Covid : le gouvernement redresse le tir sur les vaccins mais pèche encore sur les autres armes de la lutte contre la pandémie<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Castex annonces du gouvernement vaccination
Jean Castex annonces du gouvernement vaccination
©ludovic MARIN / AFP / POOL

Lutte contre le virus

Le Premier ministre a fait un point d'étape, ce jeudi, sur les mesures pour lutter contre le coronavirus. Le gouvernement a décidé de prolonger la plupart des restrictions déjà en place. Jean Castex et Olivier Véran ont détaillé les nouvelles étapes de la stratégie vaccinale.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico.fr : Le Premier Ministre, Jean Castex, et le Ministre de la Santé, Olivier Véran, se sont exprimés jeudi 7 janvier lors d’une conférence de presse afin de présenter la suite de la stratégie gouvernementale pour lutter contre le Covid-19. Que retenir de ce point ?

Jérôme Marty : Il y a plusieurs choses à retenir de cette conférence de presse. Premièrement, le Premier Ministre a affirmé sa volonté de mettre un terme aux polémiques inutiles. Néanmoins, il a modifié complètement son plan et mis en place ce que nous, médecins, avions demandé. Nous avions demandé à ce qu’ils accélèrent la phase de vaccination, ils l’accélèrent, à ce qu’ils la simplifient, ils la simplifient, à ce qu’ils fassent chevaucher les phases et à ce qu’ils multiplient les centres de vaccinations. Ils ont répondu à ces demandes.

Le deuxième élément important correspond au certificat d’arrêt automatique de travail. Lors d’un cas contact, nous serons mis en isolement et il sera possible de demander le passage d’une infirmière. Il y a un grand risque car cela risque d’isoler et de limiter les visites chez les médecins comme en mars.

L’autre point à signaler des annonces correspond à l’allongement de la durée entre les deux injections des vaccins. Nous allons passer de trois semaines à six semaines. Il faut savoir qu’entre la première et la deuxième injection, on multiplie entre 30 et 40 le nombre d’anticorps. En allongeant ce temps, on peut laisser croire que seule la première injection suffit mais il y a un risque de sélection. Lorsque l’on installe une immunité non-complète, le virus peut apprendre à lutter contre cette dernière. Ainsi, cela peut créer des virus qui vont s’adapter et rendre le vaccin inopérant à terme. Le risque de sélection naturelle est là.

Avec un tel allongement, le Premier ministre met au jour un paradoxe dans sa stratégie. Il ne cesse de nous dire que nous ne manqueront pas de doses mais nous annonce que l’on va allonger la durée entre les deux injections. En sous-texte, cela subodore que l’on manquera de vaccins…

Nous médecins, nous devons alors répéter à nos patients de ne pas laisser tomber les mesures barrières après la première injection car la protection n’est pas là. Pire, si infection il y a, un variant peut se créer… Il va falloir que ce message passe par un biais gouvernemental.

À propos des EHPAD, nous avions dit que la vaccination des résidents ne se tiendrait pas en un mois et le gouvernement a fait le choix de débuter la phase 2 en même temps que la phase 1 à cause des difficultés de la première. C’est une bonne chose car les Français pourront s’inscrire sur Internet et se rendre directement dans un centre de vaccination.

Jean Castex a annoncé ce jeudi que les établissements actuellement fermés le resteraient au moins jusqu’à la fin du mois, avec réévaluation fin janvier. Est-on encore dans un entre-deux qui ne fait pas de choix entre économie et situation sanitaire ?

Le gouvernement n’a pas eu le choix. Nous sommes actuellement sur un plateau de contamination qui se situe entre 20 000 et 25 000 infections par jour. On commence à entrer dans une phase de « facture » des fêtes de fin d’année. Pour donner un exemple, dans mon cabinet ces derniers jours j’ai eu l’occasion d’observer deux familles de plus de dix toute infectées lors des fêtes de fin d’année. Jusqu’à présent nous ne voyions pas ce type de foyer d’infection. Du 7 au 14 janvier, nous allons voir si les courbes seront en augmentation ou non. Il est donc impossible de programmer une réouverture des bars, restaurants, salles de spectacles.

L’extension du couvre feu à 18h dans dix nouveaux départements est-elle une mesure pour lutter contre la propagation du virus dans les départements qui en ont besoin ? 

Suite à l’efficacité du couvre-feu, j’ai changé d’avis sur cette mesure. On a observé que le couvre-feu portait ses fruits car le soir est le moment où les Français se lâchent, échangent et socialisent.

Le Premier ministre annonce aussi que 45.000 vaccinations ont été faites au cours des cinq derniers jours, la France est-elle enfin en train d’adopter le rythme adéquat ?

Le ralentissement du départ de la campagne est du à des problèmes d’intendances. Il n’est pas causé par les acteurs mais à ceux qui ont mis en place les réfrigérateurs, le transport des vaccins, les homologations. Lorsque les acteurs vaccinent pour la grippe, ils procèdent à un million et demi d’injections en un jour. Si on avait les moyens on pourrait vacciner 30 millions de Français en trois semaines, nous savons le faire mais le matériel manque.

Le gouvernement a commandé 200 millions de vaccins sur l’année en comptant ceux qui ne sont pas encore sortis mais cela ne veut pas dire qu’ils les auront. On a bien vu cela avec les masques. Il ne suffisait pas de payer et d’annoncer pour en avoir. Quand la demande est mondiale, nous sommes à flux tendu et à la merci de n’importe quel problème.

Pourquoi le Premier ministre se sent-il obligé de prendre la parole pour évoquer ces mesures sanitaires ?

Il y a une forte demande de la population, un fort questionnement. Elle veut savoir pourquoi nous allons lentement par rapport à d’autres pays. Cette intervention est légitime mais ce qui l’est moins c’est les justifications intempestives du Premier ministre… Un certain nombre de médecins a fait du lobbying et les lanceurs d’alertes sont là pour changer les choses. Il faut les saluer et le Premier ministre devrait faire de même au lieu de demander d’arrêter les polémiques.

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