Apple VR pro : le casque de réalité virtuelle qui se veut révolutionnaire<!-- --> | Atlantico.fr
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Un client essaie son Vision Pro lors du lancement de l'Apple Vision Pro à Apple The Grove à Los Angeles, Californie, le 2 février 2024.
Un client essaie son Vision Pro lors du lancement de l'Apple Vision Pro à Apple The Grove à Los Angeles, Californie, le 2 février 2024.
©David SWANSON / AFP

Minute Tech

Apple s'apprête à commercialiser son premier casque de réalité "mixte", présenté comme un ordinateur spatial capable de révolutionner l'informatique.

Gilles Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek, l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCH.tv, la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux loisirs.

Il est le co-auteur, avec Marc Geoffroy, de l'ouvrage iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

Vous pouvez suivre Gilles Dounès sur Twitter : @gdounes

 

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Atlantico : Apple s'apprête à commercialiser son premier casque de réalité "mixte", présenté comme un ordinateur spatial capable de révolutionner l'informatique. De quel type de produit parle-t-on exactement, au juste ? Quelle est la différence avec un casque de réalité virtuelle, par exemple ?

Giles Dounès : Apple parle de « réalité mixte » à propos de son Vision Pro, parce que son casque permet à la fois une expérience immersive pour l'utilisateur — avec la consultation de contenus (comme des films en 3D par exemple, ou de la musique avec une ambiance visuelle particulière), la possibilité de jouer ou bien de travailler et de produire des contenus, et « spatiale » — avec un champ perceptuel à 180° qui permet de naviguer entre les « contenants de pensée » (les fenêtres des différentes applications,) sans être contraint par les limites de l'écran. Le tout en conservant le contact avec la réalité extérieure, et la possibilité d'interagir pleinement avec son entourage.

De la même manière que de plus en plus souvent les écouteurs intra-auriculaires permettent à l'utilisateur de continuer à percevoir son environnement sonore, dans la rue par exemple, tout en écoutant de la musique ou en poursuivant une conversation téléphonique, le Vision Pro continue à présenter à l'utilisateur une représentation de son champ de vision « normal », en superposant à son champ de vision des « objets » informatiques supplémentaires (icônes d’applications, fenêtres dimensionnées à volonté, ) avec lesquels il va pouvoir interagir à volonté.

C'est toute la différence avec un casque à réalité virtuelle « classique », tels que Meta ou Samsung en ont présenté les années précédentes, et qui isolent totalement l'utilisateur de son environnement. Avec l’inconvénient majeur de découpler les informations sensorielles, avec des informations visuelles différentes et  souvent contradictoires avec celles reçues par l'oreille interne. C’est ce qui explique les problèmes d'équilibre, voire de nausées, fréquemment éprouvés par les utilisateurs de casque de réalité virtuelle pure et dure.

Mais Apple est allé au-delà. Outre l'écran immersif 3D de 23 millions de pixels (répartis sur les deux yeux) et le son audio spatial, le Vision Pro permet une interface avec le monde extérieur en « double feuillet ». Outre les caméras tournées vers l'extérieur et le système LIDAR qui permet une représentation précise du monde extérieur, qui permet l'expérience immersive, un dispositif LED et infrarouge capture les expressions du visage tandis qu’un écran externe les reproduit sur la face avant du casque, à l'intention de l'entourage, qui peut ainsi maintenir des interactions précises avec le porteur du casque.

On le compare souvent avec l'iPhone, parce que c'est le dernier appareil marquant qu'on conserve en mémoire, mais à mon avis c'est bien au Macintosh de 1984 dans sa rupture conceptuelle qu’il faut le comparer, mais si on tient à garder l’iPhone comme point de repère, lors de sa présentation en janvier 2007, Steve Jobs était très fier d’annoncer que la propriété intellectuelle de Apple était protégée par plus de 200 brevets… même si en 2011 la protection offerte par les brevets a été considérablement allégée. Cette fois-ci, Tim Cook annonce plus de 5000 brevets accordés autour de l'Apple Vision Pro. C'est dire encore un fois la rupture conceptuelle que celui-ci peut représenter vis à vis de tout ce qui précède. Y compris vis-à-vis de ses quelques prédécesseurs.

Peut-on penser, en l'état actuel, que l'Apple Vision Pro sera aussi efficace qu'annoncé ? Quelles sont les promesses exactes d'un tel produit ?

En tout état de cause, les premiers retours des utilisateurs sont carrément enthousiastes, et même souvent dithyrambiques. Au point de demander quelques instants de répit à la fin de l'expérience, pour reprendre leurs esprits. En l'occurrence, on peut parler de révolution, au sens copernicien du terme, dans la mesure où il s'agit d'une nouvelle façon de présenter, et de produire, des contenus, en même temps qu'une nouvelle manière d'interagir avec l'ordinateur. Avec une rupture qui va même au-delà de ce que le Macintosh dont on vient de fêter le 40e anniversaire il y a quelques jours, pouvait proposer.

En effet, quand la souris permettait d'interagir avec les objets présents sur l'écran grâce au pointeur, il s'agissait d'un intermédiaire avec la main de l'utilisateur, grâce au bouton de la souris, un peu à la manière des pinces ergonomiques pour personnes âgées qui leur évitent de se pencher pour attraper un objet au sol. Avec le Vision Pro, les interactions avec les différents objets informatiques, icônes, fenêtres, interface, sont directs grâce aux gestes de l'utilisateur, ou même avec son regard.

L'expérience immersive elle-même va bien au-delà de ce que le Macintosh pouvait proposer en 1984, avec son écran de 9 pouces de diagonale et ses 512 × 342 pixels de résolution, malgré le progrès inouï que cela a pu représenter à l'époque. L'écran ne permettait par exemple que l'affichage du tiers d'une page A4 dactylographiée, quand l'Apple Vision Pro offre un angle de vision à 180°, avec une expérience immersive comparable à celle de la vision binoculaire d'un adulte en bonne santé. Pour donner une image : depuis le premier Macintosh, on regardait dans un aquarium à travers un hublot, certes de plus en plus grand et de meilleure qualité d'année en année ; avec le Vision Pro on est désormais carrément plongé dans l'aquarium lui-même.

La restitution en 3D avec des écrans internes à très haute résolution, combinée au champ de vision à 180°, permet ainsi une expérience « immersive », comparable à celle expérimentée par Harry Potter dans le bassin de la « pensine » dans le bureau du Professeur Dumbledore. avec en outre la faculté de pouvoir interagir dans la taille et la présentation de chacun des objets : fenêtre de conversation FaceTime, écran de visualisation de film ou de série, fenêtre de navigation Internet, fenêtre de utilisation d'un logiciel « métier » (ne serait-ce que la rédaction d'un simple mémo sur un traitement de texte), etc.

Il est vraisemblable que cette possibilité de naviguer entre les contenants et les contenus de pensée, avec l’opportunité de les recombiner à l'infini comme dans une séance de mind mapping dynamique, soit à l'origine d'un nouveau saut de créativité et d'une nouvelle manière de réfléchir, en poussant l'expérience de « flow » à un niveau supérieur à celui que l'on peut atteindre ordinairement.

Il faut bien se rappeler que, depuis la moyenne section de maternelle, toute la scolarité et la façon de penser qui en découle a été organisée autour de l'apprentissage des limites et « de ne pas dépasser ». C'est l'expérience inverse à laquelle le Vision Pro invite, avec son informatique spatiale, et ses objets conceptuels qui flottent dans l'air en dehors de toute pesanteur. 

Dans la biographie de Steve Jobs publiée en 2011, Walter Isaacson relève les expérimentations des substances psychédéliques dans les années 60, qu’il s’agisse de Jobs lui-même ou de toute une génération d’étudiants de la Baie de San Francisco, et l’influence que cette expérience a pu avoir sur les avancées conceptuelles de l’informatique, dont les derniers progrès des composants électroniques permettent la concrétisation encore aujourd’hui. C’est un peu cette ouverture du champ perceptif et imaginatif que le Vision Pro est en passe de proposer, le risque de décompensation psychiatrique induit par les drogues hallucinogènes en moins. En bonne héritière de la contre culture hippie ds années 60, Apple remplace en quelque sorte l’alcaloïde par le technoïde…

Apple Vision pro ne sera a priori disponible qu'en anglais à sa sortie. Quelles sont les limitations auxquelles il faut nécessairement s'attendre, selon vous ?

Apple semble avoir fait le maximum pour éviter le « marché gris », qui historiquement avait accompagné tous les lancements réduits aux États-Unis, voire un certain nombre de pays privilégiés. D'une part, les interactions et l'interface ne sont possibles qu’en anglais, le clavier virtuel est lui aussi américain, et il est nécessaire de disposer d'un Apple ID états-unien pour pouvoir le commander, avec une carte de crédit américaine également. Il en est de même pour l'accès à l'App Store, et l’accès au support client en cas de problème sera également impossible. Rien d'étonnant à cela, puisque personne n'est formé en dehors des Apple Store des États-Unis. Même pour commander des verres correcteurs Zeiss, il faudra présenter une ordonnance d'un médecin aux Etats-Unis.

Les seules limitations pour l’heure, en dehors des limitations territoriales, sont celles de l'imagination : on avait d'abord pensé que cette nouvelle plate-forme, totalement en rupture, manquerait d'abord d'application. Or ce sont 600 applications dédiées qui sont disponibles dès le lancement, avec un produit uniquement disponible aux États-Unis. Le Vision Pro est souvent comparé à l'iPhone : lors de son lancement, seules des applications Web étaient disponibles et, lorsque l'iPhone 3G, avec sa boutique d'applications, à été lancé l'année suivante en 2008 dans 22 pays, il n'y avait que 500 applications disponibles.

A partir de quand, et à quel tarif, un tel produit sera-t-il disponible en France ? 

Il va falloir faire preuve de patience, même si Tim Cook, lors de la présentation des derniers résultats d’ Apple, a promis  qu’un certain nombre de pays rejoindront les États-Unis d'ici la fin de l'année 2024. Mark Gurman, l’analyste de Bloomberg généralement très bien informé, avait de son côté  évoqué le Canada et le Royaume-Uni dans un deuxième temps, fin 2024. Mais il n'est pas interdit de rêver que la France et l'Allemagne fassent aussi partie de ce deuxième groupe.

Tout dépendra sans doute de la disponibilité du casque en quantité suffisante, et de la manière dont les différents accords vont se négocier pays par pays. D'une part, avec les différents organismes représentant les ayant-droits des contenus multimédias que le masque est capable d'afficher, et éventuellement le remboursement des verres correctifs fabriqués par Zeiss avec les différentes caisses d'assurance-maladie.

S'il devait y avoir des avancées, il y a fort à parier que des indiscrétions devraient sortir dans la presse ici ou là.

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