Pire que le CO2, le méthane ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Pire que le CO2, le méthane ?
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

La lutte contre le réchauffement climatique est souvent associée à la réduction de l'émission de dioxyde de carbone (CO2). Mais le méthane augmente aussi dans l'atmosphère, avec des conséquences potentiellement désastreuses.

Marielle Saunois

Marielle Saunois

Marielle Saunois est enseignante-chercheuse à l'Université de Versailles Saint Quentin. Elle appartient au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement. Elle a notamment travaillé sur un inventaire mondial du méthane pour la période 2000-2012. Ses travaux portent sur l’estimation des sources et puits de gaz à effet de serre, en particulier le méthane.

Voir la bio »

Atlantico : La lutte contre le réchauffement climatique est souvent associée à la réduction de l'émission de dioxyde de carbone (CO2). De récentes études de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique ont cependant pointé une sensible augmentation du méthane dans l'atmosphère. Connaissons-nous précisément les sources de cette augmentation ? Y-a-t-il un consensus scientifique sur l'origine de cette hausse ? 

Marielle Saunois : En effet, après une période de stagnation (2000-2006), les concentrations de méthane dans l’atmosphère ont de nouveau augmenté depuis 2007, à des taux variables en fonction des années mais de façon continue.  De nombreuses études scientifiques se sont emparées de la question dès 2008. Dix ans plus tard, les raisons de l’augmentation du méthane dans l’atmosphère depuis 2007 ne sont toujours pas précisément connues. Différentes études suggèrent des causes variées. Des études basées sur les mesures de méthane et de son isotope principal suggèrent une augmentation des sources biogéniques de méthane. Le méthane biogénique est produit par des micro-organismes qui dégradent la matière organique dans des environnements privésd’oxygène, tels que les sédiments des eaux douces et marines (zones marécageuses), les rizières, le tube digestif des ruminants multi gastriques mais aussi dans les stations d'épuration et les décharges. Ces études suggèrent plutôt une hausse des émissions des zones marécageuses dans les tropiques. Cependant, comme le suggèrent d’autres travaux, les émissions anthropiques liées à l’extraction de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), à l’agriculture (élevage en particulier) et à la gestion des déchets, ont augmenté sur cette période et peuvent aussi expliquer la hausse observée des concentrations de méthane dans l’atmosphère, moyennant une légère baisse des émissions de méthane issus des feux de biomasse afin d’équilibrer le signal isotopique des sources. Ainsi il y a, sans doute, différentes sources de méthane qui expliquent l’augmentation du méthane atmosphérique, mais il n’y a pas consensus sur leurs contributions relatives. Aussi, il ne faut pas oublier que l’augmentation du méthane atmosphérique résulte d’un déséquilibre entre les sources et les puits de méthane. Le principal puits de méthane est sa destruction dans l’atmosphère par le radical hydroxyle OH. Très difficiles à mesurer, ces variations au cours des dernières années et décenniessont très controversées. Ainsi, des études suggèrent que l’augmentation du méthane atmosphérique serait due, en partie, à une diminution du radical OH dans l’atmosphère. La question posée est toujours d’actualité dans la communauté scientifique. La difficulté à répondre vient sans doute des grandes incertitudes sur les quantités de méthane émises par chacune de ces sources.

Les émissions de méthane liées à l'humain sont-elles, à votre avis, plus faciles à contrôler que les émissions de CO2 ? 

Cela dépend ce qu’on entend par « contrôler » car on peut facilement « contrôler » de ne pas démarrer sa voiture ou faire décoller un avion… Par contre, il est peut-être plus acceptable pour la société actuelle de limiter les émissions de méthane liées aux activités humaines, en tous cas il existe des solutions – déjà appliquées partiellement. Lors de l’extraction des combustibles fossiles, il y a toujours un dégazage de méthane dans la zone d’extraction, ou aussi des fuites sur certains compresseurs des sites de production ou lors de son transport (gazéoducs, camions, citernes). La plupart de ces fuites sont des « super-émetteurs » : un petit pourcentage de puits sont responsables de la majorité des émissions. Ainsi améliorer les infrastructures ou capter le méthane sont deux solutions efficaces, mais couteuses pour les industries. Les décharges peuvent être recouvertes et le méthane produit, capté pour faire du biogaz. L’agriculture présente aussi des voies pour limiter les émissions de méthane. Mais nos pratiques agricoles doivent pouvoir permettre de nourrir la population mondiale, de plus en plus nombreuse, tout en essayant de limiter ses émissions de méthane. Certaines pratiques agricoles sur les rizières peuvent limiter les émissions (inondations intermittentes, contrôlées par exemple). Changer nos régimes alimentaires – manger moins de viande, nourrir différemment les animaux sont d’autres solutions…

La lutte contre les émissions de méthane peut-elle permettre de gagner du temps dans la mise en place des politiques de limitation des émissions de CO2 ? Ou au contraire, faut-il considérer le méthane comme un facteur de réchauffement difficilement contrôlable ? 

Je ne pense pas qu’il faille se servir du « pouvoir de la réduction des émissions de méthane à répondre rapidement face à l’effet de serre » pour repousser les décisions à prendre sur les réductions des émissions de CO2. Le CO2 reste le premier gaz à effet de serre, et des solutions existent aussi pour le CO2, appliquons-les et développons-les. Pour limiter le réchauffement climatique, il faut prendre le problème dans son ensemble et jouer sur tous les tableaux possibles, sans renvoyer la balle dans un autre camp. Malgré les efforts faits sur les émissions de méthane liées aux activités humaines, le réchauffement de la planète a un effet boule de neige sur les émissions naturelles de méthane. Une température plus chaude favorise la production de méthane biogéniques (dans les zones marécageuses par exemple) ; la fonte du pergélisol forme déjà des lacs thermokarstiques qui libèrent du méthane …

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !