livres des Brazza, des Livingstone, des Lesseps, des Pavie, des exhumés de l’oubli aussi, que l’Europe des Lumières et de la révolution industrielle lança à travers le monde à partir des années 1860. À cet égard, Alexandre Yersin ne dépare pas au tableau, lui qui naît et meurt à peu près en même temps que cette Europe-là.

Outre son sujet, le point fort du livre, bien sûr, c’est le style Deville. Quelle prose ! à la fois limpide et déroutante, rationnelle et onirique, tendre et féroce, sérieuse et ironique… C’est à la fois de l’histoire – tous les faits sont avérés – et une fiction. Le narrateur, fantôme du futur, observe son héros. Il ose des parallèles fascinants, Rimbaud-Yersin par exemple, par quoi il glisse cette belle phrase de Leonardo Sciascia : « La science, comme la poésie, se trouve, on le sait, à un pas de la folie ».

Peste & Choléra a reçu, entre autres, le Prix Femina en 2012. Il figurait dans la poignée de finalistes du Goncourt la même année. Le jury ne l’a pas choisi. C’est dommage.

POINTS FAIBLES
Aucun.

EN DEUX MOTS
Le bouquin de Patrick Deville démontre que la science n’est pas l’austère carrière de gratte-formules que beaucoup imaginent. C’est au contraire une forme absolument moderne de l’aventure. Il rappelle aussi opportunément qu’avant les Pasteuriens, nos aïeux tombaient comme des mouches. La “petite bande à Pasteur” n’a pas inventé la vaccination (c’est l’Anglais Edward Jenner en 1796, de manière empirique, contre la variole), mais elle l’a expliquée et développée contre la plupart des maladies infectieuses, et c’est pourquoi nous sommes vivants.

UN EXTRAIT
 “À partir de minuit, le malade devient plus calme et à six heures du matin, au moment où le Père directeur vient prendre des nouvelles du pestiféré, celui-ci se réveille et dit qu’il se sent guéri.” (…) Yersin est le premier médecin à sauver un pestiféré.

L'AUTEUR
Patrick Deville est un écrivain globe-trotteur, cosmopolite enraciné dans sa terre natale, la Loire-Atlantique et Saint-Nazaire – un port, évidemment. Toujours à la recherche de talents outre-mer, il y occupe depuis vingt ans le poste de directeur littéraire de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs (Meet). Peste & Choléra est le quatrième opus d’un cycle littéraire, Abracadabra, ouvert par Deville en 2004 avec Pura Vida. Le septième, Amazonia, est paru en 2019.

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