"Mère" de Wajdi Mouawad : tout sur sa mère<!-- --> | Atlantico.fr
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"Mère" de Wajdi Mouawad est à découvrir au Théâtre de la Colline à Paris.
"Mère" de Wajdi Mouawad est à découvrir au Théâtre de la Colline à Paris.
©© Tuong-Vi Nguyen

Atlanti-Culture

"Mère" de Wajdi Mouawad est à découvrir au Théâtre de la Colline à Paris.

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Mère" de Wajdi Mouawad

Durée : 2h20
Mise en scène : Wajdi Mouawad
Avec : Odette Makhlouf (Nayla), Wajdi Mouawad (Wajdi nadulte), Christine Ockrent (elle-même), Aïda Sabra (Jacqueline), Emmanuel Abboud, Théo Akiki, Dany Aridi, Augustin Maïtrehenry (en alternance, l’enfant)

INFOS & RÉSERVATION

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun
75020 PARIS
01 44 62 52 52
Du 19 novembre au 30 décembre 2021. Relâche les 7, 24, 25 et 26 décembre

THÈME

La famille Mouawad fuit un Liban gangréné par la guerre civile. C’est ainsi que débarquent à Paris, pour quelques mois, la mère, le jeune Wajdi (dix ans), avec son frère et sa soeur. En effet, le père a dû rester à Beyrouth, où la situation se dégrade de jour en jour, pour faire tourner l’affaire familiale.

Ils trouvent refuge à Paris, migrants d’un autre temps pas si éloigné, où l’exil n’est censé être que provisoire. Profondément enracinés dans l’amour de leur pays d’origine, où ils espèrent rentrer un jour prochain, ils recréent un petit monde en apesanteur, en regardant passer le rouleau compresseur de l’histoire. Ils resteront cinq ans avant de partir pour le Canada.

Mère est le troisième opus du cycle Domestique, après les solos Seuls et Sœurs et avant la création de Père et de Frères.  L’auteur entend ainsi dresser une cartographie familiale sur le thème de l’exil et comment il a été vécu, en se focalisant sur la mère.

POINTS FORTS

Le drame du Liban fût pour beaucoup une incontournable page d’actualités au 20 heures télévisé, hélas remise au goût du jour depuis la récente explosion dans le port de Beyrouth. Des images tragiques comme les massacres des Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, mais lointaines et aseptisées par la télévision.

Ici le drame libanais est terriblement perceptible dans le désespoir et le désarroi de cette famille. La pièce est jouée à 80% en libanais (et français surtitré), ce qui ajoute à l’impression de partager l’intimité des personnages, d’être dans leur salon, de vivre avec eux, de communier avec leur douleur.

Mère, c’est bien sûr un spectacle centré sur sa mère, mais qui offre également une multiplicité d’angles et de points de vue, en mettant en scène sa sœur et deux versions de Wajdi, à dix ans et aujourd’hui. Sa présence sur scène, notamment, dans une scène finale bouleversante, où il dresse un constat sans concession des rapports avec sa mère et de tout ce dont elle l’a privé avec son obsession de revenir au Liban. On est loin de Gary et de sa Promesse de l’aube.

La présence de Christine Ockrent dans son propre rôle est une – belle – surprise. Loin de la « reine Christine » qui faisait descendre une parole sacralisée du haut de son 20h, elle prend ici les traits d’une femme qui sort physiquement de l’écran, aide à faire la cuisine et échange directement avec la famille Mouawad. Elle est en même temps le lien avec ce monde extérieur que la mère refuse de voir, et l’expression de l’irréalité d’un monde qui n’existe pas vraiment pour eux.

Mère est donc à la fois une déchirure et un hymne à la vie. Il a contribué à construire le grand dramaturge qu’est Wajdi Mouawad, à grands renforts de résilience. Dans toute son œuvre, il n’a pas peur d’exprimer ses émotions et, en les rendant universelles, il parvient à embarquer dans son univers son public, spectateurs de ses œuvres théâtrales et cinématographiques ainsi que ses lecteurs.

QUELQUES RÉSERVES

Wajdi Mouawad entend nous apporter « une compréhension plus universelle du sujet ». Il le fait par les cris, les lamentations et les déchirements, dont aucun n’est exagéré ni surfait. Néanmoins, tant de désespoir exacerbé, qui appelle la plus extrême compassion, finit par créer un empilement progressif de la douleur. Faut-il tenter de rendre ce récit aussi douloureux pour les spectateurs qu’il le fut pour les personnages afin de convaincre de son authenticité ?

ENCORE UN MOT...

Wouajdi Mouawad a fait le choix de demander à Bertrand Cantat d’écrire la musique du spectacle et de reprendre – magnifiquement – dans des versions très dépouillées des succès de l’époque. Evidemment, le soir de la première, c’était l’émeute devant le théâtre… 

Si la pièce a finalement pu se jouer – avec une heure de retard -  elle a permis de se faire entendre à ceux qui pensaient que sa présence était aussi insoutenable que le drame dont Cantat s’était rendu responsable.

Le droit – ou pas – de l’ex chanteur de Noir Désir d’exister en tant qu’artiste n’est pas ici le sujet, mais le débat n’a pas fini d’exciter les foules.

UNE PHRASE

« Et maintenant je suis là, comme à l’intérieur d’une paupière fermée, et je pense aux yeux de ma mère, et je ne sais pas pourquoi, ces yeux-là, bien plus que les miens, me donnent envie de pleurer. »

L'AUTEUR

• Wouajdi Mouawad né au Liban en 1968 – a l’âge (53 ans) qu’avait sa mère dans la pièce – et passe son enfance au pays du Cèdre, avant de séjourner cinq années en France puis de s’installer au Canada, dont il prend la nationalité.
• Ce libano-canadien est à la fois homme de théâtre, metteur en scène, dramaturge, comédien, directeur artistique, plasticien, écrivain (essais et romans) et cinéaste ! 

• Depuis 2016, il officie comme directeur du théâtre de la Colline, qui accueille son dernier spectacle.

• Son œuvre est aussi pléthorique que sa trajectoire est rectiligne. Il est l’un des grands artistes et créateurs francophones vivants.

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