Pollution de l’air : c’est encore pire que ce que nous croyions alerte l’OMS<!-- --> | Atlantico.fr
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La ville de Jakarta plongée dans la pollution atmosphérique, en septembre 2021.
La ville de Jakarta plongée dans la pollution atmosphérique, en septembre 2021.
©BAY ISMOYO / AFP

Atlantico Green

L'Organisation mondiale de la santé a adopté de nouvelles recommandations beaucoup plus strictes en matière de qualité de l'air. Pour l'OMS, ce fléau est aussi grave que celui du tabagisme ou de la mauvaise alimentation.

Olivier Blond

Olivier Blond

Olivier Blond est conseiller régional, délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l'air et Président de Bruitparif.

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Atlantico : L'OMS a établi le 22 septembres de nouvelles normes en matière de pollution de l'air. Qu'est-ce qui a été réévalué ?

Olivier Blond : L'OMS n'a pas modifié de normes, mais des seuils recommandés. Les valeurs qui changent n'ont aucun impact réglementaire. En France, plusieurs actions en justice sont menées contre l'Etat, l'une de la Cour de justice de l'Union européenne, l'autre du Conseil d'Etat : elles se basent sur les valeurs légales, qui sont dépassées en France depuis de nombreuses années. Mais l'OMS ne redéfinit pas ces valeurs légales, elle modifie les seuils recommandés, qui sont considérablement abaissés. C'est un pas gigantesque. Les différences sont astronomiques : sur le dioxyde d'azote, les seuils sont divisés par quatre. Sur les PM2.5, le seuil est divisé par deux. C'est si important qu'au niveau de ces deux seuils, l'essentiel des grandes villes venaient d'atteindre les niveaux recommandés. Elles sont désormais en rouge à 100%.

L'OMS a-t-elle été alarmée par les derniers relevés de pollution de l'air ?

Je pense que ce ne sont pas tant les relevés que les recherches scientifiques qui montrent de manière de plus en plus certaine que la pollution de l'air tue à des seuils très bas. Des études montrent qu'il n'y a pas vraiment de seuils minimum sous lesquels la pollution de l'air serait non-toxique. Les chiffres sont astronomiques : l'OMS parle de sept millions de morts par an dans le monde. C'est plus que toutes les guerres, les accidents, le Covid, réunis. En France, on est entre 40.000 et 100.000 morts par an. Les gens ont souvent du mal à croire à ces chiffres tant ils semblent énormes. Ils se disent : « ce n'est pas une crise d'asthme qui va tuer ces gens ». Mais ce que les médecins ont découvert, c'est que la pollution de l'air, après être passée dans les poumons, pénètre dans le sang et est responsable de maladies cardio-vasculaires. C'est cela qui est responsable de ce bilan dramatique de dizaines de milliers de morts, pas les crises d'asthme. La pollution de l'air serait responsable d'un tiers des AVC et des infarctus.

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Depuis plusieurs années, les données médicales s'accumulent pour montrer le caractère dangereux de cette pollution. On découvre tous les jours de nouvelles conséquences : par exemple, la pollution de l'air favoriserait les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson...). On a aussi découvert qu'elle exerce son effet négatif sur les fœtus et est responsable d'une diminution de la masse moyenne des bébés à la naissance. On pourrait faire une liste très longue des conséquences ! C'est ce faisceau de données qui amène l'OMS a expliquer qu'il faut agir beaucoup plus fort que ce qui est fait actuellement. C'est important : rappelez-vous, en 2013, un autre rapport de l'OMS avait eu un fort impact sur la lutte contre la pollution de l'air. Il est donc probable que cette nouvelle décision d'abaisser les seuils incite plus ou moins rapidement à des actions plus fortes en faveur de cette lutte.

Certains Etats pourraient-ils agir pour ne plus avoir leurs villes sous le seuil d'alerte ?

Oui. Cela pourrait aussi inciter l'Union européenne à changer ses seuils réglementaires. On passerait donc de seuils recommandés par l'OMS à des seuils réglementaires. Mais cela prendra des années. En attendant, les collectivités et les Etats voudront faire des efforts. Ceci étant dit, les seuils sont désormais tellement bas qu'il y a des endroits où on ne sait pas comment on pourra y parvenir. Pour respecter ces seuils, il faut changer radicalement les transports. Les demi-mesures ne suffiront pas. En clair, pour avoir une chance de les respecter, il faut supprimer tous les moteurs thermiques en ville.

L'OMS met sur un pied d'égalité la pollution de l'air avec le tabagisme et la mauvaise alimentation. Est-ce à dire que la pollution de l'air pourrait être qualifiée de maladie ?

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Il y a deux ans, l'OMS a organisé son premier congrès mondial sur la pollution de l'air. C'était symbolique, pour montrer le danger qu'elle représente. A l'époque déjà, son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus faisait déjà le parallèle entre la pollution de l'air et le tabac. Pour lui, la pollution de l'air était le tabac du XIXe siècle. L'OMS appelle à ce qu'on prenne des mesures aussi puissantes contre la pollution de l'air que celles prises contre le tabac. Pour rappel, le tabac, l'alcool et la pollution de l'air sont les trois principales causes de mortalité en France.

Quel polluant serait à éliminer en priorité ?

C'est une question difficile car chaque polluant s'additionne et accroît les effets des autres. C'est l'effet cocktail. L'impact de deux polluants ensemble est plus grave que la somme des deux polluants séparés. La pollution de l'air est une sorte de bouillabaisse avec des milliers de polluants imbriqués.

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