Les Français et les mouvements sociaux : ceux qu’ils condamnent, ceux qu’ils excusent<!-- --> | Atlantico.fr
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Les agriculteurs jouissent d'un capital sympathie auprès des Français.
Les agriculteurs jouissent d'un capital sympathie auprès des Français.
©Reuters

Policito scanner

Lundi 5 octobre, le DRH Xavier Broseta a été mis à nu par des salariés d'Air France en colère. A plusieurs reprises dans l'Histoire de France, la grogne a gagné différents corps sociaux, jusqu'à pousser les concernés à la grève ou à la manifestation, mais les Français n'ont pas toujours réagi de la même manière. Bilan.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Récemment, les salariés d'Air France s'en sont pris à leur DRH. Dans le cadre d'un mouvement social particulièrement violent, ils ont déshabillé Xavier Broseta et blessé sept personnes. S'agit-il du genre de mouvement que l'opinion publique est prête à tolérer aujourd'hui ?

Yves-Marie Cann : Je doute que les images diffusées, compte tenu de la violence dont elles témoignent, soient de nature à favoriser au sein de l’opinion publique française un quelconque mouvement de soutien à l’égard des fauteurs de trouble chez Air France. Je pense même qu’elles sont particulièrement contreproductives car c’est prendre le risque que l’opinion publique se retourne contre les salariés d’Air France, sauf à ce que les Français interprètent ces événements comme le fait d’une minorité non représentative des salariés. Enfin ajoutons à cela le fait que ces images ont été reprises par de nombreux titres de la presse étrangère. Dès lors, beaucoup pourraient s’inquiéter de l’impact que ces images sont susceptibles d’avoir sur l’attractivité de la France à l’international qui est pourtant un enjeu stratégique majeur dans la compétition économique mondiale.

En octobre 2010, 53% des Français estimaient que la réforme des retraites menée par Nicolas Sarkozy était acceptable. Pourtant, ils étaient 70% à estimer que le mouvement de grève lancé en retour était justifié. Dans quelle mesure ce chiffre est-il représentatif des mouvements sociaux que les Français ont tendance à pardonner ? (sondage : voir ici)

Sur la question des retraites, une majorité de Français a pris conscience que notre système par répartition est aujourd’hui grandement fragilisé. Sensibilisés à la nécessite de faire des efforts sur le montant des cotisations, les annuités requises ou encore l’âge légal de départ à la retraite, les Français ne le font pas pour autant de gaité de cœur. Si la réforme défendue par Nicolas Sarkozy et François Fillon a pu apparaître comme un compromis acceptable, au sens où celui-ci ne compromettait pas notre modèle de protection sociale, de nombreux Français exprimaient toutefois leur soutien aux mouvements sociaux organisés à cette occasion. Les motivations des soutiens observés dans les enquêtes d’opinion pouvaient toutefois être extrêmement variées. Pour certains, il s’agissait effectivement d’exprimer son opposition aux mesures proposées par l’exécutif. Pour d’autres, il pouvait s’agit d’un soutien avant tout préventif, pour s’assurer que les efforts demandés ne dépassent pas certaines limites. Enfin, on ne peut exclure que le soutien exprimé par certains à l’égard du mouvement social s’expliquait avant tout par un mécontentement plus général à l’encontre de l’exécutif et donc pour des raisons plus politiques. Je rappelle qu’à l’été 2012 seul environ un tiers des Français déclarait faire confiance à Nicolas Sarkozy pour affronter efficacement les problèmes du pays.

En dépit des grèves qu'ils mènent régulièrement, les agriculteurs jouissent d'un relatif capital sympathie auprès des Français (en 2015, 68% estiment qu'ils sont modernes, 67% les jugent de confiance, 52% les disent respectueux de la santé et compétitifs) (sondage : voir ici). En parallèle, le seul mouvement de grève de la SNCM a provoqué l'émoi chez les Français : 55% de la population s'oppose, 72% craignent un impact économique conséquent et 71% estiment qu'un travail minimum doit être établi même en période de grève. Comment expliquer ce différentiel ? (sondage : voir ici)

Les agriculteurs bénéficient effectivement d’un capital de sympathie non négligeable au sein de la population française. Ceci doit beaucoup à notre histoire et au poids de l’agriculture française dans notre économie. De même, beaucoup de Français ont conscience des difficultés économiques et de la précarité à laquelle sont confrontés bon nombre d’agriculteurs aujourd’hui alors qu’ils ne ménagent pas leurs efforts. Ce sont autant d’éléments qui favorisent la sympathie des Français à leur égard. Toutefois, les violences et les dégradations qui peuvent être commises lors de manifestations agricoles ne bénéficient pas davantage que pour d’autres professions du soutien de l’opinion publique. Le cas de la SNCM est quant à lui emblématique des conflits sociaux qui sont effectivement appréhendés négativement par les Français en raison des nuisances qu’ils entrainent au quotidien et des risques économiques qu’ils peuvent faire courir. Si l’on ajoute à cela que les grévistes peuvent être perçus, à tort ou à raison, comme issus d’une profession plutôt privilégiée dans un contexte économique difficile, nous mesurons alors des opinions majoritairement négatives à leur égard. C’est vrai pour la SNCM à laquelle vous faites référence, mais nous l’avons aussi observé lors du conflit social qui avait opposé les pilotes d’Air France à leur direction en 2014, ou encore lors des grèves à la SNCF ou dans l’Education nationale lorsqu’elles s’étendent sur la durée.

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