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La nicotine pourrait-elle être une barrière contre le coronavirus ?
©MYCHELE DANIAU / AFP

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Une étude française menée sur quelque 480 malades du Covid-19 montre que les fumeurs seraient moins touchés par le virus. Des études sur les effets de la nicotine vont être menées.

Une étude d'une équipe de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris s’est intéressée à la nicotine et sur de potentielles vertus préventives. Le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, membre de l'Académie des Sciences, et Zahir Amoura, spécialiste en médecine interne, se sont penchés sur la question de la nicotine et de son rôle éventuel de protection contre le coronavirus.

Selon les conclusions de l’'étude, les fumeurs seraient moins atteints que les autres personnes par le virus. Cette étude, révélée par France Inter, a porté sur 350 malades hospitalisés et 130 patients plus légers accueillis en ambulatoire. Ils ont tous été testés positifs au Covid-19.

Les chercheurs ont calculé le taux de fumeurs chez 139 patients testés positifs au Covid-19, placés en ambulatoire avec des symptômes peu graves, et chez 343 autres malades plus graves, hospitalisés à la Pitié-Salpêtrière (hors services de soins intensifs). Les scientifiques ont ensuite observé si ces patients étaient plus ou moins nombreux que les fumeurs dans la population générale de même sexe ou de même âge. 

Chez les patients hospitalisés, dont l'âge médian est de 65 ans, 4,4% sont des fumeurs quotidiens. Ils sont 5,3% parmi les patients ambulatoires, dont l'âge médian est de 44 ans. Selon les auteurs, cette étude "transversale suggère fortement que les fumeurs quotidiens ont une probabilité beaucoup plus faible de développer une infection, symptomatique ou grave, au Sars-CoV-2 par rapport à l'ensemble de la population".

Le professeur de médecine interne Zahir Amoura, qui a mené l’étude, a constaté qu'il y a très peu de fumeurs parmi ces patients. Les médecins ont regardé s’ils fumaient plus ou moins que la population générale de même sexe ou de même âge. Le professeur s’est confié à France Inter :  

"On avait un taux de fumeurs qui était de l'ordre de 5%, ce qui est bas. Il y a à peu près 80% de moins de fumeurs dans les populations Covid que dans la population générale, de même sexe et de même âge."

En France, sur quelque 11.000 patients hospitalisés pour cause de Covid-19, début avril, 8,5% étaient des fumeurs, selon des données de l'AP-HP citées par Le Monde. Le taux de fumeurs quotidiens en France s'élève pourtant à 25,4%, selon Santé publique France.

La nicotine pourrait atténuer la réponse immunitaire excessive qui génère les cas les plus graves, selon les conclusions de cette étude. Mais il n'est bien entendu pas question de se ruer pour autant sur les cigarettes qui restent nocives pour la santé. Ce serait la nicotine qui protégerait, la fumée de tabac est toujours elle aussi bien toxique. Si les fumeurs semblent moins touchés pour le moment, ceux qui sont atteints du coronavirus développeraient des formes plus graves de la maladie.

L'hypothèse devra être vérifiée prochainement par une étude clinique. Des essais vont débuter prochainement. Des patchs nicotiniques vont être administrés à trois publics différents : des soignants en préventif, des patients hospitalisés et d’autres en réanimation.

Le faible nombre de fumeurs quotidiens parmi les patients observés ne permet cependant pas de conclure à une corrélation entre la consommation journalière de tabac et la gravité de l'infection au coronavirus. Les auteurs reconnaissent aussi que leurs travaux ne prennent pas en compte les patients placés en soins intensifs, et qu'une étude plus large est nécessaire. 

Reste aussi à déterminer quel composant des cigarettes pourrait expliquer que les fumeurs seraient moins infectés par le Covid-19. Les chercheurs tablent essentiellement sur la nicotine. Seule la nicotine, ou d'autres modulateurs du récepteur nicotinique, pourrait avoir un effet protecteur.

Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, s’est confié à Franceinfo. Il a constaté égaelement que "l'immense majorité des [patients atteints de] formes graves n'était pas des fumeurs. On a l'impression que le tabac protège contre le coronavirus, via la nicotine".

Jean-Pierre Changeux s'interroge notamment sur le rôle que pourrait jouer le récepteur nicotinique de l'acétylcholine : "L'hypothèse est que la nicotine, en se fixant sur le récepteur cellulaire utilisé par le coronavirus, l'empêche de s'y fixer".

Ces observations et ces hypothèses devront donc être vérifiées via une étude clinique. 

Avec plus de 75.000 morts par an, le tabac reste la première cause de décès évitables, selon Santé publique France.

Franceinter

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