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Pourquoi les forêts font leur grand retour en Europe
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Bonne nouvelle : on observe depuis vingt ans des phénomènes de reforestation importante dans des pays comme l’Espagne, le Portugal, la Grèce ou la France.

François-Michel Le Tourneau

François-Michel Le Tourneau

François-Michel Le Tourneau est géographe au CNRS. Il travaille au Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA). Il a publié l'article Jusqu’au bout de la forêt ? Causes et mécanismes de la déforestation en Amazonie brésilienne.

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Atlantico : Qu’est-ce qui explique qu’on observe aujourd’hui des phénomènes de reforestation importantes ces vingt dernières années dans des pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Australie, la Grèce, les Etats-Unis, à contre-courant de ce qu’on observe dans les pays du Sud ?

François-Michel Le Tourneau : Deux explications aboutissent à deux types distincts de reforestation. La première est le développement des forêts de plantation. Il s’agit en fait plus de « champs d’arbres » que de forêts. Ils sont généralement voués à la sylviculture - comme c’est généralement le cas en Amérique du Nord, en Espagne ou au Portugal. L’autre reforestation est liée à la déprise agricole. De ce point de vue là, on peut observer que le cas de la France est assez intéressant. Le moment où il y a eu le moins de forêt en France se situe aux alentours de la moitié du XIXe siècle. Depuis, elle revient petit à petit parce qu’on a concentré les terres agricoles sur les terres les plus productives, laissant des espaces non-employés parce que trop compliqués à cultiver avec la technologie actuelle. Cela correspond généralement donc à la forêt de montagne.

Existe-t-il des politiques qui incitent à la reforestation aujourd’hui, ou s’agit-il avant tout de raisons économiques ?

Les politiques de reforestation naturelle sont généralement des friches. L’Union européenne, notamment, subventionne les agriculteurs pour ne plus exploiter certaines de leurs terres. Cela pose d’ailleurs des questions sur ce qu’est un agriculteur. Dans les cas où on laisse la nature se débrouiller, on observe une progression des couverts boisés dans certaines régions, surtout en montagne. On s’aperçoit généralement que les arbres montent beaucoup plus haut de manière naturelle. Malgré tout, la plus grande partie de la reforestation est la replantation de forêts faites pour l’exploitation.

Quelle est la forme de reforestation la plus bénéfique ?

Il y a pas tellement de doute, même si cela dépend des objectifs : si l’objectif est une préservation de l’environnement, en particulier pour défendre la biodiversité, mieux vaut laisser les forêts se régénérer toutes seules. Avec ce que cela implique en termes de modification des paysages auxquelles nous sommes habitués, et avec éventuellement quelques interventions sur quelques espèces ou essences invasives qui peuvent gêner cette reconstruction. L’ONF en France est très compétent sur ces points depuis la découverte de la vulnérabilité des massifs forestiers avec les grandes tempêtes des années 1990. Ils encouragent les mix d’essences qui permettent d’avoir des forêts plus résistantes face à ce genre de catastrophes. Il vaut donc mieux laisser dans ces conditions les forêts se refaire toutes seules plutôt que de se glorifier d’immenses forêts qui ne sont jamais que de grands champs d’arbres et au final n’apportent pas grand chose. De toute façon, une seule essence d’arbre plantée sur des centaines d’hectares les uns à côtés des autres, cela n’apporte rien de très intéressant en termes de biodiversité.

Quels effets compensatoires peuvent avoir cette reforestation en termes de biodiversité ou d’absorption du CO2 ?

En termes d’absorption du CO2, plus les arbres poussent, plus le CO2 est stocké, c’est mathématique. Mais il est aussi mathématique que quand ce sont des forêts d’exploitation, au bout de 10-20 ans, le CO2 est relibéré puisque on coupe la forêt pour la transformer en planches. C’est un cycle logique.

De plus si on prend les surfaces de forêts qui ne sont pas d’exploitation seules, on est très perdant en termes de biodiversité, car cette reforestation générale ne compense pas la perte de la biodiversité liée à l’agriculture intensive. On a vu que la forêt se développe parce qu’il y a une agriculture qui produit plus sur d’autres surfaces. La destruction qui s’opère sur ces surfaces moindres n’est pas compensée par ce qu’on gagne sur en forêts. La perte des oiseaux des champs liés à l’effondrement de la faune des insectes ne sera pas compensée par les morceaux de forêts qu’on laisse repousser dans les Alpes et autres endroits où on ne peut pas faire passer le tracteur.

Il est nécessaire donc d’avoir une diversité de biomes, au delà de simplement se satisfaire de la replantation de forêts ?

Oui, une diversité de biomes, mais de faunes adaptées aux différents environnements. C’est aussi un calcul en termes de surface. C’est-à-dire qu’il est très peu probable, en Europe en tout cas, qu’on retrouve des surfaces de forêts qui soient supérieures à 50%. Si on a 2/3 de champs et d’espace urbain et 1/3 de forêts, la forêt ne va pas compenser les effets de la destruction qui s’opère sur les deux autres tiers.

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