Les Suisses qui redécouvrent un génie français, la météo qui s’invite au poignet et la subversion par la tradition : c’est l’actualité des montres<!-- --> | Atlantico.fr
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Récemment racheté aux enchères et signé Louis Moinet, ce chronographe pionnier réécrit toute l’histoire de la précision des montres mécaniques...
Récemment racheté aux enchères et signé Louis Moinet, ce chronographe pionnier réécrit toute l’histoire de la précision des montres mécaniques...
©Louic Moinet

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Et aussi l’heure sur des rubans californiens et les couleurs acidulées de la joaillerie Dior…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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LOUIS MOINET : Le Français qui a fait mieux que les Suisses

Les manuels d’histoire de la montre traitaient par dessus la jambe l’horloger Louis Moinet (1768-1853), qui était pourtant considéré par ses contemporains comme la référence française dans son domaine. On trouve ses horloges au musée du Louvre comme à la Maison-Blanche de Washington ou le château de Versailles. On vient de (re)découvrir un "compteur de tierces" qui va nous obliger à réécrire toute l’histoire de la chronographie (image ci-dessus).

De même que la minute était, à l’aube de l’horlogerie mécanique, la première et la plus petite (minus) division connue de l’heure (par 60), la seconde a été ensuite la deuxième (seconde) division de cette heure par une réduction de la minute en soixante subdivisions. La tierce – le mot n’est plus employé – s’est imposée, au XVIIIe siècle, comme la troisième division de cette heure, en subdivisant la seconde en soixante sous-unités. Mis en point en 1816, le "compteur de tierces" permettait donc de décompter des temps courts au soixantième de seconde en les visualisant par des aiguilles qui en "écrivaient" la course – c’est le sens éxact du mot chronographe, : "qui écrit le temps". 1/60e de seconde : une remarquable performance, qui anticipe de six ans l’invention officielle du chronographe, attribuée par les historiens à Nicolas Matthieu Rieussec, qui avait mis au point un "chronographe encreur" en 1822 (précision de l’ordre du 1/5e de seconde).

L’histoire des montres de précision prend une seconde grosse claque avec ce "compteur de tierces" : on y trouve un poussoir de remise à zéro qui a cinquante ans d’avance sur son "invention" officielle. Puis une troisième claque avec la vitesse fonctionnelle du cœur mécanique de ce mouvement, qui bat à 216 000 alternances par heure (le fameux tic-tac), soit une vitesse de 30 Hz qu’on pensait n’avoir été atteinte qu’un bon siècle plus tard. Ce mouvement (ci-dessous) est bourré d’astuces techniques qui laissent les "motoristes" contemporains muets d’admiration. Bref, il faut réintégrer Louis Moinet dans le panthéon des grands horlogers et réécrire à son profit toutes les histoires de la montre.

Comment les historiens ont-ils pu passer à côté d’un tel génie inventif ? D’abord, par paresse intellectuelle : la plupart des auteurs se recopient les uns les autres, sans vraies avancées fondamentales, en propageant de décennie en décennie les mêmes approximations et les mêmes âneries. Ensuite, parce que cette histoire des montres est écrite par des Suisses, le plus souvent pour des marques suisses : les non-Suisses ont tendance à y faire de la figuration. On a pu le vérifier avec l’"invention" du mouvement automatique, attribuée sans preuves au presque fantômatique horloger suisse Abraham Louis Perrelet, alors que le premier document historique connu à ce sujet est une montre présentée à l’Académie des sciences de Paris, en 1778, par l’horloger liégeois Hubert Sarton.

Enfin, l’histoire des montres est aujourd’hui trop dictée par le marketing des marques qui commanditent les historiens et les chercheurs : plus question de faire de la peine aux sponsors ! On échappe ainsi à la discipline académique pour annexer l’histoire au discours corporate : c’est ainsi que la marque Montblanc a pu poser toute sa légitimité chronographique sur ce Rieussec décrété d’office "inventeur du chronographe". C’est ainsi que Cartier peut affirmer avoir inventé la montre-bracelet pour l’aviateur Santos-Dumont, alors que ce dernier n’a pas porté de montre au poignet avant les années 1910 et que les frères Wright, pionniers de l’aviation, portaient une montre Vacheron-Constantin. Qu’on se rassure, cependant : une marque suisse a déjà repris le nom de l’horloger français Louis Moinet pour en faire un nouvel étendard de l’avant-garde suisse ! Ne pas manquer la vidéo qui retrace la nouvelle histoire du chronographe...

BREVA : Du temps qui passe au temps qu’il fait

À quoi peut bien servir une montre mécanique qui proposerait, en plus de l’heure, un baromètre et un altimètre, tout aussi mécanique ? Drôle de question quand les montres ne sont plus vraiment faites pour donner l’heure, mais pour satisfaire les caprices ludiques des amateurs (tendance "jouets de garçon") ou l’éternelle fascination pour les virtuosités méchaniciennes des artistes du temps. Avec cette montre-baromètre, la nouvelle marque Breva – nom d’un vent tiède qui adoucit le microclimat du lac de Come – renoue avec la tradition qui associait horlogers et scientifiques du XVIIe siècle au XIXe siècle, quand ils exploraient ensemble les limites de l’espace et du temps. Est-ce un hasard si la langue française, habituellement si minutieuse dans ses allocations sémantiques, confond dans un seul mot le temps qu’il fait et le temps qui passe. Cette station météo de poignet, entièrement mécanique, a réclamé quelques avancées techniques inédites et brevetées pour sa mise au point : un nouveau mouvement pour le temps qu’il est et des modules météo pour le temps qu’il fera. L’heure est à gauche, le baromètre à droite et l’altimètre en haut, comme il se doit. Complexité qui explique le prix cauchemardesque, au-delà des 100 000 euros. Le nom du modèle est à lui seul tout un programme : Génie 01. On peut vous garantir que les Génie 02 ou 03 seront tout aussi disruptifs…

DE BETHUNE : La sédition comme subversion de la tradition

Regardez attentivement cette montre DB 16 Régulateur Tourbillon : le style est en apparence classique, mais quelques détails intriguent, comme cette Lune sphérique, une spécialité de la jeune manufacture De Bethune (qui n’a pas encore dix ans), la délicatesse rétro-classique d’une décoration qui sait asservir les effets de lumière à l‘expression subtile d’une nouvelle post-modernité ou, encore, la forme du boîtier avec ses attaches en obus. On comprend tout de suite qu’il y a une forme de subversion dans ce parti-pris de tradition. Ce qui est confirmé au dos de la montre, qui fait découvrir un tourbillon à haute fréquence [qui ne se voit pas côté cadran : quelle élégance !]qu’on devine rapidement bourré de nouvelles technologies, un affichage rétrograde des jours de la Lune et une structure architecturée qui donne au battement des secondes "sautantes" une pompe fascinante de complexité micro-mécanique. De Bethune est le creuset créatif d’une nouvelle génération d’horlogers qui sont entrés en rébellion contre l’ordre établi – celui du marketing omnipotent et des marques omniprésentes. Cette maison est à la haute horlogerie ce que le château d’Yquem est au sauternes : le triomphe sublime d’une extravagance assumée…

DEVON : Un concept élégant et puissant qui débarque de Californie

Scott Devon est un créateur californien qui fait peur aux concepteurs horlogers suisses, non seulement parce qu’il sait se passer d’eux [un crime de lèse-majesté par la suffisance horlogère helvétique], mais aussi parce que cet Américain prouve qu’on peut imaginer des concepts de rupture loin des Watch Valleys romandes [un second coup de poignard pour les Suisses]. La première ligne Tread 1 avait impressionné par la brutalité "industrielle" et la radicalité d’un principe d’affichage de l’heure par rubans entrecroisés, sur une base de mouvement électro-mécanique à batterie au lithium. La nouvelle proposition Tread 2 a visiblement tiré les leçons de la première série et tiré profit des immenses ressources créatives du design californien. L’affichage par courroies a été conservé, mais il s’est épuré en devenant plus lisible et plus naturel. Quelques améliorations techniques ont permis de greffer un chronographe sur la montre : le décompte des secondes se fait sur le ruban des minutes, et celui des minutes sur les heure, après activation du poussoir latéral (retour à zéro par la couronne). Le restylage esthétique n’est pas moins spectaculaire : les lignes ont été adoucies et la montre est encore plus portable en dépit de sa taille (44 mm pour 14 mm d’épaisseur). Elle est même désormais élégante – donc beaucoup plus concurrente des "ovnis" européens que la Tread 1 et d’autant plus dangereuse pour eux qu’elle se vend au quart ou au cinquième de leur prix (comptez tout de même un peu moins de 10 000 euros)…

DIOR : Maxi-couleurs acidulées pour une Mini D adulée

C’est une gourmandise estivale pour les demoiselles gâtées par la vie, qui peuvent se permettre cette fantaisie sertie dans des bracelets acidulés qui décalent les codes joailliers. C’est Courrèges place Vendôme ou Barbarella qui fait son entrée au Bal des débutantes. Le petit format – très harmonieux – de cette Mini D et le noir de son cadran accentuent le contraste graphique avec les bracelets vernis dans le goût fluo. Tout simplement diorissime…

Le Quotidien des montres

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004... Ici : http://www.businessmontres.com

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