L’Autriche prépare l'un des plans climatiques les plus ambitieux d’Europe (à moins de 3 euros par jour)<!-- --> | Atlantico.fr
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©Jerry Lampen / ANP / AFP

Atlantico Green

L'Autriche prépare l'un des plans climatiques les plus ambitieux d’Europe qui ne coute que 3 dollars par jour : le pays se dirige vers 100% de renouvelable grâce à l’hydroélectrique et souhaite décarbonner les transports et l’habitat. La France a-t-elle les moyens de suivre l'Autriche ?

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico.fr : Le plan pour la transition écologique autrichien est-il réellement le plus ambitieux d'Europe ? Est-il fiable ?

Philippe Charlez : Pays aux milles alpages, l’Autriche est gouvernée depuis le début de l’année par l’apparent mariage de la « carpe et du lapin » entre le parti populaire droitier et libéral de Sebastian Kurz et les Verts, l’extrême droite nationaliste et les socialistes étant rejetés dans l’opposition. Difficile d’imaginer en France une telle configuration où EELV serait associé aux Républicains. La répartition des portefeuilles ministériels est sans ambiguïté : l’économie (finances, industrie, agriculture) et la sécurité (défense, intérieur) au Parti Populaire, les compétences sociétales (justice, santé et environnement) aux Verts. 

L’ancienne militante écologiste Leonore Gewessler a notamment hérité d’un super ministère regroupant le Climat, l'Environnement, l'Énergie, les Transports, l'Innovation et la Technologie. Et à ce titre, Mme Gewessler veut faire de l’Autriche le meilleur élève européen en termes de lutte contre le réchauffement climatique : elle vise la neutralité carbone dès 2040 alors que la plan Van der leyen souhaite l’atteindre dix ans plus tard.

Pourquoi son coût est-il si peu élevé ?

L’Autriche a de multiples atouts pour satisfaire cet objectif très ambitieux. Ses indicateurs énergétiques (intensité énergétique égale à 1 kWh/€, 45 MW par habitant de consommation annuelle) et environnementaux (6.8 tCO2/hab) sont déjà parmi les meilleurs d’Europe, l’Autriche bénéficie d’un PIB/habitant (50 k$/habitant) 20% supérieur à celui de la France et est nettement moins endettée (74% du PIB avant la pandémie). 

Mais surtout, l’Autriche grâce à sa production massive d’hydroélectricité (60% de sa production d’électricité) possède dès à présent une génération électrique  décarbonée à 80%. Elle peut donc espérer grâce à un complément d’éolien et de solaire photovoltaïque (de l’ordre de 30%) décarbonner rapidement l’ensemble de sa génération électrique. Sur ce point la communication est d’ailleurs souvent frauduleuse. En écrivant que l’Autriche « produit entre 70 et 80% de son électricité depuis des sources renouvelables et veut passer à 100% dès 2030 en équipant entre autres, un million de logements supplémentaires en panneaux solaires» l’opinion publique entend 100% de solaire et d’éolien alors qu’en réalité il s’agit d’un mix électrique reposant essentiellement sur l’hydroélectricité. Cette remarque s’applique aussi pour la Suède souvent présentée comme un pays où 80% de l’électricité est renouvelable. Renouvelable oui mais hydroélectricité pilotable et non éoliennes ou panneaux solaires intermittents.

Dans un pays où l’électricité est quasi décarbonée, mais où la densité de population est relativement faible (110 habitants au km2) le pétrole représente près de 40% de la consommation d’énergie primaire. Aussi, le plan Gewessler est-il fort justement focalisé sur les transports. L’une des mesures phares de la nouvelle ministre de 42 ans est de limiter l’utilisation des voitures en donnant à la population un accès national aux transports en commun (bus, métros mais aussi trains) pour un forfait annuel coûtant au citoyen autrichien 3 euros par jour. 

L’habitat n’est pas en reste. Dès 2012, une nouvelle loi encouragera les autrichiens à adopter des sources de chaleur non émettrices. Ainsi, pour remplacer d’ici 2035 le fuel de chauffage par des technologies vertes (Pompes à Chaleur ou chaudières à biomasse),  les propriétaires se verront offrir un bonus de 5 000 euros.

Des mesures certes coûteuse mais pragmatiques et efficaces et ce notamment lorsqu’une taxe carbone européenne aura été instaurée.

Pouvons nous ambitionner un plan climatique équivalent en France ?

Sans renoncer ni à sa rigueur budgétaire ni à sa croissance économique, l’Autriche (qui a été l’un des premiers pays européens à entrer mais aussi sortir du confinement - bilan remarquable avec seulement 50 morts/millions d’habitants contre 460 en France) apparaît face à l’urgence climatique comme un acteur performant. Son gouvernement montre qu’il est possible de marier l’économie et l’écologie dans un projet pragmatique faisant fi de toute dérive idéologique. Sa situation actuelle favorable à la fois sur le plan économique et énergétique devrait lui permettre d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2040. Par rapport à à ses confrères européen, l’Autriche dispose d’atouts essentiels : une faible population, des indicateurs énergétiques et environnementaux favorables, un mix électrique décarbonné reposant sur l’hydroélectricité, une richesse par habitant confortable et une dette raisonnable.

Ce modèle vertueux peut-il pour autant s’extrapoler à d’autres pays européens et notamment la France ? Si cette dernière coche un certain nombre de cases (indicateurs favorables, mix électrique décarbonné reposant sur le nucléaire), la France possède par rapport à l’Autriche deux épines dans le pied. D’une part sa dette pharaonique qui devrait atteindre près de 120% du PIB fin 2020 et d’autre part l’approche très idéologique des verts et de leurs alliés de gauche dont l’approche « lutte des classes » est aux antipodes de celle des verts autrichiens acquis à l’économie de marché et aux bienfaits du libéralisme économique. Les coalitions aux municipales entre les verts, les socialistes et les insoumis laisse peu de chances de voir la France converger vers le pragmatisme vert autrichien.

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