Peut-on vraiment stocker ses données en toute confiance sur le cloud ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Scientific American fait état dans un récent article de la montée en puissance du "cloud" dans la vie de tous les jours.
Le Scientific American fait état dans un récent article de la montée en puissance du "cloud" dans la vie de tous les jours.
©Reuters

La minute Tech

Nous stockons toujours plus de données en ligne, selon Scientific American : carnet d’adresse, agenda, e-mails, mots de passe... Comment les géants du web ont-ils fait pour rendre le "cloud" indispensable ? En quoi ces données aident-elles les agences de marketing à mieux cibler leurs clients ?

Maxime Pinard

Maxime Pinard

Maxime Pinard est directeur de Cyberstrategia, site d'analyse stratégique portant sur les enjeux du cyberespace et de la géopolitique en général. Il est adjoint aux formations à l'IRIS, en charge de l'enseignement à distance et de la formation "Action humanitaire : enjeux stratégiques et gestion de projet".

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Atlantico : Le Scientific American fait état dans un récent article (voir ici) de la montée en puissance du "cloud" dans la vie de tous les jours : carnet d’adresse, agenda, e-mails, tâches à effectuer, mots de passe… tous ces outils sont regroupés sur le net, sauvegardés sur des serveurs. Comment les géants du web Apple, Google ou Microsoft ont-ils fait pour rendre le "cloud" de plus en plus incontournable ?

Maxime Pinard : Ils sont partis d’un double constat : les internautes créent de plus en plus de contenus numériques (photos, vidéos, lourds programmes…) qui nécessitent des espaces de stockage toujours plus importants. Ces mêmes internautes ont peur également qu’en raison d’une défaillance technique ou humaine (les sauvegardes ne sont pas fiables à 100%), leur vie numérique disparaisse.

Les entreprises concernées n’ont eu qu’à jouer sur l’idée qu’elles se chargeaient de protéger les données numériques des internautes, mettant en avance leur savoir-faire technique et leur réputation. Pour ce faire, elles ont au fur et à mesure intégrer dans leurs services classiques (messagerie, logiciel de gestion de fichiers pour Apple avec Itunes, etc…) des outils permettant (Gdrive pour Google, Icloud pour Apple, Skydrive pour Microsoft…) à chacun d’externaliser ces données, avec l’idée séduisante de pouvoir les consulter d’où on veut, le tout étant bien évidemment synchronisé. Le problème est que ce qui était au départ une possibilité tend à devenir un impératif pour profiter des services de ces entreprises.

Avec le système Mavericks d’Apple, il est désormais impossible de faire passer des données de son iPhone vers un ordinateur avec un câble : on doit forcément passer par le cloud… Peut-on encore aujourd’hui utiliser des appareils Apple, Samsung ou autre sans devoir nécessairement stocker ses données ailleurs ? Ces entreprises font-elles en sorte qu’il soit impossible de profiter de leurs services sans confier au "cloud" ses données ?

L’objectif à terme est clairement que les internautes stockent dans le « nuage numérique » toutes leurs informations. Il y a toujours une possibilité pour l’internaute de passer outre ce chemin guidé, mais cela nécessite du temps, une curiosité et quelques notions en informatique (impliquant parfois des modifications en profondeur du système, ce qui fait perdre la garantie), ce dont une grande partie des internautes ne veut pas entendre parler, privilégiant le côté pratique aux enjeux sécuritaires posés par cette utilisation du web.

Des entreprises comme Apple avec iOS ou Samsung avec son Androïd retravaillé cherchent à créer un écosystème numérique à même de faire croire à l’internaute qu’il est en sécurité tant qu’il utilise les services qu’elles recommandent, ce qui est tout simplement faux, aucun système n’étant sûr à 100%.

Pourquoi ces entreprises cherchent-elles à rendre le "cloud" incontournable ? Derrière l’argument de la praticité, poursuivent-elles un objectif particulier ? 

Ces entreprises fabriquent des terminaux numériques qui ne sont qu’une étape dans leur stratégie globale qui consiste à gérer l’ensemble du flux de l’information et du divertissement : créer un objet qui sera acheté par un consommateur qui l’utilisera pour créer du contenu hébergé par la société créatrice de l’objet qui en monétisera le contenu. Sans le percevoir réellement, nous stockons une mine d’informations en ligne qui sont un trésor pour les sociétés de marketing qui cherchent toujours plus à cibler le client. L’heure de connexion, le temps passé sur tel site, l’utilisation de tel appareil photo, etc, permettent de nous faire rentrer dans des « cases » et ainsi de nous proposer des « offres adaptées ». De plus, ces mêmes sociétés s’arrangent pour rendre incompatibles (ou compatibles mais avec des outils tiers) leurs services avec ceux du concurrent, d’où une dépendance du consommateur qui aura tendance à renouveler son matériel chez la même enseigne.

Le fait de confier ses données à des serveurs dont on ignore où ils se trouvent, et qui peuvent potentiellement connaître des problèmes techniques ou être piratés, devrait-il nous faire réfléchir à deux fois ? Entre les risques et les avantages, quel est le parti à prendre ?

L’affaire Snowden est un des nombreux exemples montrant qu’une confiance aveugle dans des sociétés numériques qui stockent nos informations est dangereuse pour la démocratie et notre vie privée en général. Une prise de conscience de l’importance du choix où stocker ses informations se fait jour mais elle est bridée par le manque de connaissances et l’envie des internautes pour gérer eux-mêmes leurs informations. Le stockage à domicile est pourtant désormais bien accessible avec des outils comme les NAS qui ont été simplifiés dans leurs paramétrages, mais cela a un coût et les internautes privilégient –pour l’instant du moins- des services gratuits, mais où le produit est en fin de compte l’internaute utilisateur.

En fin de compte, ce dernier doit prendre ses responsabilités dans son utilisation du web (il signe toujours numériquement un contrat qu’il ne lit que rarement) car il n’agirait pas ainsi hors du cyberespace : serait-il ainsi disposé à stocker toute sa correspondance papier, ses photocopies de comptes bancaires chez un inconnu situé à des milliers de kilomètres, sans garantie que tout ne soit lu et partager avec des tiers eux-aussi inconnus ? On peut en douter…

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