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62% des Français sont opposés à l'accueil des réfugiés sur le territoire français, un plus haut depuis le pic de la crise des migrants de l’été 2015
©Reuters

Info Atlantico

Selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico, 62% des Français sont aujourd'hui opposés à l'accueil de migrants sur notre territoire. Ce taux de rejet, en nette hausse par rapport à avril dernier, se rapproche de son niveau le plus haut de l'été 2015.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est le selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Nous constatons dans les résultats de cette enquête un nouvel affaissement assez net de l'adhésion des Français à l'accueil de migrants (38% y sont favorables, soit une baisse de 8 points par rapport au printemps dernier). Nous sommes aujourd'hui quasiment aux niveaux les plus faibles observés, à la mi-novembre 2015. À cette époque, on savait qu'un certain nombre des membres du commando des attentats du 13 novembre avaient infiltré les flux de réfugiés et de migrants pour venir en Europe. Nous sommes donc sur une adhésion en nette baisse par rapport au mois d'avril dernier.

A lire également sur notre site : Plan sur les migrants : le gouvernement dans l'impasse intellectuelle de sa politique de "générosité"

Comment expliquer cette baisse ?

Il y a tout d'abord ce que l'on appelle en statistique un effet de base. La base de comparaison était en effet plutôt favorable (46% de Français favorables en avril 2016), notamment en raison du déplacement du Pape François à Lesbos. Les naufrages à répétition en Méditerranée avaient également eu à l'époque un effet assez net dans l'opinion publique, d'où cette remontée de la propension à accepter les migrants.

Depuis, nous avons constaté une recrudescence de l'actualité anxiogène des migrants.

Il y a tout d'abord ce qu'il se passe autour de la jungle de Calais, qui apparaît plus que jamais hors de contrôle pour nos concitoyens. Jamais il n'y a eu autant de migrants à Calais, avec de nombreux problèmes sécuritaires, sanitaires et humains.

Il y a ensuite tout ce qu'il se passe en région parisienne et dans certains quartiers de l'Est parisien, où des opérations d'évacuation et de démantèlement de campements de migrants se sont succédées quasiment toutes les semaines en juillet et en août, avec en point d'orgue l'annonce par la mairie de Paris de la création d'une structure d'accueil provisoire porte de la Chapelle pour faire face à un afflux perçu comme hors de contrôle.

Enfin, la frontière franco-italienne est également touchée par le phénomène, sur un modèle inversé par rapport à la situation calaisienne : des migrants voulant rentrer en France (pas forcément pour s'y installer) sont refoulés par des policiers français et italiens. Là aussi, on constate une multiplication de franchissements de frontières et de reportages montrant que la situation humanitaire se dégrade à vue d'œil, ainsi qu'un nombre sans cesse croissant de migrants qui s'accumulent sur cette portion de la frontière.

La situation aux frontières extérieures de l'Europe apparaît relativement sous contrôle entre la Turquie et la Grèce suite aux accords du mois de mars. Mais les traversées de la Méditerranée entre la Libye et l'Italie n'ont pas cessé, avec un nombre sans cesse croissant de victimes et de naufragés. Pour autant, l'opinion publique française devient de plus en plus réfractaire à cette politique d'accueil, alors même que les drames se multiplient en mer, en raison du caractère de plus en plus ingérable de la situation dans plusieurs points du territoire national.

Le fait que les migrants soient objectivement moins nombreux à venir en Europe ces derniers temps à en croire les chiffres de Frontex n'a donc pas eu d'impact sur l'opinion publique française ?

On juge toujours à l'aune de son environnement le plus proche. Le problème de Calais (et avant lui Sangatte) dure depuis 15 ans en dépit de moyens policiers colossaux. Il y a systématiquement des attaques de camions la nuit et une ville quasiment en état de siège. Nous avons aussi des images très poignantes et inquiétantes de ce qu'il se passe à Paris. Si le nombre global de migrants arrivant en Europe a diminué par rapport à l'année dernière, les Français regardent surtout ce qu'il se passe sur leur propre territoire.

Ensuite, si on constate une baisse des flux en provenance de la Turquie, les médias nous rappellent régulièrement qu'on est dans le même volume, voire un peu au-dessus, pour la route centrale en Méditerranée (axe Libye-Italie). On apprend régulièrement aux 20 heures que plusieurs milliers de migrants sont arrivés, avec une grille d'interprétation qui se met en place autour de la notion de vase communicant. C'est-à-dire que les Français intègrent le fait que ce qu'il se passe au large de la Sicile a des répercussions quelques semaines plus tard à la frontière franco-italienne, puis dans certains quartiers de Paris (on parle de 80 arrivées par jour), puis à Calais.

Si l'on reste dans une approche "physique" du phénomène, on nous dit par exemple que le camp prochainement inauguré à Paris sera uniquement un camp de transit provisoire, et qu'il n'a pas vocation à les héberger dans la durée. Avec 400, 500 ou 600 places disponibles, le camp serait saturé en quelques jours. Cette logique de saturation circule dans l'opinion.

Nous avions montré dans un sondage pour Atlantico au début de l'été que la question des migrants se classait en 5ème position des préoccupations des Français pour la présidentielle. On peut penser avec tous ces événements d'actualités que nous sommes au moins à ce niveau aujourd'hui, voire plus haut. Cette question ne sera pas évacuée d'un seul trait de plume.

Un dernier élément reste à mentionner ici, à savoir le lien (certes beaucoup moins direct) entre la question terroriste et la question des migrants. Parmi les personnes identifiées comme responsables présumés d'attaques terroristes ou de projets d'attaques terroristes récemment en France, aucune d'entre elles n'est visiblement arrivée en France dans le cadre de l'afflux actuel de migrants (via la route des Balkans ou la mer Méditerranée). Néanmoins, nous avions constaté en novembre 2015 un décrochage très net de la propension à accueillir des migrants après les attentats de Paris. On peut penser que ce phénomène a été réactivé cet été.

Cela s'explique par le fait que derrière tout cela se jouent différentes notions.

Il y a la notion du contrôle des frontières : maîtriser les flux et les frontières devient primordial en période de menace terroriste. Quand la France est attaquée, le réflexe est de demander un accroissement du contrôle aux frontières.

Il y a aussi la notion d'intégration, qui s'inscrit sur une échelle temporelle plus longue que l'urgence sécuritaire. À chaque attentat revient en boucle dans le débat public la question de la place de l'islam dans la société française et de la bonne ou mauvaise intégration des personnes issues de l'immigration. Ces attentats apparaissent pour beaucoup de Français comme une illustration des sérieux ratés de notre modèle d'intégration. Dans ce contexte-là, la priorité n'est peut-être pas d'ouvrir les portes à de nouvelles personnes.

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