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Xavier Bertrand mise sur la Chine plutôt que Paris pour développer sa région
©Capture d'écran

Orientalisme

Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, a annoncé qu'il comptait sur des investisseurs chinois pour relancer l'activité économiques dans sa région. Une stratégie discutable.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : La stratégie de Xavier Bertrand qui consiste à nouer des partenariats économiques avec la Chine pour rehausser la compétitivité des Hauts-de-France peut-elle avoir un réel impact sur la région? 

Laurent Chalard : Tout d’abord, il convient de rappeler que les Hauts-de-France sont une région, qui a beaucoup souffert de la désindustrialisation, avec un chômage de masse et une précarité importante, même s’il existe quelques réussites locales. Ancienne région phare de l’économie européenne, elle est désormais à la traîne, malgré sa localisation géographique privilégiée entre  deux des grands pôles de richesse du continent, que sont la dorsale européenne au nord et la métropole parisienne au sud.

Dans ce cadre, la volonté d’ouverture, affichée par l’exécutif régional dirigé par Xavier Bertrand, à des partenaires économiques étrangers, en l’occurrence chinois, ne peut être considéré comme une mauvaise chose, dans un contexte de concurrence exacerbée entre les territoires consécutive de la mondialisation. En effet, l’attractivité auprès des investisseurs étrangers constitue un des facteurs de renouveau d’une économie locale, le principal objectif étant de créer le maximum d’emplois possible, quel que soit leur niveau de qualification.

Cependant, si cette stratégie se limite uniquement à l’accueil d’investisseurs étrangers, elle possède deux principales limites. La première limite est que le dynamisme n’apparaisse qu’exogène et nullement endogène. Or, ce dernier est extrêmement important pour relancer une économie locale. Les investissements étrangers, aussi importants soient-ils, ne peuvent être suffisants pour relancer l’économie d’un territoire. Il y a aussi un besoin de dynamisme entrepreneurial local important, ce qui constitue à l’heure actuelle un point faible de la région Hauts-de-France, les mentalités des habitants n’étant pas (encore) en adéquation avec la nouvelle donne économique internationale. La seconde limite de cette stratégie est le risque des effets d’opportunités. En effet, le recours massif à des investisseurs étrangers ne constitue pas une nouveauté en soi pour le nord-est de la France, la même politique ayant déjà été menée dans années 1980, qui avaient vu l’arrivée de nombreux repreneurs étrangers, européens, américains ou japonais, avec parfois des déconvenues, certaines entreprises « chasseuses de primes » mettant la clé sous la porte une fois les primes encaissées...

Cette stratégie  économique peut-elle se transformer en argument  politique en vue de la présidentielle de 2022, si Xavier Bertrand décidait de se présenter?

A une époque où une « bonne » communication est plus importante que les résultats concrets sur le terrain, la stratégie défendue par Xavier Bertrand peut effectivement se transformer en stratégie politique pour un éventuel candidat à la présidentielle, en particulier vis-à-vis de son concurrent de droite, Laurent Wauquiez, plus tenté par un certain souverainisme économique. Cependant, la stratégie de Xavier Bertrand ne diverge guère de celle prônée par la république en Marche et le laps de temps d’ici 2022 paraît bien court pour pouvoir arguer du succès ou non de cette politique vis-à-vis des électeurs. En outre, cette stratégie économique n’a rien de spécifique aux Hauts-de-France, toutes les régions d’Europe se battant pour accueillir des investisseurs étrangers. 

Dans un contexte économique fragile, comment pensez-vous que la population reçoit l'implantation chinoise dans de nombreux secteurs d'activités?

Dans une région telle que les Hauts de France, où le nationalisme et le souverainisme ont le vent en poupe, dans un contexte de perception par les populations locales d’être les perdants de la mondialisation, il est peu probable que cette stratégie soit bien perçue par une majorité de la population. Au contraire, elle risque de renforcer leur animosité vis-à-vis d’une mondialisation, qui conduit à l’instauration d’une dépendance vis-à-vis de donneurs d’ordre extérieurs, qui plus est chinois, un pays à la mauvaise image. Pour beaucoup, cette stratégie serait beaucoup plus perçue comme un signe supplémentaire du déclin français que comme un renouveau. Si l’expérience du japonais Toyota à Onnaing est un succès, il n’est pas sûr que cela puisse se reproduire avec les chinois, dont les méthodes de management ne sont pas ceux d’une démocratie !

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