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 H7N9 : la plus inquiétante des grippes peut-elle virer à la pandémie ?
©REUTERS/China Daily

Grippe aviaire

Ka grippe aviaire H7N9 nepeut, en l'état se transmettre d'homme à homme. Sauf si...

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Diseases Control and Prevention - CDC) tiennent une liste des grippes potentiellement les plus dangereuses. La grippe H7N9, c'est à dire la grippe aviaire, figure au sommet de cette liste. Comment l'expliquer ? Quels sont les risques réels ?

Stéphane Gayet :La notion d’information génétique, de vie et d’acide nucléique. 

L’information génétique représente le code ou programme d’un organisme vivant. Elle est transmise héréditairement d’un individu à ses descendants lorsqu’il se reproduit. Elle est contenue dans ce que l’on appelle le génome de l’individu. Les êtres vivants sont constitués de cellules ou unités élémentaires de vie. Leur génome est formé d’acide désoxyribonucléique ou ADN. Il est réparti en chromosomes (23 paires de chromosomes chez l’homme, mais un seul et unique chromosome chez les bactéries qui sont les êtres vivants les plus simples connus). Chez les êtres vivants dits Eucaryotes, le génome – les chromosomes – sont à l’intérieur du noyau de la cellule ; chez les bactéries qui sont dites Procaryotes, il est dans le cytoplasme, car elles n’ont pas de noyau. La matière vivante est ainsi formée de cellules délimitées par une membrane plasmique enveloppant le cytoplasme - qui est un gel - et le noyau cellulaire. Dans le cytoplasme se trouvent des microstructures qui assurent le métabolisme de la cellule. La synthèse ou fabrication des protéines - qui sont les molécules de structure essentielles du monde vivant – est codée par l’ADN génomique qui transmet ce code à un acide ribonucléique ou ARN. Grâce à ce code transmis à l’ARN appelé messager - qui passe du noyau au cytoplasme -, cette synthèse est effectuée par les ribosomes ainsi que d’autres microstructures du cytoplasme. Le monde vivant est caractérisé par son métabolisme : sa nutrition, sa respiration, ses synthèses, ses sécrétions, ses excrétions et sa reproduction. Schématiquement, l’une de nos cellules vivantes peut contenir en volume dans son cytoplasme de l’ordre de 10 000 à 30 000 bactéries, ce qui indique le rapport de volumes.

La notion de virus

Les virus sont encore beaucoup plus petits que les bactéries. Schématiquement, une bactérie peut contenir en volume dans son cytoplasme autant de particules virales qu’une cellule humaine peut contenir de bactéries. Une particule virale ou virion est si petite qu’elle est nécessairement très rudimentaire. Un virus ne répond pas à la définition de la vie. Il est inerte : il n’a pas de métabolisme. Il a bien un génome, mais ce n’est le plus souvent pas de l’ADN : la plupart des virus ont un génome à ARN, d’autres moins nombreux à ADN. C’est l’information génétique du génome viral qui constitue le pouvoir infectieux du virus. Ce génome viral qui n’est pas organisé en chromosomes est souvent associé à des enzymes virales et toujours protégé par une capside virale. Certains virus ont une enveloppe qui est une fausse protection, en réalité une source de fragilité. Les virus ne se multiplient pas, ce sont les cellules qui – après les avoir reconnus, puis absorbés - les répliquent grâce à l’information du génome viral et si c’est le cas aux enzymes virales ; les cellules ainsi transformées en usines à virus finissent souvent par en mourir (cycle viral dit létal ou mortel). Ce mécanisme est redoutablement efficace, malgré la passivité du virus dont le pouvoir infectieux se réduit à son information génomique.

Le virus de la grippe

Le virus grippal est un virus à ARN, entouré d’une enveloppe ; il est donc fragile (fausse protection). La plupart des virus qui infectent des cellules animales ont une spécificité d’espèce : le virus de la rougeole n’infecte que l’espèce humaine, alors que le virus de la maladie de Carré n’infecte que le chien ou rarement des mammifères proches du chien, mais en tout cas jamais l’homme. Il existe en fait trois types de virus grippal : les virus A, les virus B et les virus C. Les virus B et C ont une spécificité d’espèce stricte pour l’homme, alors que les virus A infectent l’homme ainsi que d’autres mammifères (porc, cheval) et des oiseaux. Les virus A, B et C donnent des épidémies annuelles pendant la période froide de l’année, tandis que les virus A peuvent également donner des pandémies ou épidémies mondiales. On appelle souche virale une population de particules virales ayant toutes exactement le même génome. Ainsi, parmi les virus grippaux A, certaines souches sont épidémiques et d’autres sont pandémiques. A la surface d’une enveloppe virale si c’est le cas, il existe des antigènes qui sont ou au contraire ne sont pas reconnus par les récepteurs de surface d’une cellule hôte potentielle. Si la reconnaissance s’effectue, le cycle de réplication virale peut s’initier : adsorption, absorption, décapsidation, lecture du génome, réplication du génome, synthèse des constituants viraux, assemblage des virions et leur libération dans le milieu extracellulaire. Le virus de la grippe possède deux types d’antigène d’enveloppe dont l’importance est grande : les antigènes H et les antigènes N.

Les variations des antigènes H et N des virus grippaux de type A

Ces antigènes H et N varient selon les souches virales. Les différents variants de H et de N portent des numéros. C’est avec les virus A que les variations sont les plus grandes, ce qui explique qu’ils s’adaptent à différentes espèces animales. Ces grandes variations reflètent la plasticité très singulière du génome des virus A qui change en effet souvent. Pour les virus grippaux A, H peut varier au moins de H1 à H16 (variants connus) et N au moins de N1 à N9 (idem). Les noms des souches de virus A humains vont de H1N1 à H3N2 (H1N1, H1N2, H2N1, H2N2, H3N1 et H3N2). Les noms des souches virales des oiseaux aquatiques (virus aviaires) – ces oiseaux aquatiques sont le réservoir de virus A - peuvent théoriquement commencer par H1 jusqu’à H15 et continuer par N1 jusqu’à N9, alors que les noms des souches virales des porcs (virus porcins) sont semblables à ceux des souches humaines, étant donné que le porc est l’incubateur de nouvelles souches pandémiques pour l’homme.

La notion de grippe aviaire souvent appelée « peste aviaire » dans sa forme grave

Étant donné ce que nous avons vu, les souches H5N1, H5N2, H6N1, H7N1, H7N7, H7N9 et H9N2 sont des souches typiquement aviaires. Les souches aviaires les plus pathogènes – pour les oiseaux - ont des noms qui commencent par H5 ou H7 : ce sont ces souches qui sont responsables de la « peste aviaire », forme très grave de grippe aviaire. Toutes les souches aviaires sont donc adaptées aux oiseaux et principalement aux oiseaux aquatiques, parmi lesquels elles se transmettent facilement et rapidement. La transmission s’effectue par leurs déjections. Ces souches peuvent passer relativement facilement aux oiseaux d’élevage terrestres. Pour que l’homme soit contaminé, il faut qu’il ait un contact de proximité avec un ou plusieurs oiseaux malades (inhalation d’aérosol contaminé par des déjections). Il risque alors de développer une forme très grave de grippe et en mourir. Mais il ne peut pas transmettre – dans l’état actuel de nos connaissances – cette souche à un autre être humain. Une souche virale aviaire n’a donc pas de potentiel épidémique chez l’homme. Il faut pour qu’elle l’acquière qu’elle soit transmise à des porcs : ces mammifères proches de l’homme sont des incubateurs de souches pandémiques.

Alors, qu’en est-il des souches H7N9 ?

Ce sont donc des souches typiquement aviaires et même très pathogènes pour les oiseaux (H7). Elles ne sont pas adaptées à l’homme et ne peuvent pas – dans l’état actuel de nos connaissances – être transmises d’homme à homme. En revanche, les êtres humains peuvent être contaminés à partir des déjections des oiseaux. Mais la plupart des personnes contaminées et infectées par cette souche sont gravement malades et le risque de décès est important. Ces foyers épidémiques survenant de façon répétée en Chine sont liés aux conditions de vie et de travail dans ce pays.

Alors que le virus n'avait pas infecté l'homme avant 2013, une épidémie a eu lieu chaque année depuis lors, celle en cours étant la pire provoquant le décès de près de 40 personnes. Comment expliquer la dangerosité de ce virus qui aurait tué un quart des 135 personnes infectées en 2013, en Chine ? Quels en sont les symptômes ?

En 2017, plusieurs flambées épidémiques aviaires à virus H7N9 se sont produites en Chine avec lors de chacune d’elles des cas de maladie humaine qui ont souvent évolué vers un décès. Ce sont donc des souches à fort potentiel épidémique chez les oiseaux. Elles sont de plus très virulentes chez eux (un très grand nombre d’oiseaux malades meurent). Mais, répétons-le, une souche aviaire H7N9 ne pourrait devenir épidémique chez l’homme qu’après sa transformation lors d’un passage chez le porc, dans l’état actuel de nos connaissances du moins. Le risque d’épidémie humaine est donc théorique et impossible à évaluer. Mais il n’est pas négligeable.

Les épidémies aviaires sont fréquentes et mal maitrisées en Chine, en raison d’habitudes de vie et de travail. Les Chinois consomment beaucoup de volailles. Les élevages sont donc très nombreux et les précautions pour éviter la circulation du virus sont notoirement insuffisantes. Les volailles sont élevées en grande densité, ce qui explique qu’elles se contaminent très facilement entre elles. Les personnes qui travaillent dans ces élevages ont des contacts de proximité fréquents avec les oiseaux et ne prennent pas suffisamment de précautions ; ils peuvent donc se contaminer assez facilement. Toutes les conditions sont finalement réunies pour un passage non rare du virus de l’oiseau d’élevage à l’homme.

Les personnes infectées par une souche aviaire H7N9 n’ont pas d’immunité vis-à-vis de cette souche, car elles n’ont jamais été en contact avec elle. Elles développent une grippe qui commence par une rhinopharyngite avec mal de tête et fièvre. Puis rapidement, apparaît une pneumonie (toux, difficultés respiratoires) qui s’accompagne de douleurs musculaires (myalgies) et surtout d’une fièvre très élevée ainsi que d’une profonde altération de l’état général. Le risque de décès est important : la mort est due à une asphyxie ou parfois de très graves complications neurologiques. Les antibiotiques sont bien sûr inefficaces et les antiviraux ne peuvent agir que lorsqu’ils sont administrés très tôt, ce qui est presque impossible dans les conditions de vie que l’on connaît en Chine.

Quels sont les traitements connus contre cette grippe ? Sont-ils fiables sur le long terme, et capables de faire face à des mutations du virus ?

La vaccination des oiseaux d’élevage est techniquement réalisable. On connaît bien les virus grippaux A et l’on sait parfaitement préparer des vaccins contre telle ou telle souche. Mais la propagation du virus dans les élevages est tellement rapide que cette mesure est considérée comme relevant de l’utopie, actuellement du moins. Il faudrait pour que ce soit envisageable, être capable de préparer de très grandes quantités de vaccin avec un faible coût de production, et de vacciner très rapidement les animaux des élevages avicoles. De plus, il ne faut pas oublier que le vaccin grippal n’a qu’une efficacité relative, de l’ordre de 70 à 80 %. Et puis le système immunitaire des oiseaux est bien différent de celui de l’homme. Il y a donc beaucoup d’éléments qui compliquent un éventuel programme de vaccination de masse des oiseaux d’élevage. C’est la raison pour laquelle la mesure qui est décidée d’un commun accord est leur abattage, de façon curative – lorsque des volailles ont déjà été malades dans l’élevage – ou de façon préventive – lorsqu’un élevage de volailles se situe à proximité (dans un rayon de 10 kilomètres) d’un foyer de peste aviaire chez des oiseaux aquatiques (oies et canards).

Il ne faut pas perdre de vue que les oiseaux les plus réceptifs et donc les plus dangereux sur le plan de la propagation des souches aviaires sont les oiseaux aquatiques. En matière d’élevage, ce sont donc les oies et les canards. Ce sont ces élevages qui font l’objet d’une surveillance sanitaire étroite. En France, les services vétérinaires sont particulièrement vigilants et réactifs. Les abattages de masse sont du reste très médiatisés. En Chine, les moyens et les pratiques ne sont pas les mêmes, ce qui explique une plus grande propagation des épidémies aviaires et un passage plus fréquent à l’homme. Indéniablement, cette question très préoccupante de la grippe aviaire est l’une des conséquences de l’élevage intensif des volailles et particulièrement aquatiques pour notre alimentation.

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