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Au cœur des plans de Google pour rendre la réalité virtuelle épatante pour tous
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La minute tech

En ayant donné la direction de sa division de réalité virtuelle à Clay Bavor, Google semble se rapprocher de son objectif de démocratisation de ce système. Adepte des innovations excentriques (test de télétransportation en 2013) et surtout petit génie précoce (essai de réalité virtuelle à l'âge de 12 ans), il incarne le futur de Google et avec lui, l'entreprise californienne pourrait encore aller plus loin.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : Avec cette nouvelle configuration ainsi qu'avec sa notoriété et ses moyens financiers, Google semble se placer en tant que leader de la réalité virtuelle. Qu'en est-t-il ?

Jean-Gabriel Ganascia : Les choses sont allées très vite : quelques mois après l’annonce du projet Oculus Rift en 2012, des ingénieurs de l’institut culturel Google de Paris on décidé de développer le Cardboard, un masque en carton avec deux lentilles en plastique sur lequel on peut installer un téléphone portable. Le dispositif a été présenté en juin 2014 au GoogleI/O (la conférence annuelle de Google) de San Francisco afin de motiver les développeurs, puis il a été commercialisé en 2015. C’est une solution extrêmement astucieuse parce que très bon marché. En effet, si vous disposez d’un téléphone sous Androïd, vous pouvez télécharger le logiciel gratuitement. Il ne reste qu’à acheter le Cardboard à 10,99€ sur Amazon, là où l’Oculus Rift est annoncé à 699€, sans compter le PC nécessaire. La stratégie de Google repose sur une démocratisation de la réalité virtuelle qui devient quasiment gratuite, pourvu que l’on dispose d’un smartphone, ce qui est le cas de tout le monde aujourd’hui. En effet, les smartphones contiennent déjà l’essentiel des dispositifs matériels nécessaires, à savoir un écran, qui peut éventuellement divisé en deux, un pour chaque œil, un processeur qui calcule deux vues 3D, l’une pour chaque œil, un accéléromètre et un générateur sonore. Il reste à concevoir de nouveaux logiciels 3D qui tirent parti de la réalité virtuelle. La stratégie de Google vise à susciter la création de ces logiciels. C’est la raison pour laquelle Google a investi dans Tilt Brush, un logiciel de dessin en 3D, et dans Magic Leap, une start-up qui travaille sur la superposition d’objets à des images de synthèse tridimensionnelles.

Avec Clay Bavor à la direction du secteur réalité virtuelle, des analystes estiment que la réalité virtuelle devrait dépasser la télévision d'ici 2026. On entend également parler de l'émergence ces prochaines années de téléphones portables "tout 3D et tout réalité virtuelle" et de possibilité de caméras pouvant capturer la réalité virtuelle. Comment peuvent-elles se matérialiser ? A quelles autres innovations pouvons-nous nous attendre ces prochaines années?

Beaucoup d’applications sont aujourd’hui envisageables et Clay Bavor semble vraiment enthousiaste. Dès aujourd’hui, les premières applications commencent à voir le jour. Il s’agit essentiellement de faire des visites virtuelles en trois dimensions, ce qui peut être utile pour le tourisme ou la publicité. Mais il existe bien d’autres utilisations potentielles de la 3D, en particulier pour le dessin d’animation, le jeu vidéo ou le domaine éducatif. On imagine aisément des applications en mathématiques, pour donner une intuition géométrique, en physique ou en biologie, pour montrer certains objets, ou encore en histoire et en géographie etc. Ceci étant, lorsqu’on dit que la réalité virtuelle devrait dépasser la télévision, cela ne veut pas dire qu’elle aurait les mêmes usages, car la réalité virtuelle se caractérise par son aspect actif et individuelle, tandis que la télévision se regarde plutôt passivement et souvent de façon collective, au sein de la famille. De toutes les façons, on note depuis longtemps un désintérêt des jeunes générations pour la télévision. Pour réaliser cela avec une qualité suffisante sur un téléphone portable, il faut un processeur puissant, plus puissant que ceux qui existent aujourd’hui afin de générer des images de synthèse de qualité, et des capacités mémoires plus grandes, pour avoir des vidéos 3D en stéréo. De même, il faut des accéléromètres très sensibles, afin d’éviter le décalage entre le mouvement et de déplacement des images. Enfin, on a besoin de beaucoup d’outils de conception d’images tridimensionnelles, dont des caméras qui pourraient, par exemple, aider à avoir l’équivalent de StreetView en réalité virtuelle stéréoscopique.

Quelles sont aujourd'hui les limites techniques de la réalité virtuelle? Comment seront-elles comblées dans le futur?

Rappelons d’abord que la réalité virtuelle vise une illusion totale de la réalité, ce dont on rend compte en ayant recours à trois concepts : l’immersion, l’interactivité et la navigation. L’immersion totale sollicite tous nos sens : la vision, l’ouïe, le toucher, la kinesthésie (c’est-à-dire la sensation de mouvement) et, pourquoi pas, l’olfaction. Pour la vision, nous avons aujourd’hui la synthèse d’images stéréoscopiques. Pour le son, nous pourrions éventuellement concevoir un paysage sonore généré automatiquement. Cela fait parti des perspectives envisagées sur le long terme par Clay Bavor, mais cela ne sera pas immédiat, même si c’est possible. Concernant le toucher et la kinesthésie, il faudrait insérer des dispositifs haptiques, ce qui existe, par exemple pour les simulateurs de vol, mais qui paraît nettement plus difficile à greffer à un dispositif grand public. Enfin, les projets de stimulation olfactive posent des problèmes d’évacuation extrêmement délicats à résoudre. L’interactivité est assurée par des accéléromètres qui mesurent les mouvements de la tête ou du corps dans toutes les dimensions et calculent, à partir de cela, le déplacement des images, voire éventuellement des sons. A cela, il faudrait ajouter la possibilité de saisir des objets et de les déplacer dans un espace virtuel, voire de transformer cet espace. C’est dans cette perspective que des applications comme Magic Leap ont été conçues. Mais, cela reste limité à la superposition et au déplacement d’objets ; la modification de l’environnement demeure encore difficile à imaginer. Enfin, la navigation suppose une synthèse en temps réel, avec un modèle du monde. Ce n’est pas impossible, mais c’est très coûteux en temps calcul, ce qui supposera des processeurs très puissants.

Comment appréhender aujourd'hui tout ce que pourra effectuer la RV dans le futur ? 

Beaucoup d’applications potentielles s’ouvrent à la réalité virtuelle dans de nombreux secteurs. Il est difficile de les énumérer toutes, car elles se découvriront à mesure et, surtout, car elles dépendront des performances, plus ou moins grandes, des différentes composants que nous avons évoqués plus haut. Les simulateurs de conduite ou de pilotage illustrent bien le type d’applications imaginables, mais il n’y a aucune raison de s’y limiter. Notons cependant que, dans le cas de Google, les applications envisagées ont plutôt un caractère grand public. C’est le sens de la stratégie adoptée avec de Cardboard et de la volonté de « démocratiser » les réalités virtuelles. Cela suppose des applications peu coûteuses, qui ne recourent pas des dispositifs « lourds ». Enfin, je crois qu’il faudrait aussi songer au couplage de la réalité virtuelle à la réalité augmentée qui ouvrira certainement des perspectives prometteuses dans les prochaines années, car vous pourrez ajouter à votre espace propre des objets ou des personnages que vous aurez choisis...

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