Le veto sénatorial sur la constitutionnalisation de l’IVG<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président du Sénat a annoncé ce mardi qu'il était opposé au projet de loi prévoyant l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.
Le président du Sénat a annoncé ce mardi qu'il était opposé au projet de loi prévoyant l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.
©Ludovic MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

Le président du Sénat a annoncé ce mardi qu'il était opposé au projet de loi prévoyant l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Alors même que les débats ont déjà commencé à l’Assemblée sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, le président du Sénat vient de jeter un coup de froid. Il s’est en effet déclaré opposé à ce texte, estimant que le droit à l’IVG n’est pas menacé en France, et que la Constitution ne doit pas devenir un catalogue de droits sociaux ou sociétaux.

Cette prise de position est clairement un obstacle majeur pour le texte, car en matière de lois constitutionnelles, la procédure législative est très particulière et le Sénat dispose d’un droit de veto.

Pour être adopté, le projet de loi constitutionnel doit d’abord être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Mais aucune commission mixte paritaire n’étant possible, tant que les deux chambres ne trouvent pas de compromis, la navette peut se poursuivre indéfiniment. Il faut ensuite que ce texte commun soit validé, soit par référendum, soit par une majorité de trois cinquièmes du Congrès (organe regroupant l’Assemblée nationale et le Sénat).

Le premier obstacle est donc d’obtenir un texte commun aux deux chambres, à la virgule près. Si les sénateurs décident de modifier le texte des députés, ces derniers ont le choix entre valider la position sénatoriale, proposer un compromis, ou rétablir leur version. Dans le dernier cas, le risque d’un enlisement est très fort, avec comme issue l’abandon du texte.

En 2016, les sénateurs ont ainsi fait échouer la proposition de réforme constitutionnelle de François Hollande, qui souhaitait (entre autres choses) inscrire la déchéance de nationalité dans la constitution. Les débats à l’Assemblée ont été difficiles, la majorité socialiste de l’époque étant plutôt rétive à cette idée. Un compromis est finalement trouvé entre le gouvernement et sa majorité. Le texte arrive chez les sénateurs, qui réalisent alors une manœuvre imparable, en rétablissant le texte initial du gouvernement. François Hollande pouvant difficilement désavouer cette prise de position, puisqu’il se serait désavoué lui-même, a mis fin au processus législatif, en ne réinscrivant pas le texte en deuxième lecture à l’Assemblée.

Cette fois-ci, le gouvernement a été imprudent, dans le timing et la rédaction de son projet de loi. Emmanuel Macron s’est enfermé dans un piège, en annonçant que le Congrès se réunirait au début du mois de mars. Le texte passant à l’Assemblée nationale le 24 janvier, et comme il faut un mois de délai avant que les sénateurs ne l’examinent (donc fin février), ce calendrier implique que les sénateurs ne touchent pas au texte des députés, qui eux-même n’ont pas touché au texte du gouvernement. Une supposition qui n’a pas été franchement appréciée au Palais du Luxembourg, les sénateurs détestant par-dessus tout qu’on leur mette ainsi le couteau sous la gorge.

Sur la rédaction, le gouvernement a fait un choix risqué. Une proposition de loi sur le sujet a été discutée et votée en 2023, mais le gouvernement a repris, dans son projet de loi, une formulation un peu différente de celle issue des premiers débats parlementaires, censée être une synthèse. Une initiative qui relève de la maladresse, ce travail de synthèse et de compromis étant au coeur du travail des parlementaires. Il risque donc d’y avoir des grincements de dents, au Palais du Luxembourg, sur le fond comme sur la méthode.

Il est donc possible que les sénateurs, qui montrent des réticences sur le fond, changent le texte des députés. Ils pourraient, par exemple, reprendre leur formulation inscrite dans la proposition de loi. Ce serait un désaveu pour le gouvernement, et l’obligerait à procéder à une nouvelle lecture, décalant le calendrier, et surtout réouvrant un dialogue entre les deux assemblées, sans garantie qu’il aboutisse à un compromis.

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