Énergies renouvelables... et faux espoirs : les leçons du jour où les éoliennes danoises ont produit 140% de la consommation électrique du pays<!-- --> | Atlantico.fr
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Si on considère la moyenne annuelle, l’éolien représente environ 1/3 de la production danoise d’électricité, soit 6% du mix énergétique.
Si on considère la moyenne annuelle, l’éolien représente environ 1/3 de la production danoise d’électricité, soit 6% du mix énergétique.
©Flickr / Cacahouette

Dans le vent

La montée en puissance de l’éolien depuis le début des années 2000 a permis une réduction notable de la consommation d’hydrocarbures. Mais cela a un coût : en 2011, l’électricité danoise était la plus chère du monde.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Récemment et selon un communiqué officiel, les éoliennes implantées au Danemark auraient couvert 140% des besoins électriques du pays. En termes de production, le Danemark se range dans les premiers pays d'Europe à compter sur l'éolien avec le Royaume-Uni et l'Allemagne. Dans quelle mesure ce résultat est-il le fait de conditions météorologiques particulièrement propices ?

Stephan Silvestre : Il faut se méfier de ce chiffre en trompe-l’œil. Ce taux, qui est une mesure ponctuelle observée le 10 juillet en début de matinée, est dû à des conditions météorologiques particulièrement venteuses, comme cela est déjà arrivé en mer du Nord. Au dénominateur de ce ratio, la consommation était proche de son minimum annuel, très loin de son maximum hivernal. Si on considère la moyenne annuelle, l’éolien représente environ 1/3 de la production danoise d’électricité, soit 6% du mix énergétique, les hydrocarbures représentant encore 75% de la consommation totale d’énergie. Car le problème avec cette ressource hautement intermittente, c’est qu’elle nécessite des centrales thermiques complémentaires pour pallier les trous de production en l’absence de vent.

Le Danemark s'est imposé comme un pionnier de la production d'énergie via les éoliennes, sur terre ou off-shore. Quels enseignements peut-on tirer de son expérience dans l'éolien ?  

La montée en puissance de l’éolien depuis le début des années 2000 a permis une réduction notable de la consommation d’hydrocarbures, passée de 90% à 63% de la production d’électricité depuis 1998. Grâce à cela, mais aussi à la baisse de sa consommation, le Danemark a pu réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 75 à 50 Mt équivalent CO2 entre 1998 et 2012 (à rapporter aux 35 000 Mt au niveau mondial pour le seul CO2). Mais cela a un coût : selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’électricité danoise était la plus chère du monde en 2011, à 0,41$ le kWh, devant l’allemande (0,35$) et l’espagnole (0,30$), toutes deux très vertes aussi. Dans ce classement, la France conservait un coût compétitif (0,19$), quoiqu’encore très supérieur à celui des États-Unis (0,12$) ou du Canada (0,10$), où l’électricité est quatre fois moins chère qu’au Danemark.

Il faut aussi évoquer les conséquences sur les marchés de gros de l’électricité. De par une directive européenne, l’électricité verte est prioritaire à l’achat sur les marchés. Or, en période de surplus de production, comme cela vient d’être le cas au Danemark, cette électricité est déversée à coût pratiquement nul, tuant toutes les autres sources, à commencer par les centrales à gaz. C’est ce qui a entraîné la formation, très temporaire, de prix négatifs sur les marchés spot ces dernières années, à chaque fois pendant des périodes de faible demande.

Par ailleurs, où en est la recherche dans la conservation et le stockage de l'électricité, principal frein à l'éolien ?  

Ces différents problèmes seraient en grande partie résolus si l’électricité était stockable. Tout d’abord, par définition, l’électricité n’est pas stockable puis qu’il s’agit d’un mouvement d’électrons. Il existe deux solutions pour pallier ce problème : soit on stocke les électrons dans des matériaux susceptibles de les libérer sur demande, c’est le principe des batteries, soit on stocke l’énergie sous une autre forme pour la convertir en électricité en cas de besoin.

Du côté des batteries, il y a eu de gros progrès, comme en témoignent nos appareils électroniques portatifs du quotidien. D’ailleurs, le charismatique patron de Tesla, Elon Musk, souhaite généraliser l’usage des batteries lithium-ion dans les foyers. Mais il reste difficile et onéreux de concevoir des batteries à l’échelle de la consommation d’un pays, c’est-à-dire de centaines de MW, voire de GW. À ce niveau on passe plutôt par la conversion en une autre énergie. Les centrales solaires espagnoles ont démontré l’efficacité du stockage de la chaleur via des sels fondus, capables de restituer leur énergie à l’échelle de plusieurs heures, ce qui convient bien à ces centrales (restitution la nuit de l’électricité produite dans la journée). Une autre solution tient dans la conversion d’électricité en énergie hydraulique (énergie potentielle, en réalité) dans des stations dites STEP, qui sont des barrages réversibles.

Mais le nombre de sites géographiques compatibles est assez réduit et on ne pourrait espérer stocker que 5 à 10% de la consommation française. Une autre voie est plus prometteuse, celle des piles à hydrogène. Le processus réversible d’électrolyse de l’eau permet de convertir l’électricité en hydrogène et réciproquement de façon très écologique. Outre le secteur de l’automobile électrique, ce procédé pourrait être généralisé à des usages industriels, voire domestiques. 

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