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"Le gâchis français" : pourquoi l’économie ne cesse de se venger sur la France et sa population depuis la récession de 1975
©Reuters

Bonnes feuilles

Chute de la croissance, augmentation du chômage, accumulation de la dette publique et perte d’influence en Europe… Depuis quarante ans, malgré des atouts réels, la France ne répond pas correctement aux crises successives – choc pétrolier, récession, déficit – et ses dirigeants semblent incapables de définir une politique économique cohérente. Quel gâchis ! Extrait de "Le gâchis français - 40 ans de mensonges économiques", de Jean-Marc Daniel, publié aux éditions Tallandier (2/2).

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Depuis la signature du traité de Rome en 1957, sa politique économique est liée à celle de ses partenaires européens. Elle a donc pris l’habitude de multiplier les engagements vis-à-vis d’eux et d’affirmer une communauté de pensée, notamment avec l’Allemagne.

Mais, une fois les engagements solennellement pris, elle s’empresse de les trahir avant de les renouveler encore, dans un enchaînement chaotique de laxisme et de rigueur. Entre une rive allemande et une rive américaine, elle s’est installée au milieu du gué. Il en résulte une alternance mortifère entre des périodes de facilité budgétaire et des périodes de correction brutale.

>>>>>>>>>> A lire également : "Le gâchis français" : pourquoi nos dirigeants n’ont en fait presque rien essayé pour redresser le pays depuis plus de 40 ans

Depuis l’alternance de 1981, chaque équipe gouvernementale arrive en annonçant la fin des sacrifices et la priorité absolue accordée à la lutte contre le chômage. Elle s’engage dans des actions de relance plus ou moins redistributives qui se heurtent au déficit extérieur et à des tensions inflationnistes. Elle doit alors corriger sa trajectoire économique, ce qui conduit à davantage de chômage. Le tout se solde par une défaite aux élections suivantes et le retour de l’équipe antérieure qui semble n’avoir que peu appris et réellement rien compris. La dernière fois qu’une majorité sortante a réussi à éviter la défaite a été en 1978. En janvier, Valéry Giscard d’Estaing se rend dans la commune de Verdun-sur-le-Doubs, en Saôneet-Loire, et prend position dans le débat pour conforter sa majorité. Dans son discours, connu comme celui du « bon choix », il déclare : « Vous qui travaillez dur, vous qui avez peur que vos enfants ne trouvent pas facilement un emploi, et auxquels on explique que tout s’arrangerait si vous vous contentiez de changer ceux qui vous gouvernent, je vous comprends, c’est vrai, d’être tentés de voter contre la crise. Et d’ailleurs, si c’était si simple et si on pouvait s’en débarrasser par un vote, pourquoi ne pas le faire ? Malheureusement, il n’est pas plus efficace de voter contre la crise que de voter contre la maladie. La crise se moque des bulletins de vote. La crise est comme l’épidémie, elle nous vient du dehors. Si nous voulons la guérir, il faut bien choisir le médecin. Et si nous pensons nous en débarrasser par la facilité, l’économie se vengera, et elle se vengera sur vous. »

S’il semble avoir été entendu en 1978, ce message lucide ne le sera plus vraiment par la suite, si bien que l’économie depuis ne cesse de se venger sur la France et sa population. Certains gouvernements ont essayé de rompre avec la fatalité d’une première phase de laxisme démagogique keynésien amendé, suivie d’une phase de redressement honteux libéral-monétariste. Ce fut le cas de Premiers ministres comme Raymond Barre, Laurent Fabius ou Alain Juppé. Mais ce fut pour de courtes périodes et leurs successeurs ne surent pas, ou ne purent, prolonger leur action. Quant aux présidents de la République, le seul qui ait pris la dimension de l’enjeu réel est, à mes yeux, François Mitterrand. Pour lui, l’économie est un outil qu’il maîtrise plus ou moins bien, au service d’une politique. Arrivé au pouvoir en 1981, dans un premier temps, il laisse son entourage mener une action économique qui doit « changer la vie » des Français et faire naître une société socialiste originale. Son discours est marxiste, sa vision réformatrice, l’outil que ses experts lui proposent, keynésien. Rapidement, il constate l’échec de cette politique et change d’orientation. Il ne cherche plus à renouveler l’outil économique mais à modifier le contenu politique. Après l’échec de ses illusions sur le socialisme, il décide en 1983 de porter un autre idéal, celui de l’Europe, qui conditionne désormais son action économique. L’entente avec l’Allemagne devient son projet, son obsession ; il impose au pays de s’en donner les moyens, notamment économiques, y compris quand le doute s’installe dans la foulée de la chute du communisme et de la réunification allemande. Après lui, l’absence de volonté et de vision à long terme qui s’installe au sommet de l’État prive la France d’un objectif fort et la fait renouer avec la politique chaotique des deux phases – celle des largesses « américaines » et celle de la correction « allemande ».

Il est temps de mettre un terme à ce processus. D’abord, parce que les capacités de rebond de l’économie française commencent à s’amenuiser et que le déclin, de sujet de débat intellectuel, risque de devenir une réalité. Ensuite, parce que les défaites électorales à venir pourraient profiter aux mouvements politiques extrêmes, à l’aventurisme économique inquiétant. Enfin, parce que les relations avec nos partenaires européens se détériorent et que notre crédibilité internationale s’amenuise. Il y a quarante ans, face à la « tempête », Valéry Giscard d’Estaing demandait aux électeurs de garder la tête froide. Dans la foulée, en portant le système monétaire européen sur les fonts baptismaux au sommet européen de Brême, en juillet 1978, il donnait un cap au navire France. Depuis, ce cap n’a vraiment été tenu que par François Mitterrand après qu’il eut été dégrisé des ivresses de mai 1981. Aujourd’hui, le navire est à la dérive, gâchant les chances d’un pays à qui on ne cesse de répéter qu’il a tout pour réussir. Ce livre décrit en quoi les quarante années qui ont suivi la récession de 1975 furent un gâchis, afin d’inviter ceux qui nous dirigent à se ressaisir.

Extrait de "Le gâchis français - 40 ans de mensonges économiques", de Jean-Marc Daniel, publié aux éditions Tallandier, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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