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Les réseaux sociaux au service des sciences humaines
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La minute "Tech"

Facebook et l’Université Carnegie Mellon veulent contribuer au progrès des sciences humaines. Leurs chercheurs étudient les us et coutumes des internautes actifs sur les réseaux sociaux.

Nathalie Joannes

Nathalie Joannes

Nathalie Joannès, 45 ans, formatrice en Informatique Pédagogique à l’Education Nationale : création de sites et blogs sous différentes plates formes ;  recherche de ressources libres autour de l’éducation ;  formation auprès de public d’adultes sur des logiciels, sites ;  élaboration de projets pédagogiques. Passionnée par la veille, les réseaux sociaux, les usages du web.

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Les technologies suscitent des usages qui génèrent des comportements. Ce théorème guide les travaux de l’équipe que dirige Cameron Marlow, un sociologue issu du fameux Massachusetts Institute of Technology. La thèse de doctorat de Cameron Marlow portait sur la dissémination des contenus de blogs et de sites de partage comme Flickr, Del.icio.us et Last.fm. Aujourd’hui, son groupe multidisciplinaire de chercheurs observe les dizaines de milliards de décisions que prennent les 845 millions d’utilisateurs de Facebook.

La sociabilité revisitée

Les missions du Data Team s’apparentent à celles d’un télescope géant qui chercherait à détecter des structures cachées de l’Univers. Il s’agit de savoir ce que font les internautes, pourquoi et comment ils font certaines choses et pas d’autres sur les pages de Facebook, quelles sont les conséquences quantitatives et qualitatives de ces vastes flux de microdécisions individuelles.

Ainsi, grâce à la Timeline qui retrace chronologiquement les évènements retenus par les abonnés au réseau social, il est possible de déterminer l’évolution, au fil des ans, du nombre d’étudiants qui ont fréquenté de grandes universités à l’étranger.

L’approche comportementaliste enrichit par ailleurs le débat - ancien - concernant l’impact que pourraient avoir les technologies de la communication sur la sociabilité. La thèse la plus répandue est que les réseaux détruisent les liens sociaux tissés dans la vraie vie. Or, selon une étude du Pew Internet and American Life Project, 93% des « amis » revendiqués par les usagers de Facebook étaient connus de ces usagers en dehors du réseau social.

Nouveau regard sur l’influence

Bien sûr, une entreprise qui devrait entrer en bourse avec une capitalisation estimée à 104 milliards de dollars ne limite pas ses ambitions intellectuelles à l’enrichissement des sciences sociales. Les retombées marketing l’intéressent au plus haut point.

Celle-ci, par exemple : il est généralement admis que le nombre d’amis ayant adopté une technologie ou un produit constitue le critère décisif qui amène un internaute à faire le même choix. Les travaux de la Data Team établissent que ce n’est pas le nombre d’influenceurs qui détermine le choix mais leur diversité. Concrètement, un internaute ne décide pas de s’inscrire sur Facebook parce que cinquante de ses connaissances y sont déjà inscrites mais parce que, même sur une quinzaine de connaissances, des membres de l’entourage familial, des relations professionnelles, des personnes de la sphère conviviale ont fait ce choix.

Autrement dit, ce n’est pas le poids de l’influence qui compte, c’est sa qualité pluraliste. Un raisonnement plutôt sain : « Je fais çà, non pas parce que je m’en remets au prestige ou à l’autorité de cinquante personnes mais parce que quinze personnes qui ne se connaissent pas font la même chose.

Dynamiques urbaines car humaines

Dans le même ordre d’idées, mais en dehors de Facebook, l’école de sciences informatiques de l’Université Carnegie Mellon étudie les modes de vie des habitants de New York, Pittsburg et de la baie de San Francisco à travers leur comportement sur Foursquare, plateforme de recommandations géolocalisées.

Sur une carte, des points de différentes tailles et de différentes couleurs désignent les utilisateurs de Foursquare qui s’identifient à un endroit précis. Les recommandations qu’ils émettent sont analysées en termes de déplacements, d’activités, de goûts et regroupées par voisinages et affinités. Ces observations agrégées esquissent des portraits de villes ou de quartiers à travers des structures démographiques et psychologiques, des dynamiques sociales. Les municipalités, les associations et les entreprises peuvent en tirer des enseignements qualitatifs difficiles à obtenir par d’autres méthodes.

L’observation attentive de la carte de Pittsburg, par exemple, révèle des informations intéressantes, compte tenu de la crise industrielle qui a frappé cette ville. Au-delà des lieux les plus populaires– à travers le filtre de Foursquare, ce sont plutôt des bars ou des restaurants, comme à Manhattan ou à Frisco – les activités les plus répandues sont la recherche d’espaces de travail collaboratifs et de locaux pour start ups. Un panneau latéral actualise les statistiques sur les jours de la semaine les plus actifs, les horaires les plus intenses et les genres dominants d’activités : arts et distractions, bureau ou domicile, éducation, sport, shopping. Chaque clic sur des points colorés révèle le caractère humain du lieu et un deuxième clic désigne les autres quartiers de la ville qui lui ressemblent.

Les commerçants peuvent savoir d’où viennent leurs clients et ajuster les emplacements de leurs publicités. Les urbanistes peuvent réfléchir aux aménagements possibles en fonction des évolutions observées dans les comportements des populations. Et puis, comme cet habitant de San Francisco qui croyait bien connaître son quartier, les internautes sont incités à regarder autrement leur ville. A la redécouvrir, peut-être.

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