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Alstom fabriquera ses TGV américains à New York : ben oui et alors ?
©Reuters

Mondialisation heureuse, le retour

Oui, nos TGV pour le marché américain sont fabriqués à New York, nos sous-marins pour le marché australien à Adélaïde, et nos Renault pour le marché brésilien à Curitiba...Préférerait-on qu'ils ne soient pas fabriqués du tout ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Le ferroviaire étant, avec le fromage, les grèves de poubelles, et les polémiques existentielles sur le style des vêtements de plage, l'un de nos rares domaines d'excellence, je me réjouis du contrat qu'Alstom vient de décrocher pour la fourniture de 28 TGV aux Américains. D'abord pour nous bien sûr, parce que ça va faire rentrer un peu de pognon dans la tirelire nationale, mais aussi pour eux, parce qu'ils en ont bien besoin...

Je viens justement de faire l'expérience d'un trajet New York-Montréal à bord d'une espèce de tortillard Amtrak fatigué, hybride de rame de RER et de train Corail, et je n'ai jamais été si conscient de la chance que nous avons d'avoir développé un réseau de trains à grande vitesse aussi dense et efficace ces trente dernières années. Même les sandwiches du wagon-restaurant étaient inférieurs aux nôtres, ce qui tient tout de même de l'exploit.

Parce que je m'étonnais, auprès du contrôleur québécois, de notre vitesse d'escargot sur le segment canadien du voyage, le type m'a répondu que lorsque la température extérieure dépasse les 28 degrés, il est impératif de réduire la vitesse à 35 km/h pour cause de dilatation des rails. Je ne lui ai pas parlé de mes Paris-Marseille à plus de 300 km/h en période de canicule parce que je ne voulais pas passer pour l'un de ces maudits Français arrogants, mais je n'en pensais pas moins.

Bon, OK, leurs trains à eux sont plus spacieux (les sièges de la seconde ressemblaient à ceux de notre première et, d'ailleurs, il n'y avait pas de première du tout), équipés du wifi, et leurs toilettes nettement moins répugnantes que les nôtres, mais treize bonnes heures pour faire 600 kilomètres, on se dit qu'il y a une vraie marge de progression. Même le dernier au classement du Tour de France peut faire mieux sur son biclou...

Mais l'une de nos autres spécialités nationales étant cette légendaire capacité à ne voir que les verres à moitié vides, des voix se sont immédiatement élevées pour pleurnicher sur le fait que les futurs TGV américains ne soient pas fabriqués chez nous mais du côté de Cornell, État de New York, transformant un succès commercial à plus de 2 milliards d'euros en une quasi-défaite.

Bien sûr qu'il vaut mieux vendre des trucs et des machins assemblés dans nos usines par nos propres ouvriers à chaque fois que c'est possible, mais c'est oublier que le chiffre d'affaires engrangé par une filiale d'Alstom aux États-Unis, c'est du chiffre d'affaires engrangé par Alstom tout court, en même temps que des impôts pour le Trésor public, des emplois d'ingénieurs dans nos bureaux d'étude, et de l'activité pour une myriade de sous-traitants gaulois.

Après tout, c'est en faisant fabriquer son iPhone en Chine qu'Apple est devenu le numéro 1 mondial du smartphone, a recruté une armée de crânes d’œuf surpayés pour son QG californien, et alimenté des tonnes de sous-traitants locaux (un million d'emplois directs ou indirects sur le territoire américain).

Autrement-dit, à chaque fois que Renault construit une voiture en Chine, au Brésil et en Roumanie, ou que la DCNS assemble pour 34 milliards d'euros de sous-marins en Australie, ce n'est pas une perte mais un gain. Si tous ces machins n'étaient pas fabriqués localement, ils ne seraient pas fabriqués du tout. Ou, plus précisément, pas par nos entreprises.

Et à l'heure où les porteurs de marinières qui préfèrent que la France rapatrie ses usines de T-shirts au lieu d'exporter sa matière grise se préparent à donner le ton de la prochaine campagne présidentielle, on se dit qu'ils feraient mieux de plancher sur les moyens de séduire les homologues étrangers d'Alstom, de Renault et de la DCNS... Il fut un temps, croyez-le ou non, où ça ne paraissait pas si absurde.

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