LA NUPES, le cheval de Troie d’une gauche dopée à l’activisme et à la radicalité<!-- --> | Atlantico.fr
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Des députés de la NUPES le 17 février 2023.
Des députés de la NUPES le 17 février 2023.
©LUDOVIC MARIN AFP

Observatoire des radicalités et du wokisme

Entre LFI et ses « camarades » socialistes, communistes et écologistes, les différences ne sont pas seulement la conséquence d’une divergence de tactique, elles sont avant tout le signe d’une culture, d’une histoire et même d’une nature différentes.

Olivier Vial

Olivier Vial

Olivier Vial est Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités.

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« Je suis le bruit, la fureur, le tumulte et le fracas », se vantait Jean-Luc Mélenchon en 2010. Nous sommes « le brouhaha et l’invective », pourraient lui répondre, comme un écho, les députés LFI en 2023. Entre harangues, outrances et dérapages plus ou moins contrôlés, tout semblait bon pour hystériser la discussion sur la réforme des retraites et l’empêcher d’avancer (1). La France Insoumise a imposé cette obstruction à ses alliés de la NUPES qui n’en voulaient pas. Entre LFI et ses « camarades » socialistes, communistes et écologistes, les différences ne sont pas seulement la conséquence d’une divergence de tactique, elles sont avant tout le signe d’une culture, d’une histoire et même d’une nature différentes. 

L’hybridation entre activisme et politique

Certains commentateurs ont tenté d’expliquer la véhémence des parlementaires LFI par leur jeunesse et leur manque de maîtrise des codes des « assemblées élues ». Il est vrai que moins d’un quart d’entre eux avaient l’expérience d’un mandat électif avant de siéger au Palais Bourbon. Mais, cela n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat de la volonté de renouveler l’ADN de la gauche en s’appuyant sur les nouvelles formes de contestation et d’activisme qui se sont développées depuis vingt ans. La moitié des membres du groupe LFI viennent ainsi, soit de l’univers syndical (CGT, SUD pour les plus âgés), soit de mouvements comme l’UNEF, ATTAC, le DAL, les Amis de la terre, ou de collectifs LGBTQI+… C’est la revanche fracassante de la gauche dite « mouvementiste » pour qui la légitimité politique et le centre du combat ne sont pas au sein des institutions, mais dans la rue, le quotidien et les esprits. 

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Aurélie Trouvé, ancienne porte-parole d’Attac, aujourd’hui députée LFI, avait théorisé, dès 2021, la nécessité de faire émerger cette nouvelle gauche en l’hybridant aux mouvements activistes, au « bouillonnement [qui] provient de la rue, des ronds-points, des places, des zones à défendre » (2). Dans son livre Le bloc arc-en-ciel, pour une stratégie politique radicale et inclusive, elle décline les thèmes qui pourraient servir de catalyseur à ce rassemblement : les violences policières, la remise en cause du capitalisme au nom d’impératifs écologiques, la dénonciation d’un racisme structurel et du patriarcat. « La stratégie du bloc-arc-en-ciel consiste d’abord en un soutien indéfectible entre causes amies et une détermination sans faille face au camp du capital et du fascisme (3). C’est l’idée que nous devons faire « bloc » afin de renverser ceux qui sont au pouvoir. […] L’enjeu est d’irriguer le champ politique de l’énergie de ces mouvements […] de donner forme à un bloc social rouge-vert-jaune-multicolore, arc-en-ciel. Le rouge issu des traditions communistes et syndicales, le vert des mouvements écologistes, le jaune des insurrections populaires, le multicolore des luttes pour l’égalité réelle, antipatriarcales et antiracistes », écrit-elle. 

Jean-Luc Mélenchon souscrit immédiatement à sa thèse. Il lui confiera, juste avant la présidentielle, le soin de créer et de présider le parlement de l’Union populaire, terreau sur lequel va naître cette nouvelle coalition. Parmi les membres de cette instance émergèrent nombre de ceux qui depuis hantent les couloirs de l’Assemblée, comme l’antispéciste médiatique Aymeric Caron, l’ancien président de la FCPE et défenseur du port du voile islamique pour les accompagnatrices scolaires, Rodrigo Arenas, la porte-parole des femmes de chambre mobilisées de l’Ibis Batignolles, Rachel Kéké, ou encore l’activiste climat et responsable des Amis de la terre, Alma Dufour. 

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La bataille pour l’hégémonie culturelle

La première pierre était posée avec cette nouvelle génération d’élus. La suivante le fut le 5 février dernier avec le lancement officiel de l’Institut La Boetie. Cet organisme, co-présidé par Jean-Luc Mélenchon et la députée Clémence Guetté, a vocation à livrer la bataille pour la conquête des esprits. Pour cela, il se veut à la fois centre de recherche, école d’éducation populaire et un pont entre artistes et politiques (L’Académie Insoumise remettra des prix aux œuvres qui participent à ce combat pour « une gauche de transformation »). « Il s’agit de construire une hégémonie culturelle, comme le concevait Gramsci », précisait déjà Aurélie Trouvé dans son livre, propos qu’elle a répété pour l’inauguration de l’Institut. « Une gauche et une écologie au pouvoir ne pourront appliquer de façon démocratique un programme radical que si la société, en majorité, y adhère. Ce qui signifie qu’il faut d’abord transformer les représentations de chacun, imposer d’autres idées que celles qui dominent aujourd’hui » (4). Pour mener à bien cette mission, les Insoumis peuvent s’appuyer sur un aréopage d’universitaires. On trouve parmi ceux-ci l’économiste Jacques Généreux, le spécialiste de Marx, Michael Löwy, la très controversée sociologue aux accents « complotistes », Monique Pinçon-Charlot, la figure de proue des colonial studies en France, Françoise Vergès… Signe de la tournure ultra que porte cette gauche dopée à la radicalité des activistes et des universitaires de déconstruction, c’est Andréas Malm qui a été choisi pour la première chaire de géographie proposée par l’Institut de La Boétie. Cet universitaire suédois, devenu le hérault de l’ultragauche, milite pour réhabiliter la violence politique, prône le recours à l’action directe et au sabotage et aspire à « expérimenter un léninisme écologique ». Tout un programme ! 

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Le débat sur la réforme des retraites aura fait apparaître au grand jour les dissensions existantes entre Jean-Luc Mélenchon et ses alliés. La NUPES n’y survivra peut-être pas, au moins dans sa forme actuelle, mais son objectif est d’ores et déjà atteint. Elle a servi de cheval de Troie en faisant entrer cette gauche mouvementiste et radicale sur la scène politique française. A-t-elle encore vraiment besoin de l’« ancienne gauche » pour poursuivre son chemin et imposer son agenda et ses méthodes ? Rien n’est moins sûr !

(1) L’image de parlementaires chahutant et vociférant a déplu jusque dans les rangs des syndicats pourtant eux aussi engagés contre ce projet. Philippe Martinez, le leader de la CGT, affirmant même que « Jean-Luc Mélenchon n’était pas un allié du mouvement », car sa stratégie « ne facilitait pas la clarté des débats ».

(2) Aurélie Trouvé [2021], Le bloc arc-en-ciel, La découverte.

(3) L’amalgame entre capitalisme et fascisme va être décliné par d’autres penseurs de la gauche radicale. Le collectif Zetkin, par exemple, qui rassemble depuis 2018, des universitaires et des militants essaient d’imposer l’idée qu’il existerait un lien consubstantiel entre le fascisme et les énergies fossiles.

(4) Aurélie Trouvé [2021], Le bloc arc-en-ciel, La découverte.

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