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L'Assemblée nationale a adopté dans l'urgence ce jeudi la prolongation jusqu'à fin 2024 d'une dérogation qui permet d'utiliser les tickets-restaurants pour acheter tous les produits alimentaires.
L'Assemblée nationale a adopté dans l'urgence ce jeudi la prolongation jusqu'à fin 2024 d'une dérogation qui permet d'utiliser les tickets-restaurants pour acheter tous les produits alimentaires.
©Alain JOCARD / AFP

Chroniques parlementaires

L'Assemblée nationale a adopté dans l'urgence ce jeudi la prolongation jusqu'à fin 2024 d'une dérogation qui permet d'utiliser les tickets-restaurants pour acheter tous les produits alimentaires.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le bug des mesures provisoires de la loi Pouvoir d’achat a encore frappé. Après la fin du plafonnement de l’augmentation des loyers, évitée d’extrême justesse en juin, voilà que l’histoire se répète avec l’utilisation des tickets restaurant. La loi de 2022 a prévu qu’il était possible, jusqu’au 31 décembre 2023, de les utiliser pour l’ensemble de ses courses alimentaires en supermarché. Une mesure populaire, dont la fin annoncée a suscité une émotion médiatique.

En politique, une émotion médiatique appelle une réponse politique, qui se traduit très souvent en proposition de loi. Ce sont les sénateurs qui ont dégainé les premiers, en déposant une proposition de loi dès le 15 novembre, et en la faisant inscrire à l’ordre du jour, chez eux.

Cette initiative audacieuse a gêné le gouvernement et la majorité sur le fond, comme sur la forme. En effet, le texte ne se contente pas de repousser d’un an le dispositif, tel qu’il existe, mais le réécrit, ouvrant ainsi, dans l’urgence, un débat de fond, alors que l’idée était juste de mettre un sparadrap et de renvoyer le débat à plus tard. Le calendrier n'était pas optimal pour la majorité, car les sénateurs sont en plein dans l’examen du budget, qui prime sur tout autre texte. Le premier créneau disponible est le 12 décembre, et il faut ensuite passer à l’Assemblée, pour trouver un texte commun, promulgué avant le 31 décembre. Autant dire que la montre jouerait contre les députés, qui auraient pu courir le risque de devoir revenir la semaine avant Noël, pour que la loi soit promulguée pour le nouvel an.

Le droit parlementaire étant souple et adaptable, les députés ont repris l’initiative, avec l’aide (voire l’incitation) du gouvernement. Le président de la commission des Affaires économiques, Guillaume Kasbarian, a déposé une proposition de loi qui se contente d’une prolongation sèche : pas question de toucher au dispositif, on se contente de remplacer la date “2023” par “2024” dans le texte initial.

Déposée le vendredi 17 novembre, la proposition est examinée en commission le mardi 21 novembre à 17h, et en séance publique le jeudi 23. Tout a été verrouillé, car il n’y a qu’un seul article, changeant juste un chiffre, ce qui laisse peu de marge pour les amendements. A part mettre une autre date, quasiment tout est cavalier, donc irrecevable.

Une fois le texte adopté à l’Assemblée, il est transmis aux sénateurs, qui ont le choix, soit de faire dérailler le texte, comme ils l’ont fait en juin, soit d’avaliser le texte des députés. Cette deuxième option ne serait évidemment pas gratuite. La ministre Olivia Grégoire a déjà commencé à donner des gages, en insistant, à l’Assemblée, sur le fait qu’elle avait déjà annoncé, avant même cet emballement médiatique, qu’il y aurait une réforme des titres restaurant au premier semestre 2024. Ce qui était une simple annonce, pouvant glisser sous la pile, du fait d’autres priorités gouvernementales, devient un engagement ferme de mener à bien le débat de fond, indispensable pour éviter un nouveau psychodrame parlementaire.

Ce débat de fond pourrait même peut-être commencer dès décembre. Les 13 et 14 décembre étant des journées réservées aux propositions de lois, rien n’interdirait aux sénateurs de maintenir l’examen (et le vote) de leur proposition de loi, tout en votant par ailleurs la PPL Kasbarian. Profitant de l’exposition médiatique du sujet, ils auraient ainsi l’occasion de fixer préempter le débat de fond et d’envoyer des messages publics, à la ministre et aux différents lobbies qui s’agitent autour de ce texte, avant même que le gouvernement n’ait commencé à écrire son projet de loi.

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