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Réforme de la sécu : ce que les Français pensent de leur Etat providence
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Attention aux réformes ! Surtout à celles touchant la sécurité sociale. Les Français y sont très attachés et regardent d'un œil inquiet les évolutions qui guettent.

Aurélien  Preud’homme

Aurélien Preud’homme

Aurélien Preud'homme est directeur des études à l'institut Viavoice, spécialisé notamment sur les analyses politiques, économiques et liées aux évolutions de société.

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Atlantico : Dans quelle mesure les Français sont-ils attachés à la sécurité sociale, à son modèle, à sa philosophie ? Peut-on estimer que cette philosophie de la "sécu" fait partie intégrante de l'identité du pays ?

Aurélien  Preud’homme : Tout à fait. C'est même un élément structurant de l'identité française, si l'on en croit l'opinion des Français eux-mêmes. Nous avons réalisé récemment une étude publiée dans l'ouvrage "Ce qui nous rassemble" (Arnaud Zegierman et Thierry Keller, Les Belles Lettres, 2017), et les résultats nous ont particulièrement étonnés par leur ampleur : pour 62 % des Français le modèle social est l'un des éléments les plus important pour eux dans le fait d'être Français, devant les modes de vie, les racines, ou même l'histoire et la langue...

Ces résultats sont étonnants à plus d'un titre. D'une part car sur le plan médiatique et politique on évoque surtout l' "identité" à travers le prisme des origines géographiques ou ethniques des individus, ou de la défense d'une "France éternelle" perçue comme menacée. Or ces opinions montrent qu'au contraire, un des principaux éléments structurant de cette identité française est relativement récent : la Sécurité sociale n'a été généralisée qu'en 1945, et elle a subi depuis de multiples évolutions.

L'autre conclusion que l'on peut en tirer, c'est que le modèle social français, dont la "Sécu" est l'une des pierres angulaires, peut apparaître comme un élément fédérateur au sein d'une société perçue comme de plus en plus fracturée. Ce n'est pas si étonnant compte tenu de l'histoire de la Sécurité Sociale : issue du programme du Conseil national de la résistance, alliance hétéroclite de résistants gaullistes et communistes pour la plupart, elle apparaît déjà à cette époque comme un moyen de rassembler une société française très largement divisée par quatre année d'occupation et de collaboration. Il fallait alors recréer une solidarité entre Français, entretenir un espoir de progrès social et surtout redonner ses lettres de noblesse à une République fragilisée par le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en 1939... La généralisation de la Sécurité sociale, parmi d'autres mesures prises à cette époque, avait ainsi contribué à ce rassemblement. Il n'est donc pas si étonnant que les Français continuent à y être attachés fortement. D'autant que contrairement à la démocratie ou aux Droits de l'Homme, les autres pays occidentaux ne partagent pas forcément nos choix sociaux. C'est particulièrement vrai des pays anglo-saxons, qui pour beaucoup de Français font figure de contre-modèle en termes de politiques sociales.

Assiste-t-on à une évolution de la perception de la sécurité sociale par les Français ?

Les Français sont de plus en plus sensibles à la question de l'efficacité du système, plus que de sa philosophie. Peu importe finalement qui administre la Sécurité sociale, qui la finance... L'important est que le système de santé fonctionne, sur tout le territoire et de manière égalitaire. Or sur ce point les opinions sont plus critiques, puisque les trois quarts des Français pensent qu'aujourd'hui l'accès au soin se détériore. Et l'accroissement des "déserts médicaux" ajoute aux inégalités sociales d'autres inégalités géographiques. Tout l'enjeu est aujourd'hui de répondre à ces problèmes qui menacent le système dans son entier. En effet, la force de la Sécu est liée à son universalité : tout le monde y contribue, tout le monde peut en bénéficier. Au moins théoriquement. Le jour où cette promesse serait remise en cause trop fortement, il n'y aura sans doute plus grand monde pour la défendre.

Quels sont les risques pour l’exécutif en ce domaine, entre une volonté de changement qui est perceptible chez les Français, et un attachement aux spécificités du pays, notamment sur les questions de protection sociale ?

Ces risques sont liés à ce qui a été évoqué précédemment. D'un côté toute réforme qui remettrait en cause fortement notre modèle social serait très mal perçue par l'opinion publique. Mais de l'autre, les dysfonctionnements du système et les difficultés de son financement appellent à des réformes pour améliorer son efficacité. C'est finalement le seul enjeu : améliorer les soins au quotidien, améliorer les conditions de soin aussi, avec une volonté croissante des patients d'être écoutés, considérés au sein d'un parcours de soin perçu comme trop administratif ou trop budgétaire. Toute réforme d'envergure de la Sécu doit donc être considérée à travers l'enjeu de l'efficacité : si l’approche paraît aux Français uniquement comptable, sans souci d'améliorer leur accès à la santé, elle sera très largement impopulaire. Si au contraire elle permet d'améliorer l'accès au soin sur le long terme et de limiter les inégalités, alors ce pourrait être une des réussites majeures de ce gouvernement. Savez-vous d'ailleurs quelles ont été les mesures les plus populaires du quinquennat Hollande, malgré ses difficultés ? La généralisation du tiers payant et de la complémentaire santé dans toutes les entreprises.

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