Le conseil constitutionnel, dernière station du chemin de croix de la loi Immigration<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel
©BERTRAND GUAY / AFP

Chroniques parlementaires

Le 19 décembre, sénateurs et députés ont adopté le texte élaboré par la commission mixte paritaire, quelques heures plus tôt sur le projet de loi immigration. L’accord politique a donc eu lieu, dans la douleur, mettant fin au processus purement parlementaire. Il reste toutefois une dernière étape, qui pourrait réserver bien des surprises

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le conseil constitutionnel va en effet être saisi du texte, par les oppositions évidemment, mais plus surprenant, et inédit, par Emmanuel Macron lui-même. Bien que faisant partie des autorités habilitées à procéder à cette saisine, le président de la République laisse faire généralement son Premier ministre. Cette initiative rajoute une dimension symbolique, et donc de la pression politique pour les Sages, dont la décision sera très scrutée.

Le conseil a un mois pour se prononcer, et n’est pas tenu par les questions soulevées dans les saisines. Il peut très bien se saisir (et censurer) un article sur lequel on ne lui a rien demandé. Il peut aussi choisir de ne pas répondre à certains arguments et d’appuyer sa décision sur des bases qui ne lui avaient pas été suggérées. Sa décision finale s'impose sans appel, et une disposition censurée ne peut pas être promulguée.

En revanche, l’enjeu technique et juridique est énorme, car la procédure d’adoption du texte a été plus que chaotique. Même si la procédure en elle-même, ne devrait pas entraîner de censure, elle n’a pas permis d'aboutir à un texte suffisamment travaillé sur le plan juridique. Gérald Darmanin a d’ailleurs complètement assumé, à la tribune du Sénat, avoir privilégié l’accord politique sur la solidité juridique, et reconnaît explicitement que certaines dispositions sont inconstitutionnelles. 

Force est de constater que l’écriture juridique de la version finale est plus que médiocre, ce qui est réellement problématique, pour un texte portant sur des matières aussi sensibles que le droit de la Nationalité et les Libertés publiques. Il se pourrait bien que le texte sorte en charpie de la rue Montpensier, soit pour des atteintes aux principes constitutionnels, soit tout simplement, parce qu’étant incompréhensibles, certaines dispositions sont inapplicables. Un observateur attentif, Pierre Januel, signale, un exemple parmi d’autres, le cas de l’article 1erA, sur les quotas migratoires. La rédaction de l’article ne permet pas de savoir si l’objectif fixé est contraignant ou pas. 

Par ailleurs, plusieurs dispositions sensibles, sur le droit du sol, sont considérées comme des cavaliers législatifs (dispositions sans lien avec le texte) et devraient être censurées pour ce motif. Cela permettra aux Sages d’écarter une disposition pour un motif de forme, sans avoir à entrer dans un débat de fond. Il n'est pas exclu que dans certains cas, le conseil soit obligé d’entrer dans les détails, ce qui ouvre la voie à des interprétations nouvelles, voire à des précédents faisant date.

Pour le gouvernement aussi, cet examen préalable à la promulgation représente un enjeu important. Si des dispositions sont inconstitutionnelles, autant le savoir tout de suite, pour éviter de les voir censurées dans quelques mois, par le biais de la procédure de la question préalable de constitutionnalité (QPC).

Quoi qu’il en soit, la décision, qui devrait être rendue autour du 20 janvier, sera très intéressante à lire, juridiquement, mais aussi politiquement.

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