L’Iran ne serait plus qu’à deux doigts de produire une bombe atomique <!-- --> | Atlantico.fr
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Le guide suprême Ali Khamenei.
Le guide suprême Ali Khamenei.
©HO / Iranian Supreme Leader's Website / AFP

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Dans le climat très inflammable du Proche-Orient, les Occidentaux s’inquiètent de plus en plus de la capacité de Téhéran d’obtenir l’arme nucléaire.

Emmanuel Razavi

D’origine iranienne, Emmanuel Razavi est grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient. Il collabore avec Paris Match, Franc-Tireur, Politique Internationale, Valeurs Actuelles. Il a réalisé plusieurs documentaires sur le Moyen-Orient diffusés sur Arte, la chaine Planète et M6, qui ont eu un large retentissement. Auteur de plusieurs ouvrages, son dernier livre, « La face cachée des Mollahs » (Cerf, 2024), révèle le visage mafieux et terroriste de la République islamique d’Iran. Il est diplômé en sciences politiques.

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Atlantico : Quel est l’état à ce jour du programme nucléaire Iranien ?

Emmanuel Razavi : D’après les experts avec lesquels j’ai parlé durant la rédaction de mon livre « La face cachée des Mollahs », le régime iranien est déjà très avancé en ce qui concerne l’enrichissement de l’uranium. Un dignitaire du régime, proche conseiller de Khamenei, a très clairement indiqué que l’Iran avait la capacité de produire une bombe nucléaire. Certains spécialistes parlent de 10 mois, d’autres de 18 mois à deux ans avant que la République islamique soit dotée de l’arme nucléaire. L'Iran a augmenté son stock d'uranium enrichi de façon importante, et booste son programme. En clair, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), les stocks de la République islamique s'élèveraient à plus de 30 fois la limite autorisée par l'accord de 2015. La façon dont le régime iranien procède tient cependant du mystère. L’Iran vit en effet une crise économique sans précédent, et manque d’argent et de liquidités. Un Iranien sur deux vit par ailleurs sous le seuil de pauvreté. Certaines sources iraniennes me disent que cet état de crise économique et social devrait dès lors impacter ses investissements dans le programme nucléaire. Mais dans les faits, ce que l’on constate, c’est que l’Iran semble inarrêtable.

Qu’est-ce que changerait, d’un point de vue des relations internationales, l’obtention par les Iraniens de la bombe nucléaire ? 

L’Iran est un régime islamiste totalitaire, qui pratique depuis 1979, la diplomatie de la terreur, via sa milice paramilitaire, le Corps des gardiens de la révolution islamique. Vous pouvez être certain qu’avec la bombe atomique, sa capacité de nuisance au Moyen-Orient et même vis-à vis de l’Occident, sera encore plus importante qu’aujourd’hui. Le Guide suprême actuel, Ali Khamenei, croit comme son prédécesseur l’ayatollah Khomeini, au concept de jihad mondial. Il considère aussi qu’Israël est un pays qu’il faut rayer de la carte. Personnellement, pour avoir beaucoup enquêté sur le régime iranien pour mon livre et pour Paris Match, je pense que l’occident ne mesure pas assez le niveau d’idéologie des dirigeants iraniens. On les décrit souvent comme des pragmatiques. Or, ils sont guidés par une vision mystique de la religion et de la politique, qui prône le martyr et le sacrifice. Ce qu’ils veulent, c’est se positionner comme les leaders de l’islam dans le monde, coûte que coûte, et détruire tous ceux qui s’opposent à eux, par tous moyens. Je vous encourage à lire les textes de Khomeini publiés dans les années 70, qui sont la matrice politico-religieuse de la République islamique, ou à écouter les discours des dignitaires iraniens, et vous conviendrez alors que le fait que l’Iran soit doté de l’arme atomique représente un danger réel.

Qu’est-ce que la situation actuelle dit de la gestion par les occidentaux du dossier nucléaire iranien ?

Le 14 juillet 2015, un accord a été conclu à Vienne entre l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne. Il offrait à l’Iran un allègement des sanctions internationales en échange d’une limitation de son programme nucléaire. L’un des points clés de cet accord portait sur le statut des gardiens de la Révolution, que les États‐Unis considèrent à raison comme une organisation terroriste. En 2018, les États‐Unis se sont retirés unilatéralement de l’accord. La République Islamique d’Iran ne faisait que mentir sur les réalités de son programme nucléaire, et ne respectait pas ses engagements. En 2020, le département d’État a donc inscrit officiellement le Corps des gardiens de la Révolution sur sa liste des « organisations terroristes étrangères ».  Les diplomaties européennes ont quant à elles continué d’espérer que l’Iran finirait par jouer le jeu. Elles se sont trompées. L’histoire a en effet montré depuis 45 ans qu’on ne peut pas faire confiance aux Mollahs, y compris sur le dossier du nucléaire. 

Quelles sont les principales différences dans la gestion de ce dossier par les administrations Trump et Biden ? 

Après la décision de Donald Trump de se retirer du JCPOA, la République islamique d’Iran a considéré qu’elle n’avait plus besoin de la permission de qui que ce soit pour augmenter la quantité d’uranium enrichi. Elle a investi massivement dans son programme nucléaire et dans les centrifugeuses, et compte tenu du très bon niveau de ses ingénieurs, elle n’est pas loin de parvenir à obtenir la bombe nucléaire. On voit bien toute la peine qu’a aujourd’hui l’administration Biden à revenir sur les accords de 2015 et à relancer les négociations avec les Iraniens. Quand le président américain Joe Biden a été élu, il avait pourtant fait de ce dossier l'une de ses priorités. Mais il n’a pas su s’imposer face aux Iraniens. À sa décharge, il a été très limité sur le plan intérieur par les élus Républicains, qui n’ont eu de cesse de s’opposer à lui. Je rappelle qu’avant de quitter le pouvoir, Trump avait même envisagé de frapper l’Iran et ses installations nucléaires pour empêcher Biden de relancer les négociations. Le constat inquiétant de mon point de vue, c’est que Biden tente à nouveau de temporiser avec l’Iran, alors même que le régime des Mollahs se durcit.

Quelles conséquences ce programme peut avoir pour le Proche-Orient et plus particulièrement pour Israël ?  

Israël est en risque de se voir à nouveau frapper par l’Iran. Je rappelle que les ayatollahs au pouvoir à Téhéran veulent rayer l’État hébreu de la carte. Une fois que l’Iran aura la bombe, plus personne ne pourra l’arrêter car encore une fois, le pays est dirigé par des idéologues mystiques et totalitaires. La République islamique usera également de sa position de puissance nucléaire au Moyen-Orient pour imposer son agenda aux autres pays du Golfe. L’Iran représente déjà un danger pour l’équilibre du monde. Alors imaginez ces islamistes détenteurs de la bombe atomique.

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