CRISPR : l’édition du génome pourrait aussi être un atout contre le dérèglement climatique<!-- --> | Atlantico.fr
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Un scientifique étudie des plantes génétiquement modifiées dans un laboratoire de l'entreprise de biotechnologie agricole Bioceres à Rosario, en Argentine, le 15 octobre 2020.
Un scientifique étudie des plantes génétiquement modifiées dans un laboratoire de l'entreprise de biotechnologie agricole Bioceres à Rosario, en Argentine, le 15 octobre 2020.
©Marcelo MANERA / AFP

Technologie révolutionnaire ?

Résistance aux maladies et au stress hydrique, agriculture plus durable ... Mise au point par la française Emmanuelle Charpentier et l'américaine Jennifer Dounda en 2012, la technologie CRISPR promet des avancées dans de nombreux domaines, dont la lutte contre l'insécurité alimentaire.

Atlantico: L’initiative « Agriculture Innovation Mission for Climate » a été officiellement lancée le 2 novembre lors de la COP 26. Son but est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, générées à hauteur de 30% par l’agriculture.
La technologie CRISPR promet de nombreuses avancées dans la lutte contre le réchauffement climatique. Quelle est cette méthode et comment est-elle appliquée aux plantes et aux cultures ?

Catherine Regnault-Roger: La technologie CRISPR est une rupture technologique majeure par rapport aux technologies de modification du génome qui l’ont précédée ; mise au point puis publiée par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna dans la revue internationale Science en 2012. Elles ont reçu pour cette découverte, dans un laps de temps record (huit ans seulement)  le prix Nobel de Chimie en 2020 !  C’est dire l’importance de cette innovation.

Cette technique CRISPR associe un ARN guide à une protéine (au départ la Cas9) qui clive l’ADN à un endroit choisi très précis par une coupure double brin. 

Actuellement de nombreux projets de recherche et développement sont en cours. Le Centre Commun de recherche (JCR Joint Research Center) de la Commission européenne  en a dénombré plus de 400 au printemps 2021, environ 300 qui démarrent et plus d’une centaine à un stade plus avancé dont on attend la finalisation autour de 2030.

En quoi cette méthode est-elle différente des techniques de modifications génétiques déjà existantes ? Est-il possible de l’employer à grande échelle ?

Ce n’est pas pour rien qu’on a surnommé la technique CRISPR « les ciseaux moléculaires » ! 

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CRISPR : faut-il croire aux promesses des scientifiques du MIT et de Harvard lorsqu’ils promettent de soigner des milliers de maladies en modifiant le génotype humain ?

Les techniques plus anciennes comme la mutagenèse aléatoire ou la transgénèse sont des procédés  plus lourds pour obtenir des modifications génomiques (bombardement de particules avec un canon, ou utilisation d’un organisme intermédiaire,  utilisation des rayonnements ou de substances chimiques mutagènes ) et ils sont grossiers quant aux résultats obtenus, ce qui nécessite de faire de longues phases de tri pour trouver les cellules transformées avec la transformation qu’on recherche 

La technique CRISPR a des applications très larges : elle s’applique à tout organisme qui possède un ADN ! Donc aux hommes, aux animaux, aux  plantes. Elle est déjà omniprésente dans toutes recherches de modifications génomiques puisque plus de 75% de travaux de recherche l’utilisent de préférence à d’autres techniques

Comment pourrait-elle être mise en œuvre pour lutter contre le réchauffement climatique ?

C’est en effet une préoccupation en ce moment mondiale !Des travaux sont déjà en courspour donner aux plantes une plus grande résistance au stress hydrique :  du Japon où  l’ONRA (l’Organisation nationale de recherche agronomique et alimentaire) dont  le centre de recherche situé à Tsukuba,  mène  des travaux du blé résistant aux excès d’eau (pluie abondante), en passant par l’Université du Minnesota (USA) qui a créé un soja tolérant à la sécheresse, à l’Egypte où  le laboratoire de la  Pr Naglaa Abdallah  de l’Université du Caire travaille à obtenir  des variétés de blé plus résistantes à la sécheresse.

Cette technologie est-elle bien acceptée par l’opinion publique ? 

Les exemples que je viens de mentionner démontrent que la recherche est mondiale. Dans de nombreux pays du monde, les biotechnologies sont bien acceptées par l’opinion publique mais les médias qui ont appuyé les campagnes anxiogènes d’ONG activistes qui prônent la décroissance ont en Europe créé une psychose au fil des années avec des craintes infondées pour les OGM. Avec CRISPR et les nouvelles techniques génomiques (NGT), on a de merveilleux outils pour avoir une agriculture plus durable, plus respectueuse de l’environnement et pour faire face aux défis de nourrir une population humaine en forte croissance démographique. Il faut dire et répéter que les biotechnologies sont des outils de progrès !

C’est comme l’électricité : qui aujourd’hui pourrait se passer d’électricité pour vivre ? Même s’il existe des chaises électriques pour  exécuter  des condamnés à mort dans certains pays, faut-il priver le monde entier de cette invention ?

Le cadre législatif européen pourrait-il permettre d’appliquer cette technologie actuellement ?

Le cadre législatif européen depuis l’arrêt de la Cour de Justice européenne du 25 juillet 2018, considère qu’on doit appliquer la réglementation OGM aux produits obtenus par CRISPR, ce qui revient en fait à empêcher de facto  son développement dans l’UE car cette réglementation qui date de 2001 est devenue obsolète en raison des avancées de la connaissance scientifique qui ont été réalisées depuis 20 ans.

L’Europe ne devrait-elle pas commencer à financer des recherches pour améliorer cette technologie au nom de la préservation de l’environnement ? 

L’UE finance des recherches dans ses programmes-cadres comme le H2020 (2014-2020) dans lequel 87% des projets utilisent la technique CRISPR, ce qui représente quand même 1,8 milliard d’€.  Mais la question qu’il faut se poser est  celle de la réglementation: permettra –t-elle de valoriser les résultats qui seront obtenus ?

Des scientifiques américains utilisent cette technologie pour créer des plantes céréalières capables de mieux absorber l'azote du sol, ce qui pourrait réduire les émissions et la pollution dues aux engrais. Existe-t-il d’autres utilisations possibles ? 

La technique CRISPR a des très nombreuses applications agronomiques comme celle que vous citez et qui vont révolutionner l’agriculture de demain en terme d’intrants phytosanitaires et d’engrais. Il existe également des applications pour améliorer la santé des plantes cultivées (augmenter la résistance aux maladies ou aux ravageurs) mais aussi modifier la composition des végétaux récoltés comme la tomate biofortifiée en GABA (acide γ-aminobutyrique), un aminoacide neuromodulateur qui a un effet relaxant et réduit la pression artérielle, ou encore des pommes de terre Innate® à moindre teneur en acrylamide qui chauffée (quand on fait des frites par exemple) se transforme en un produit cancérogène !  La tomate japonaise CRISPR est maintenant commercialisée en 2021 sur le marché japonais. Il existe aussi une huile de soja modifié par CRISPR  pour  avoir un profil alimentaire amélioré en acides gras qui a reçu l’autorisation de commercialisation  aux Etats-Unis  en 2019.

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