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 Lancement d’une procédure de destitution : pourquoi Donald Trump ne peut plus se permettre de perdre les élections de “mid-term” 2018
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Impeachment

Cinq députés démocrates viennent de déposer une demande d'impeachment vis-à-vis de Donald Trump. Une manœuvre qui ressemble au chant du cygne de l'opposition.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Cinq députés démocrates viennent de formellement déposer une demande d’Impeachment, en vue, disent-ils, de la destitution du président. Pouvait-on s’attendre à une telle action?

Jean-Eric Branaa : Les rumeurs sur une telle procédure ont été tellement nombreuses depuis l’élection de Donald Trump qu’il semblait presque inéluctable que cela arrive. On peut imaginer que le public américain sera aussi peu surpris que le public français en apprenant la nouvelle. En réalité, cela s’inscrit dans un emballement terrible d’une opposition forcenée et qui n’a plus aucune retenue ni aucun discernement.  J’évoquais déjà cette possibilité dans Trumpland, en la prévoyant plutôt pour le lendemain des élections de mi-mandat, dans un an donc. La procédure qui est lancée aujourd’hui n’empêche d’ailleurs pas que cela se reproduise l’année prochaine. Et elle n’empêche pas non plus qu’il y ait plusieurs autres initiatives entre temps.

La différence profonde entre aujourd’hui et la même action menée après novembre 2018 est que les démocrates auront peut-être pris le contrôle de la Chambre des représentants : ils seraient dès lors en mesure de mener cette attaque jusqu’à son terme, du moins jusqu’au vote de l’Impeachment lui-même, ce qui correspond à une mise en accusation formelle par le Congrès. Mais, à moins de l’avoir également emporté au sénat, ce qui est beaucoup moins probable, leur initiative serait arrêtée nette dans la chambre haute et ce serait alors un revers politique très important.

L’action de ces six députés révèle donc surtout une extrême nervosité et on n’est pas étonné de trouver au premier plan le député Steve Cohen, un élu du Tennessee, qui est un Etat qui a très fortement viré dans le trumpisme. Ce soutien que manifeste les électeurs locaux au président des Etats-Unis a aussi conduit à la mise en retraite politique d’un des deux sénateurs de l’Etat, Bob Corker, qui est précisément celui qui mène la charge dans une autre commission, celle des affaires étrangères, afin de faire retirer au président le droit absolu qu’il est seul à pouvoir exercer : celui de lancer une attaque nucléaire.

L’emballement ressemble pour ce dernier à un chant du cygne. Il est pour Cohen une méthode comme une autre pour se placer dans un anti-trumpisme très fort et qui sera entendu des électeurs démocrates de son Etat. Car, en réaction au mouvement des en direction de Trump, les démocrates locaux se positionnent désormais très à gauche.

Comment définirez-vous exactement cette procédure qui a été lancée et a-t-elle une chance d’aboutir ?

L’Impeachment est une procédure lourde, qui effectivement peut conduire à la destitution du président, ou de n’importe quel haut-fonctionnaire ou juge ou élu, car c’est la même procédure. Elle représente le dernier échelon dans l’échelle des sanctions, quand il apparaît nécessaire qu’il y ait un vrai débat avant de révoquer ou de destituer la personne mise en cause. On comprend donc qu’il faut qu’il ait un motif grave.

Se lancer dans une telle procédure sans s’assurer qu’elle aura un soutien très fort n’est pas bien malin, pour dire les choses avec retenue. Or, on le comprend dès le lancement de cette procédure, la chambre ne suivra pas.

Steve Cohen avait déjà annoncé à plusieurs reprise qu’il voulait ouvrir une telle procédure, et il avait déjà failli le faire après les événements de Charlottesville, lorsque Donald Trump avait comparé les violence des suprématistes à celles des Antifas en évoquant une similarité.

Cette fois-ci, il est rejoint dans ses efforts par cinq de ses collègues, Luis Gutiérrez, député de l'Illinois, Adriano Espaillat de New York et Al Green. Al Green a lui-même voulu initier un Impeachment dès le mois de mars. En juillet, le député californien Brad Sherman a déposé des Articlesd’Impechament accusant Trump d'obstruction à la justice pour avoir congédié James Comey, l’ancien directeur du FBI. L’affaire a fait un flop. Cette fois-ci, on retient qu’il y a quand même un petit groupe, d’autant qu’il est complété par Marcia Fudge, de l'Ohio, et John Yarmuth, du Kentucky. On peut s’attendre à ce que cela en reste là, surtout après la réaction immédiate de Nancy Pelosi, leur chef de file à la Chambre des représentants qui a jugé que cela n’était pas opportun. Les électeurs, même s’ils sont très à gauche, ne plaisantent généralement pas avec les règles démocratiques et le retour de bâton pourraient finalement s’abattre sur ces élus en novembre 2018.

Quand à la mise en accusation, cinq articles ont été retenus, allant de l'obstruction à la justice, à des violations de la clause des émoluments étrangers et nationaux, une mise en cause répétée de la justice fédérale et la violation de la liberté de la presse. L’accusation d’obstruction à la  justice, qui pourrait constituer le motif le plus grave et rappelle d’autres affaires, notamment celle qui a touché Bill Clinton,  ne repose toutefois sur aucune accusation judiciaire et relève donc de la pure fantaisie.

Disons que nous avons surtout là une répétition d’un mouvement qui pourrait se répéter très souvent dans les trois années qui viennent.

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