"Etre prêt: Repères spirituels" : croire, une fois pour toutes<!-- --> | Atlantico.fr
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Croire, une fois pour toutes. L’abbé Pierre-Hervé Grosjean publie « Etre prêt : Repères spirituels » aux éditions Artège. religion
Croire, une fois pour toutes. L’abbé Pierre-Hervé Grosjean publie « Etre prêt : Repères spirituels » aux éditions Artège. religion
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Bonnes feuilles

L’abbé Pierre-Hervé Grosjean publie « Etre prêt : Repères spirituels » aux éditions Artège. L'abbé Grosjean nous propose dix repères pour éclairer et accompagner cette aventure rude et magnifique qu'est notre vocation d'homme, de femme, de chrétien ; dix méditations qui, tour à tour, nous donneront lumière, force, consolation et confiance. Extrait 2/2.

Pierre-Hervé Grosjean

Pierre-Hervé Grosjean

Pierre-Hervé Grosjean est prêtre du diocèse de Versailles, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l'École. Il est aussi Secrétaire Général de la Commission Éthique & Politique de son diocèse. Il a fondé́ les universités d'été́ Acteurs d'Avenir. Il est l'auteur d'Aimer en vérité, paru chez Artège. Il est aussi un blogueur influent qu'il vous est possible de suivre ici. Son dernier ouvrage Catholiques engageons-nous ! est publié en avril 2016 (Artège).

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Je ne sais pas si je crois vraiment… » C’est une phrase que j’entends souvent en accompagnement ou lors de discussions. Il me semble utile de réfléchir aux malentendus que ces mots révèlent.

D’abord, il semble étonnant de ne pas savoir si on croit. La question est plutôt : « Mais veux-tu croire? » La foi est en effet la réponse libre de l’homme, avec l’aide de la grâce, à la révélation de Dieu, y reconnaissant la vérité. « La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu’il nous a dit et révélé, et que la sainte Église nous propose à croire, parce qu’il est la vérité même » (CEC, no  1814). C’est donc en même temps un don – Dieu nous rend capables de croire par sa grâce, et nous offre la vérité à laquelle adhérer –, mais aussi un choix libre : nous décidons d’adhérer à ce qui nous est ainsi révélé. Ne pas savoir si on croit revient à ne pas savoir ce qu’on veut, à ne pas choisir.

On entend aussi certains dire : « J’aimerais bien que ça m’arrive! » Ou encore : « J’aimerais avoir la foi. » Pourtant, la foi n’est pas quelque chose qui nous « tombe » dessus sans que nous le voulions, comme si cela ne dépendait aucunement de nous. Même ceux qui se sont convertis brutalement ont dû faire un choix vis-à-vis de ce qui leur était révélé de façon si particulière, à travers une expérience spirituelle forte ou une rencontre. On peut aussi recevoir la foi sans l’avoir demandée quand on est baptisé tout petit, mais ce don gratuit de la foi appelle ensuite une réponse de l’homme, au fur et à mesure que grandit sa capacité à choisir. C’est tout l’enjeu de l’éducation chrétienne : faire prendre conscience à l’enfant du don qu’il a reçu et l’aider ensuite à choisir d’y répondre librement, peu à peu, par sa foi et par sa vie. Donc, la vraie question est à nouveau : « Veux-tu croire? » Si oui, tu as la foi, voilà ! Croire, c’est vouloir accueillir avec l’aide de Dieu le don de Dieu. Croire, c’est vouloir croire, ce n’est pas ressentir que je crois. Croire, c’est choisir de donner sa confiance et s’en remettre pleinement à Dieu, le reconnaître tel qu’il se présente en Jésus Christ : « Le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

De même, on ne perd pas la foi comme on perd ses clefs. Un jour, on a sans doute décidé plus ou moins consciemment de ne plus accorder sa confiance. Sous le coup d’une épreuve dramatique qui nous a ébranlés dans nos fondations ou bien parce qu’une période d’aridité spirituelle nous met dans une grande fragilité, propice au doute qui envahit tout. Ou encore, parce que nous sommes en révolte contre Dieu : on pense ainsi le « punir » en ne croyant plus. On peut aussi tout simplement arrêter de croire par paresse ou par lassitude, parce qu’on n’a plus nourri depuis longtemps ce désir de croire, ni renouvelé ce choix. On finit alors effectivement par ne plus vouloir croire. On ne perd pas la foi malgré soi : ne plus croire est aussi un choix.

En ce sens, le parallèle entre la foi et l’amour est assez juste. L’amour n’est pas qu’une question de désir amoureux. Le désir amoureux peut surgir malgré nous – le coup de foudre – et reste fluctuant. Il peut être ardent, mais aussi connaître des creux et même sembler disparaître. Aimer, ce n’est pas simplement désirer. Aimer, c’est choisir d’aimer. Au-delà du désir, il y a notre liberté. Bien sûr qu’on va tout faire pour cultiver le désir amoureux, parce qu’il est plus facile d’aimer quand on est porté par ce désir. Mais quand ce désir est en creux, cesse-t-on pour autant d’aimer? Non! On choisit d’aimer au-delà des hauts et des bas du désir. Notre fidélité repose sur notre choix, notre engagement d’aimer l’autre pour toujours et non sur notre désir. Sinon, elle serait fluctuante comme l’est ce désir. Ainsi en est-il pour la foi. Le désir de Dieu, le désir de prier, le ressenti spirituel est aussi fluctuant. Bien sûr, il est précieux de le cultiver par nos lectures, en le demandant dans la prière, en l’entretenant par les sacrements, etc. Mais notre fidélité ne peut reposer simplement là-dessus. Je peux encore choisir de croire, même si je ne ressens rien, ni désir ni consolation. C’est d’ailleurs souvent le bien à tirer de ces périodes d’aridité spirituelle que nous pouvons vivre régulièrement : il nous est alors donné de vivre comme un temps de purification de notre foi. Nous sommes amenés à renouveler notre choix de croire en Jésus, pour Jésus lui-même, parce qu’il est justement « le chemin, la vérité et la vie » et non parce que la foi nous « ferait du bien ».

« Je ne sais pas si j’ai la foi… » Eh bien, il faut nous décider! On avance en s’engageant. C’est une étape essentielle du chemin de vie de chacun. On a reçu ce qu’on a reçu de ses parents. Certains une foi solide, transmise depuis le début avec fidélité. D’autres moins. D’autres encore n’ont rien reçu. Tout cela ne dépend pas de nous, on n’en est donc aucunement responsable. La question est de savoir ce qu’il faut en faire maintenant. Même si on a reçu beaucoup, vient le moment de faire un vrai travail personnel pour s’approprier cette foi. Ceux qui se contentent d’avoir reçu finissent un jour par ne plus y trouver d’intérêt. C’est normal : on ne peut se contenter à 25 ans de ce qu’on pensait à 10 ans. C’est une vraie difficulté pour certains : ils ne se sont jamais trop posé de questions, ont suivi de façon assez docile voire passive tant que cela n’était pas compliqué. Mais quand il est temps de quitter ses parents, d’entrer dans un monde qui doute ou ne croit plus, ils se retrouvent bien démunis. Sur quoi repose leur foi? Ont-ils vraiment décidé de suivre le Christ?

Notre monde occidental déchristianisé impose désormais d’avoir fait un vrai choix quant à la foi. On ne peut pas avancer à contre-courant si la foi est fragile et si la décision d’engager sa vie sur l’Évangile n’est pas prise. Dans une société encore chrétienne, on pouvait se laisser porter. La foi, la place de Dieu, sa présence dans la vie de chacun, avaient quelque chose d’évident ou étaient en tout cas partagées par la majorité des personnes qui nous entouraient. Aujourd’hui, en Occident, faire le choix de croire nous place immédiatement à contre-courant. Cela nous impose une détermination plus grande et une entraide pour vivre et tenir ce choix.

Quand on n’a pas reçu beaucoup ou même peu de ses parents, il faut là aussi savoir prendre les moyens de faire un choix libre, et pour cela d’aller à la découverte de cette foi chrétienne dont notre culture et notre histoire sont imprégnées. Pour choisir, il faut connaître. Maintenir un enfant dans une ignorance religieuse n’est pas au service de sa liberté. Baptiser son toutpetit, l’éduquer dans la foi chrétienne, lui imposer pour un temps la pratique de cette foi n’est pas contraire à sa liberté. Cela ne le dispensera pas d’avoir à prendre un jour sa propre décision quant à sa relation avec le Christ. Il sera d’autant plus libre de choisir qu’il connaîtra.

Une personne qui n’a rien reçu risque de ne pas choisir le Christ par ignorance, sans que cela soit une vraie décision de sa part. Cette personne sera beaucoup plus sensible à toutes les caricatures de la religion, à toutes les fausses idées, à tous les malentendus et contresens qui pourront affecter son discernement. Combien en restent à des idées préconçues ou des a priori? Combien de fois avons-nous sursauté en entendant des énormités véhiculées par des journalistes? À l’heure où j’écris ces lignes, je repense à celle-ci. Nous sommes le lundi 19  octobre 2020, sur France Culture, une radio publique française, trois jours après un attentat islamiste terrible – un professeur d’histoire a été décapité dans la rue pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Charlie Hebdo sur Mahomet – et un journaliste évoque le fanatisme religieux. Bien sûr, il s’appesantit sur les catholiques et explique tranquillement que « l’Église a condamné le rire ». Non seulement il assimile l’Église au fanatisme, mais énonce, sans que personne le contredise, une énormité sans fondement. Sa seule source est le film Le nom de la Rose! Tout ceci fera rire (ou pleurer) des chrétiens avertis. Mais les autres? Tous ceux qui ne connaissent pas grand-chose? Comment voulez-vous qu’ils puissent choisir un jour un Dieu ou une Église qui condamnerait le rire? Ces énormités, ces contre-vérités historiques ou théologiques, ces mensonges volontairement relayés par pure idéologie finissent par impacter la capacité de chacun d’accueillir le message authentique de l’Évangile. C’est au fond plus facile de partager ce message avec ceux qui ne savent rien, qu’avec ceux qui pensent savoir mais dont l’intelligence a été ainsi lourdement trompée ou manipulée. Tout cela est une vraie motivation pour les chrétiens convaincus : que le refus de la foi ne se construise pas sur des malentendus! À nous d’être créatifs pour apprendre à proposer notre foi, dans sa beauté et sa cohérence, au-delà des a priori ou des idées fausses que d’autres véhiculent.

« Je ne sais pas si j’ai la foi… » Eh bien, il faudra décider! Mais n’attends pas de tout comprendre pour croire. Crois pour comprendre! Ce sont les mots de saint Augustin qui nous éclairent bien. Certains voudraient maîtriser le mystère, en avoir fait le tour, l’avoir en quelque sorte ramené à leur mesure pour ensuite décider ou non d’y adhérer. Mais c’est impossible! La foi ne contredit pas l’intelligence humaine mais la dépasse. La révélation se reçoit à genoux, avec un cœur qui écoute et une intelligence qui contemple. Ce mystère – cette vérité révélée – est plus grand que toi. Écoute et contemple-le! Accueille-le! Crois! Et ensuite, tu pourras peu à peu le comprendre. L’Église ne nous demandera jamais de débrancher notre cerveau ni de renoncer à faire preuve d’intelligence. Au contraire! Il s’agit d’apprendre peu à peu, avec l’aide du Seigneur et de son Église, à entrer dans le mystère qui nous est révélé. C’est le principe même de la théologie et du catéchisme! Mais notre intelligence ne suffit pas, elle a besoin d’être éclairée dans ce travail. Les dons du Saint-Esprit – les dons de science, d’intelligence, de sagesse – se demandent dans la prière. Tous les vrais et grands théologiens étaient des hommes et des femmes de prière.

On a bien sûr le droit d’avoir des questions qui demeurent. Notre intelligence balbutie devant le mystère de la foi. Comment pourrait-il en être autrement devant le trésor de l’eucharistie ou le mystère de la Trinité? On a le droit de ne pas tout comprendre. On a le droit d’interroger notre mère, l’Église, afin qu’elle nous enseigne. Bienheureux ceux qui prennent le temps de travailler les questions qui les habitent, d’aller les poser à un prêtre ou un aîné dans la foi! Je me réjouis quand je vois des chrétiens continuer de se former, de lire et d’approfondir leur foi. Je pense à telle paroissienne « d’un certain âge » tout heureuse d’avoir suivi un « mooc » sur le Saint-Esprit, proposé par le Collège des Bernardins. J’espère que je garderai comme elle jusqu’au bout la soif d’apprendre et de connaître! Connaître Jésus de mieux en mieux permet de fortifier la confiance qu’on a choisi de lui donner et les raisons de l’aimer. Travailler sa foi permet aussi de pouvoir mieux la transmettre à notre tour, en étant capables de « rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1P 3,15). On ne peut pas se contenter de ce qu’on a reçu à 10-15  ans. Notre intelligence a besoin d’être nourrie. On ne peut pas être bac+5 en biochimie et bac-5 en catéchisme. Ce ne serait pas juste vis-à-vis de Dieu, juste vis-à-vis de ceux qui nous sont confiés, juste vis-à-vis de notre propre intelligence qui risque de se lasser. Qui pourrait dire qu’il en sait « assez »? Nous pouvons croire sans en savoir beaucoup. Mais chacun en fonction de ses capacités doit ensuite faire de son mieux pour fortifier cette foi, en approfondir la cohérence et apprendre à connaître le trésor de l’Église que sont les deux mille ans de Magistère. Si vraiment la foi nous sauve, si vraiment elle éclaire le sens de notre vie, si vraiment elle est ce que Dieu veut faire connaître à l’homme – la vérité qui rend libre –, alors on ne peut pas être paresseux dans le domaine de la foi. Sinon, on est fragile et perméable à toutes les dérives de la foi : progressisme, intégrisme ou fanatisme.

Dans ce même ordre d’idée, comment comprendre que si peu de catholiques aient lu les Évangiles? Avons-nous déjà lu un évangile en entier? Les quatre? Le récit des premières heures de l’Église, avec les Actes des Apôtres? Il s’agit de notre histoire! Avons-nous lu les lettres de saint Paul, de saint Pierre, de saint Jean… qui donnaient tant de courage aux premiers chrétiens? Notre foi a besoin d’être nourrie par la lecture et la méditation des saintes Écritures. Le Seigneur nous enseigne ainsi lui-même par sa parole. On peut facilement avoir accès aujourd’hui aux textes de la liturgie quotidienne par un petit missel type Magnificat, Parole et prière ou sur son portable. Dieu nous parle tous les jours! C’est ainsi qu’on découvre que la foi n’est pas désincarnée et déconnectée de notre vie. Elle vient éclairer concrètement notre vie. Faire l’expérience d’être rejoint par la parole de Dieu dans ce que nous vivons renforce notre foi.

Se poser des questions, ce n’est pas cultiver le doute. On peut avoir des questions et de vraies interrogations. On peut ne pas comprendre. Mais un certain doute devient une tentation contre la foi, quand il se transforme en suspicion. Un peu comme le soupçon est le poison du couple et de tout amour. Ce doute soupçonneux, qui attaque le Christ lui-même et ses intentions, vient du Mauvais. Le Prince du mensonge tâchera toujours de mettre dans notre esprit le trouble sur les intentions du Seigneur. C’est ce qu’il a déjà fait avec Adam et Ève (Gn 3) : il installe le doute sur les motivations de Dieu qui leur demandait de ne pas toucher aux fruits de l’arbre. Combien de fois une petite voix nous murmure : « Dieu est loin de toi, il s’en fiche de toi, regarde ton épreuve : comment peux-tu imaginer qu’il t’aime avec ce qui t’arrive? Il ne t’écoute pas! » Cela peut aussi nous arriver dans la prière ou au cours de la messe, par exemple sur la réalité de la présence réelle du Christ, ou encore sur l’utilité de la prière ou l’efficacité des sacrements… On peut subir des attaques parfois violentes contre la foi et en sortir très troublé. La foi est aussi un combat. Je suis ému de ce qui arrive ainsi à saint Jean Baptiste dans sa prison (Lc  7,18-23). Alors même qu’il est celui qui a désigné aux foules l’Agneau de Dieu, le voici assailli par le doute maintenant qu’il se retrouve seul dans son cachot. Il envoie deux de ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? » Même les plus forts sont fragiles et peuvent être attaqués dans leur foi. Le précurseur a l’humilité de demander de l’aide. Jésus répondra et lui renverra ses disciples afin qu’ils lui témoignent de ce qu’ils ont vu : Dieu est à l’œuvre. Courage!

Tenir bon dans la foi ne se fait pas sans batailles contre le doute, parfois contre l’entourage hostile ou moqueur, mais aussi contre la séduction que peuvent opérer des hérésies toujours actuelles. « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie », nous promet Jésus (Lc 21,19).

« Je ne sais pas si j’ai la foi… » Eh bien, il faudra choisir et choisir une fois pour toutes! La grandeur de l’homme est d’être capable d’engager sa vie pour toujours, sur une parole : « Oui, je crois! » Chaque dimanche, l’Église nous fait proclamer le Credo. On le dit sans doute trop vite, trop machinalement. C’est pourtant un vrai choix de le dire, un choix qu’on renouvelle chaque dimanche. J’aurais besoin de toute une vie pour approfondir chaque phrase. Mais sans attendre de tout comprendre parfaitement, je décide d’adhérer à la foi qu’on me transmet et je proclame cette décision. Ce n’est pas une décision privée, uniquement entre Dieu et moi. En proclamant la foi de l’Église, je rejoins toute la communauté des chrétiens. Je m’inscris dans une histoire. Depuis 2000 ans, l’Église assure son œuvre de transmission fidèle de la Révélation. Elle ne soumet pas ce qu’elle professe aux votes ou aux sondages. Elle l’a reçu et l’a formulé avec l’aide de l’Esprit de Dieu qui lui a été promis. Les martyrs ont donné leur vie et versé leur sang parfois pour un seul mot de ce Credo. Des parents ont transmis à leurs enfants, et ceux-ci – devenus grands – sont restés fidèles pour la génération qui suivait. Si je crois, c’est parce que d’autres ont cru avant moi. Si je crois, c’est aussi pour que d’autres puissent croire après moi. Cette foi chrétienne, je l’ai reçue. Je dois apprendre à la connaître et à l’aimer, pour la transmettre dans son intégralité et toute sa vérité. Il n’est pas question de trier ni de choisir telle partie et pas telle autre. Prenons tout ou rien. On fait confiance ou pas. Nous ne pouvons pas avoir la foi à moitié. Si tu crois en Jésus Christ, tu crois aussi qu’il assiste l’Église et donc ce que te transmet l’Église catholique notre mère. Choisir vraiment et une fois pour toutes rend libre! Cela permet ensuite d’avancer dans la foi.

Je me souviendrai toujours de ce que m’avaient dit des chrétiens d’Irak, réfugiés à Erbil après avoir fui Mossoul et les horreurs de Daech. J’ai eu la grâce d’aller sur place quarante-huit heures avec le cardinal Philippe Barbarin, qui souhaitait alerter le monde sur leur sort. C’est la première fois que je rencontrais vraiment des personnes persécutées pour leur foi chrétienne. Ils avaient dû tout quitter, ils avaient tout perdu en quelques heures parce qu’ils avaient refusé de renier leur foi. L’un d’eux m’a dit : « Daech peut tout nous prendre. Ils peuvent détruire nos églises et nos maisons, ils peuvent tuer nos proches. Mais jamais ils ne nous prendront notre foi. » Eux avaient vraiment choisi. Je me suis senti si petit devant la foi de ces gens. Dans une autre famille, qui me partageait son maigre repas, un enfant de cinq ans est allé me chercher son « trésor ». Ils avaient dû fuir à pied Mossoul, chacun emportant une seule chose. De tout ce qu’il possédait, il avait choisi sa Bible illustrée. Est-ce que nous considérons que la foi est notre premier trésor? Est-ce ce que nous avons reçu de plus précieux ? Est-ce que nous sommes convaincus que ce qui pourrait nous arriver de plus grave serait de la renier ou de la perdre? Est-ce que nous avons choisi une fois pour toutes?

Cela ne nous empêchera pas de traverser des épreuves de la foi, d’affronter des doutes ou des périodes arides. Mais on ne remet pas en cause les fondations d’une demeure à chaque fois qu’on ajoute un élément de plus à la maison! Un jour, il faut choisir sur quoi nous fondons notre vie. Il nous faut décider de la boussole à laquelle nous allons nous fier pour avancer dans la vie. Il faut avoir le courage d’engager notre existence sur la réponse que nous allons donner à la question que le Christ lui-même nous pose : « Pour vous, qui suis-je? » De notre réponse va dépendre notre vie et la façon de la bâtir. Nous ne pouvons pas répondre à moitié ou poser un joker! Nous ne pouvons même pas éviter la question. Même si je le regrette beaucoup, je comprends quelqu’un qui me dit : « J’ai choisi de ne pas croire en Jésus Christ. » C’est un choix libre, respectable, même si je peux le pleurer et prier pour que la personne revienne un jour sur ce choix. Mais je ne comprends pas vraiment quelqu’un qui me dirait : « Je ne sais pas trop… », ou pire, quelqu’un qui m’affirmerait : « Je m’en fiche… » Comment vivre sans avoir décidé de croire ou non à la vie éternelle? Comment imaginer s’engager dans le mariage sans avoir posé le choix de la foi? Quand j’entends des fiancés venir demander ce mariage à l’Église, mais me dire qu’ils pensent croire « à quelque chose » simplement, ou ne pas trop être sûrs… je suis tellement déstabilisé! Mais concrètement, le jour du mariage, vous allez vous adresser à Dieu… Il existe ou pas? C’est un ami imaginaire? Un symbole? Vous parlez à qui? Il va falloir choisir! « Il n’y a qu’un choix, en fin de compte, et tout se joue dans ce choix : entre le néant travaillé par le hasard et Dieu », écrivait Jean d’Ormesson.

A lire aussi : "Etre prêt : Repères spirituels" : la foi comme amitié

Extrait du livre de l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, « Etre prêt : Repères spirituels », publié aux éditions Artège.

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