“Agir ensemble et autrement demain pour l’avenir” : ce que le slogan idéal des municipales dit de la société française<!-- --> | Atlantico.fr
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Les cinq mots les plus utilisés dans les slogans des élections municipales de 2014 sont "Ensemble", "avenir", "agir", "demain", et "autrement".
Les cinq mots les plus utilisés dans les slogans des élections municipales de 2014 sont "Ensemble", "avenir", "agir", "demain", et "autrement".
©Reuters

Lexicographie

Une étude réalisée pour le quotidien économique Les Echos dévoile les mots les plus employés dans les slogans politiques des élections municipales 2014. Un exercice de lexicographie qui en dit long sur la société française.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : Selon une étude réalisée par le cabinet Toucan coco pour Les Echos, les cinq mots les plus utilisés dans les slogans des élections municipales de 2014 sont "Ensemble", "avenir", "agir", "demain" et "autrement". Le quotidien plaisante ainsi, estimant que le slogan idéal d'un candidat normal dans une municipalité moyenne pourrait être "Agir ensemble et autrement demain pour l'avenir". Comment peut-interpréter le choix des cinq termes qui reviennent le plus souvent dans les slogans de campagne ? Que disent ces termes de la société française ?

Benoit de Valicourt : Cinq mots qui en disent long sur l’état de la France ! "Agir" dans une société d’inaction ; "ensemble" dans une société de désunion,  "autrement" parce que ce qui se passe actuellement ne va pas ; "demain" parce qu’aujourd’hui c’est trop tard ; "avenir" parce qu’il y a toutes les raisons d’avoir de l’espoir.

Plus sérieusement, cela peut traduire une volonté de changement mais le mot "changement" a sans doute était galvaudé par la campagne des présidentielles, et les candidats aux élections municipales ont préféré utiliser un vocabulaire rassembleur, sans connotation idéologique mais en même temps sans engagement, d’une consternante neutralité comme si la société française était frileuse, souhaitant que la situation se décante mais en même ayant peur que les fondamentaux ne vacillent. C’est une situation duale, un peu comme l’est la France toujours partagée entre la droite et la gauche, le nord et le sud, la terre et la mer, les cultures latines et germaniques, bref dans la situation du ni-ni qui conduit à l’immobilisme.

Alors que le slogan ayant marqué la campagne présidentielle de François Hollande mettait l'accent sur le changement avec la célèbre phrase "le changement c'est maintenant", comment expliquer que les termes utilisés pour les municipales renvoient davantage à la notion de rassemblement ? La première partie du quinquennat Hollande a-t-elle tant divisé les Français ?

Indiscutablement la France a été divisée dans la première partie du mandat de François Hollande sur des sujets de société, ainsi que sur la fiscalité. Même si certains de ces sujets étaient inscrits dans le programme du candidat Hollande, il n’en demeure pas moins que leur concrétisation a divisé la société française et créé des crispations qui ont fait naître ou conforter des mouvements contestataires qui trouvent un écho, semble-t-il, durable chez les Français et qui pourraient devenir des structures politiques, si leurs messages étaient incarnés et si les sources de financement assuraient l’action militante. Cependant, la division de la société française n’est pas suffisamment violente pour entrainer une transformation brutale et durable de cette dernière. La France reste un pays où il fait bon vivre, un pays riche où l’on a des préoccupations de riches…

Le mot "gauche" est utilisé 20 fois plus que le mot "droite". L'étiquette de la "droite" fait-elle peur aux électeurs ? Pour quelles raisons ?

Dans la société française le mot "gauche" a une certaine valeur, traduit un engagement humain et social. Combien sont les personnalités de gauche ayant déclaré que "ça se mérite d’être de gauche" comme s’il s’agissait de d’un aboutissement philosophique ! C’est donc sans surprise que ce mot ait été davantage utilisé que le mot "droite", qui traduit un conservatisme trop décalé par rapport à l’évolution de la société. Peut-être aussi parce que le mot "gauche" induit les idées de progressisme, donc de modernité et d’avenir...

Si l'occurrence du mot "gauche" est plus fréquente que celle du mot "droite", il n’apparait que sur 2% des listes. Comment interpréter cette distanciation vis-à-vis des clivages partisans traditionnels ?

Les élections municipales sont traditionnellement moins marquées par les clivages traditionnels partisans parce qu’il s’agit avant tout d’élire celle ou celui qui saura gérer la vie quotidienne de ses administrés, et cela est d’autant plus vrai dans les communes rurales qui composent la majorité du territoire national.

Les listes de gauche et d’extrême gauche se disent davantage "solidaires" (357 fois contre 50) et "citoyennes" (269 fois contre 33). La droite préfère quant à elle mettre en avant une "équipe" (114 fois contre 82) pour "réussir" (103 fois contre 71) avec "passion" (94 fois contre 45). Qu'est ce que cela révèle de la stratégie des partis ?

Si les formations de gauche et d’extrême gauche utilisent davantage les mots "solidaires" et "citoyennes", c’est tout simplement parce qu’elles sont dans les codes de la pensée politique socialiste et marxiste des XIXe et XXe siècles.

La droite, en utilisant les mots "équipe" et "réussir", exprime un double discours : d'une part, celui d’une dimension collective volontaire formant une équipe composée d’individus libres et d’autre part, le discours d’une économie capitaliste et libérale dont la concrétisation est la réussite, qu’elle soit sociale ou financière.

Il est donc important pour les partis politiques d’avoir un discours qui correspond aux fondamentaux idéologiques de la formation et un discours qui puissent ouvrir sur l’électorat de ses concurrents.

Il existe pour autant d’autres slogans pour beaucoup de listes et j’en citerai trois qui n’ont rien à voir avec "Agir ensemble et autrement demain pour l’avenir". En Saône-et-Loire, Osons le Creusot de Charles Landre traduit une volonté audacieuse de rompre avec une équipe au pouvoir depuis plusieurs décennies. A Lyon, dans le camp de Michel Havard, Génération Lyon positionne un discours résolument tourné vers la nouvelle génération lyonnaise - sans oublier, toujours à Lyon, Evidemment Lyon de Gérard Collomb qui martèle l’évidence de la continuité.

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