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Zemmour inclus ou pas… : Les valeurs de la droite et du centre en 2021, kezako ?
©Valery HACHE / AFP

Remise en question

Éric Zemmour accuse LR d’avoir trahi la droite. De l’autre côté, Christian Jacob a assuré que Les Républicains ne partagent pas les valeurs d’Eric Zemmour, mais qu’il est « sans doute utile au débat public ». Alors que la droite veut tenir à distance le polémiste sans pour autant repousser son électorat, on a de quoi s’interroger sur les valeurs de la droite et du centre en 2021.

Joseph-Macé Scaron

Joseph Macé-Scaron

Joseph Macé-Scaron est consultant et écrivain. Ancien directeur de la rédaction du Figaro magazine et de Marianne, il est, notamment, l'auteur de La surprise du chef (2021) et Eloge du libéralisme (2020), aux éditions de L'Observatoire. 

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Atlantico : Éric Zemmour accuse LR d’avoir trahi la droite. De l’autre côté, Christian Jacob a assuré que Les Républicains ne partagent pas les valeurs d’Eric Zemmour, mais qu’il est « sans doute utile au débat public ». Alors que la droite veut tenir à distance le polémiste sans pour autant repousser son électorat, on a de quoi s’interroger sur les valeurs de la droite et du centre en 2021. À l’heure actuelle, sur quelles valeurs s’appuient Les Républicains pour se positionner face à Eric Zemmour ? Y-a-t-il tout de même des points de convergence ? 

Joseph Mace-Scaron : Les Républicains ne savent plus où ils habitent. Depuis le début, Eric Zemmour appuie là où c’est douloureux : la double fracture au sein de la droite. La première fracture est provoquée par le choc de la création de l’UMP qui allait donner sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, les Républicains. La fusion ne s’est jamais faite entre l’UDF et le RPR. Ces deux formations politiques ont trahi leurs électeurs mais aussi leurs militants et leurs cadres. Ce qui aurait pu surmonter cette opposition permanente était la mise en place d’un système de courants comme cela existe dans d’autres formations de la droite européenne mais le piètre spectacle donné par le parti socialiste a conduit un Alain Juppé à s’opposer à ce mode d’organisation. La deuxième fracture est l’œuvre de Jacques Chirac, lui-même. Il y a deux Jacques Chirac : le Chirac qui a fait un programme anti-immigration que ne désavouerait pas un Eric Zemmour et le Chirac président, chantre du multiculturalisme et de l’antiracisme florissant. Cette schizophrénie politique est devenue insupportable à l’électeur de droite quand il est confronté au déclassement et à l’insécurité culturelle.

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Quelles sont les valeurs de la droite et du centre droit ? La responsabilité individuelle, le libéralisme dans sa version non anglo-saxonne, la défense de l’autorité et la sauvegarde de l’identité nationale. Plus la campagne s’avance et plus les électeurs de droite et du centre-droit ont l’impression qu’entre leurs candidats et Eric Zemmour, il y a moins une différence de nature que de degrés dans les propositions et les expressions politiques lorsqu’est évoquée la question de l’identité française. Reste une différence qui est moins de l’ordre des valeurs que de la tactique : la majorité des électeurs de la droite et du centre-droit ne veut pas d’une « union des droites », c’est-à-dire de l’alliance avec le Rassemblement national qui, contrairement à Eric Zemmour, n’est pas « de la famille ».

François-Xavier Bellamy ouvre la porte à une participation d’Éric Zemmour à la sélection du candidat de la droite. N’est-ce pas le symptôme d’une crise des valeurs au sein de cette famille politique ? Comment les deux postures peuvent-elles coexister ?

En refusant pour des raisons de tambouille politique les primaires en leur sein, Les Républicains ont commis une erreur magistrale. La courte échelle de Jacob au candidat Xavier Bertrand est une farce. En faisant le pari des primaires ouvertes, il y avait là un moyen de régler une fois pour toute la question Eric Zemmour. 

Gagnant, ce qui est loin d’être probable (on se souvient de l’échec du putsch Pasqua-Seguin au sein du RPR), Zemmour aurait été l’expression d’un parti politique. Il aurait été contraint tout au long de sa campagne à des aménagements de ses positions les plus radicales. Au passage, c’est ce qu’il a commencé à faire mais comme on est trop occupé à le diaboliser, personne n’y prête attention. 

Perdant, il serait apparu désavoué par sa famille politique naturelle. Je souligne le mot « naturel » car Eric Zemmour est bien l’héritier de Charles Pasqua et, surtout, de son conseiller le brillant et paradoxal William Abitbol. Les anciens du RPR le savent bien. C’est Pasqua et ses amis qui ont créé, nourri, formé, élevé ce Golem politique qui risque de faire éclater la droite à la présidentielle... ou aux européennes qui suivront.

Au sein même de LR, des courants idéologiques s’affrontent, mais un sujet semble mettre tous les candidats sur le même diapason : l’immigration. Pourquoi ce sujet arrive-t-il à unir les ténors ? 

La question de l’immigration traverse les clivages politiques. Elle est soulevée par toutes les sensibilités de la droite mais aussi par une partie de la gauche. Quoi de plus normal car ce sujet a été tellement nié ! Le soulever exposait le politique qui s’en emparait à être la source des attaques de la bienpensance et à être cloué au pilori médiatique. Maintenant, des éléments nouveaux sont venus secouer les molles et douillettes habitudes et certitudes. J’en vois essentiellement trois : la première est l’irruption de l’islamiste puis l’enracinement du salafisme dans notre pays, la deuxième est l’arrêt de la croissance économique de la France et son déclassement qui en a découlé, la troisième est le détournement massif des aides sociales dopé par le regroupement familial et qui se chiffre à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Il est désormais devenu impossible pour nos ténors politiques d’ignorer la question de l’immigration.

La souveraineté est-elle un socle de la droite aujourd’hui ? 

La souveraineté, oui. Le souverainisme, non. La souveraineté, ce n’est pas seulement la question de l’immigration ou la question de notre défense nationale, c’est aussi celle qui remet en cause l’extraterritorialité du droit américain qui menace, en permanence, les entreprises françaises mais aussi européennes. Pour l’instant, le seul candidat à avoir évoqué ce dernier point, à plusieurs reprises, n’est pas une personnalité de la droite mais...Arnaud Montebourg. Quant au souverainisme, courant que j’ai regardé avec sympathie parce qu’il regroupait souvent des esprits originaux, j’ignore toujours ce que cette notion recouvre  – en dehors du Québec, bien sûr.

Face à Sandrine Rousseau et au « wokisme », la soumission idéologique au progressisme n'est-il pas le seul thème sur lequel la droite s’unit ? 

Mais là encore, tous les esprits sensés sont contre le « wokisme » ! Demandez aux concurrents écologistes de Sandrine Rousseau, c’est encore eux qui en parlent le mieux. Bien sûr, vous allez aussi trouver au sein de La France insoumise, cette formation déconstruite, des alliés objectifs du wokisme mais l’immense majorité des représentants politiques estiment que cette pensée qui relève de l’anorexie conceptuelle est un non-sens. Il y a deux terrains, en revanche, où le wokisme marque des points : l’université  car un universitaire français, soucieux de communiquer avec ses homologues américains, doit passer sous ces fourches caudines et l’entreprise parce qu’un certain nombre de DRH paresseux prennent pour de le RSE ce qui n’est, au fond, que l’expression d’une discrimination inversée. 

Qu’est ce qui unit le mieux la droite ? Ce devrait être le souci du débat même quand le débat blesse. En refusant la confrontation avec Eric Zemmour, en cherchant à l’ostraciser, Christian Jacob a plombé sa famille politique.

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