Xénotransplantation cardiaque d'un coeur de porc génétiquement modifié : la biologie moléculaire transforme radicalement la médecine et la chirurgie<!-- --> | Atlantico.fr
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Un Américain s'est fait greffer avec un succès le coeur d'un porc génétiquement modifié.
Un Américain s'est fait greffer avec un succès le coeur d'un porc génétiquement modifié.
©JAVIER SORIANO / AFP

Prouesse médicale

Des chirurgiens américains ont réussi à greffer sur un patient un cœur issu d'un porc génétiquement modifié. Cette première mondiale constitue une avancée chirurgicale majeure qui pourrait être à terme une solution face à la pénurie d'organes.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Le 7 janvier 2022 un humain a reçu un cœur de porc génétiquement modifié. Bartley P. Griffith, MD a greffé ce cœur chez David Bennett Sr qui avait été jugé inéligible à une greffe humaine, une décision souvent prise lorsque le patient est en très mauvaise santé. Ce chirurgien a une expérience de plus de 1000 transplantations cardiaques. Il s’agit de la première transplantation cardiaque de ce type. C’est le début d’application d’un programme de recherche ambitieux qui a pour but de diminuer le rejet d’organes non humains et de permettre de produire des xénogreffes comme des médicaments en fonction des besoins.

Faisabilité en vie réelle d’un projet complexe

Il associe une plateforme thérapeutique de fabrication d’organes (poumon, rein, cœur…) à des centres de transplantation. Les avantages sont multiples en particulier la logistique, la disponibilité, la qualité des greffons et l’adaptation à la demande. Mais l’essentiel était de trouver un début de solution au rejet aigu des organes animaux chez l’homme. Les traitements immunosuppresseurs s’accompagnent en effet de complications multiples qui limitent leur usage et par ailleurs ils sont peu efficaces dans le rejet aigu. Une des solutions est de modifier la génétique de l’organe à transplanter pour que le receveur ne rejette pas l’organe notamment dans la phase aiguë et puisse conserver un système immunitaire fonctionnel.

Les modifications génétiques

Le cœur de porc génétiquement modifié de la société Revivicor qui a été pour la première fois transplanté avec succès chez un patient humain comprend plusieurs modifications génétiques. Plusieurs gènes du porc donneur, développés par Revivicor, ont été inactivés pour empêcher le rejet de la greffe, tandis que six autres gènes humains ont été ajoutés au génome du porc. Les cœurs de porc génétiquement modifiés fournissent une solution de transplantation cardiaque évolutive pour les maladies cardiaques en phase terminale.

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Prévalence de l’insuffisance cardiaque terminale

On estime que 64,3 millions de personnes ont une insuffisance cardiaque dans le monde. Dans les pays développés, la prévalence de l'insuffisance cardiaque connue est généralement estimée à 1 % à 2 % de la population adulte en général. Il y a des écarts dans les critères de diagnostic, mais aussi dans la disponibilité des techniques d’évaluation, toutefois dans la majorité des études plus de la moitié des patients atteints d'insuffisance cardiaque dans la population générale ont une fraction d’éjection du ventricule gauche préservée c’est à dire qu’ils ne sont pas candidats à des techniques d'assistance cardiaque. Cette proportion augmente en raison d’une meilleure prise en charge. Il existe environ 600 000 patients au stade de l’insuffisance cardiaque terminale aux États Unis.

Figure N°1: Des porcs génétiquement modifiés comme donneurs d’organe pour les humains.

Perspectives et impact sur la santé humaine

Cette avancée ouvre une voie de survie pour les patients en attente d’organes humains qui se détériorent et ne peuvent bénéficier d’une prothèse cardiaque mécanique ou bien ont déjà bénéficié d’une telle prothèse et ont présenté des complications. Il y a désormais deux technologies en concurrence, les cœurs artificiels et les organes génétiquement modifiés à côté de la greffe allogénique. La fabrication d’organes à partir d’une matrice “ré-habitée” par des cellules autologues est encore un projet assez loin de l'application clinique.

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Plusieurs sujets de discussion éthique se posent. Tout d’abord la question des résultats de cette première greffe cardiaque d’un animal génétiquement modifié. Il ya beaucoup d’incertitudes dont certaines vont être levées assez vite. Ensuite les questions religieuses ou de convenance à propos du porc et des organismes génétiquement modifiés. Pour la religion cette question a déjà été tranchée puisque les valves cardiaques biologiques utilisent du matériel porcin. Pour les personnes hostiles aux organismes génétiquement modifiés la seule question sera de savoir comment gérer leur place sur les listes d'attente de donneurs humains si elles refsuent un tel organe. Enfin les droits animaux doivent être considérés. Les protocoles actuels tant en recherche expérimentale que dans le cadre d’une production à venir sont au moins aussi respectueux du bien être animal que l’élevage.

Que faire?

La question qui se pose est celle du développement de tels projets de recherche en Europe. Autrement dit serons nous les consommateurs de produits pharmaceutiques importés ou produits sous licence ou bien les producteurs de solutions en matière de médecine régénérative car c’est la direction. Pour cela il faut financer des projets translationnels où la biologie moléculaire transforme radicalement les soins et améliore la qualité de vie.

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