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Wikileaks : quand ​Hillary Clinton encourageait de riches banquiers à "acheter" de l’influence sur les élections
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THE DAILY BEAST

Le site Wikileaks a publié les transcriptions de discours prononcés par Hillary Clinton chez Goldman Sachs, dans lesquels elle dit aux banquiers que leur argent achète de l'influence, et qu'ils devraient l'utiliser.

Betsy Woodruff

Betsy Woodruff

Betsy Woodruff est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast - Betsy Woodruff

Pendant sa campagne, Hillary Clinton a souvent dénoncé l'influence que les donateurs ont sur la vie politique. Mais derrière des portes closes, dans des interventions lors d'événements organisés par Goldman Sachs, elle a exhorté les membres de la caste des donateurs à jouer de leur influence - en particulier sur les républicains récalcitrants. 

Wikileaks a publié, le 15 octobre, des courriels contenant ce qui est présenté comme des transcriptions complètes de trois discours payés par Goldman Sachs que Clinton a prononcé lors d'événements organisés par cette banque. L’équipe de campagne de Clinton n'a fait aucun commentaire sur la véracité de ces transcriptions. Publiquement, l’équipe a affirmé que le gouvernement russe est responsable de la diffusion de ces e-mails qui ont été piratés à partir du compte Gmail du président de la campagne John Podesta. 

"Il n'y a pas à tergiverser : Donald Trump salue une tentative russe d'influencer notre élection par un crime qui rappelle Watergate mais à une échelle plus massive", estime le porte-parole de la campagne Clinton Glen Caplin, dans un communiqué envoyé par courriel au Daily Beast. "Nous assistons à une nouvelle tentative de voler des documents de campagne privés en vue d'influencer une élection. Seulement, cette fois, au lieu de dossiers, ce sont des emails personnels volés et il y a un gouvernement étranger derrière cette opération. Curieusement, Donald Trump continue à défendre Poutine et à nier sa responsabilité. Il est temps qu'il condamne cette intrusion du Kremlin et dise aux électeurs ce que son équipe de campagne sait à ce propos et depuis quand".

Samedi 15 octobre, Wikileaks a publié des transcriptions de trois discours, tous prononcés en 2013. Le premier date du 4 juin, et les deux suivants du 24 et du 29 octobre. Vous pouvez télécharger et lire les discours ici. Dans les trois discours, Clinton fait valoir que les donateurs politiques devraient user de leur influence pour pousser les politiciens à être plus conciliants. 

"New York est une sorte de distributeur automatique de billets pour les démocrates et les républicains" dit-elle dans le discours du 6 juin. "Les gens viennent vous voir et ils demandent de l'argent, et on leur donne souvent. Et à un certain moment le public américain - et particulièrement les donateurs politiques - ont leur mot à dire :  il n'y a pas que moi. Il n'y a pas que mes dossiers personnels. Voici ce que je veux que vous fassiez pour le pays et que vous participiez au débat dans le pays".

Clinton a nouveau exprimé ce point de vue dans son discours du 24 octobre, prononcé lors d'un symposium sur l'investissement organisé par Goldman Sachs. C’était à peine une semaine après la crise qui avait bloqué le financement et donc le fonctionnement du gouvernement fédéral du 1er au 16 octobre, les investisseurs (et beaucoup d'autres personnes, aussi !) étaient en colère contre la façon dont la situation avait évolué. Donc, lorsque le modérateur, Tim O'Neill, co-responsable de la gestion des investissements, a demandé à Clinton comment lutter contre les blocages de Washington, elle lui a donné une réponse en trois points. Le deuxième point :

"Être candidat à la présidence dans notre pays nécessite beaucoup d'argent, et les candidats doivent aller en chercher", dit-elle. "New York est probablement le premier site de contributions et de collecte de fonds pour les candidats des deux partis, et il est aussi notre centre économique. Il y a beaucoup de gens ici qui devraient poser des questions difficiles avant de verser leurs contributions à la campagne à des gens qui jouent avec le feu et notre économie".

Les gens qui "jouent avec le feu", bien sûr, étaient les républicains conservateurs - y compris le sénateur Ted Cruz qui a poussé pour un blocage du gouvernement dans l'espoir qu'il arriverait à obliger le président Obama à signer la législation modifiant sa loi sur la Santé -. Cela n'a évidemment pas été le cas, comme la plupart des gens l’avaient prédit avec justesse lorsque la crise a commencé. 

Dans le troisième discours, parlant de la manière de mieux faire fonctionner le gouvernement américain, Hillary Clinton fait de nouveau valoir le fait que les donateurs doivent prendre la responsabilité d'influencer les politiciens qui prennent leur argent.

"Et puis on en arrive au choix de celui pour lequel nous allons voter en indiquant quelles sont nos attentes et à qui nous donnons de l'argent", dit-elle. "Quant à ceux qui participent au financement des élections, je pense qu'il est important que les chefs d'entreprise parlent clairement et disent pourquoi on voudrait qu’ils donnent de l'argent à quelqu'un qui était prêt à détruire la crédibilité des Etats-Unis".

"Je pense que les citoyens doivent agir", a-t-elle ajouté, "et pas seulement sur la façon dont nous réorganisons le  fonctionnement du pouvoir et des institutions à Washington".

Plus tard, dans ce discours, elle est revenue sur le même sujet. 

"J'aime quand les gens disent : 'vous savez, je peux être conservateur, mais je ne suis pas fou'", a-t-elle dit. "Je suis très rassurée".

"Prouvez-le", a répondu Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman qui animait le débat lors de l'événement.

"Ouais'', Clinton a répondu. "Vous voulez qu'ils le prouvent en disant : 'Vous savez, nous allons agir différemment dans notre vote et nos dons. Et cela pourrait faire une très grosse différence'".

Dans ce même discours, Clinton a suggéré que plus de gens riches devraient se présenter aux élections parce qu'ils sont moins sensibles à l'influence des donateurs. Elle a expliqué sa position quand elle a répondu à une question du public identifié dans la transcription seulement comme "un participant de sexe masculin".

"Ma question est que, en tant qu'entrepreneurs, nous risquons beaucoup" dit-il. "Et Mike Bloomberg avait 30 milliards d'autres raisons que de prendre ses fonctions de maire de New York. Avons-nous besoin de tout changer à Washington, ce qui a plus à voir avec les gens qui n’ont pas besoin de ce travail qu’avec ceux qui l’ont, ce travail ?".

Clinton a aimé la question. 

"Voilà une question très intéressante", a-t-elle dit. "Vous savez, je voudrais voir plus de businessmen qui ont réussi à se présenter aux élections. Je voudrais vraiment voir cela parce que je pense, vous savez, que vous n’avez pas besoin d’avoir 30 milliards, mais vous devez avoir au moins un certain niveau de liberté. Et il y a cette phrase mémorable d'un ancien membre du Sénat : 'Vous pouvez peut-être être loué mais jamais acheté'. Et je pense qu'il est important d'avoir des gens qui ont ce type d’expériences".

L'ancien sénateur auquel elle faisait allusion est John Breaux, un démocrate de Louisiane qui a travaillé pour le bien des entreprises de son Etat et (après avoir quitté le Sénat) défendu les intérêts de ses clients en tant que lobbyiste. 

Cet argument - que les gens riches devraient se présenter aux élections parce qu'ils sont à l'abri de l'influence des donateurs - est celui que Donald Trump emploie régulièrement pendant sa campagne. L’équipe de campagne d’Hillary Clinton n'a pas répondu à une demande de clarification pour savoir si c’est encore le point de vue de la candidate et si son équipe fait une lecture différente de ses commentaires. 

Dans le discours du 29 octobre, Clinton a également rappelé que les règles d'éthique visant à éviter aux politiciens d'avoir des conflits d'intérêts étaient trop strictes. 

"Une partie du problème avec la vie politique, c’est qu'il y a un parti pris contre les personnes qui ont réussi leur vie, qui ont une vie complexe", dit-elle. "Vous savez, la cession d'actifs, la liquidation de toutes sortes de positions, la vente des stocks. Cela devient juste pesant et inutile".

L’équipe de campagne Clinton n'a pas répondu à une demande de commentaire pour savoir si elle chercherait à assouplir les exigences en matière d'éthique si elle est élue présidente. 

Rien de tout cela n’est forcément litigieux. Mais cela ne correspond pas exactement au message qu’Hillary Clinton diffuse pendant sa campagne électorale. Sur la page de son site de campagne sur la réforme du financement des campagnes, elle dénonce l'influence que les donateurs ont sur les politiciens élus. 

"Il ne fait aucun doute que nous devons arriver à ce que Washington fonctionne beaucoup mieux qu’aujourd'hui. Et cela signifie, en particulier, exclure l'argent d’origine incontrôlée de notre politique", dit une citation d’un propos d’Hillary Clinton. "Voilà pourquoi je suis tellement passionnée par cette question, et je vais me battre jusqu’au bout pour mettre fin à la mainmise que les intérêts particuliers et ceux des plus riches ont sur notre gouvernement".

Ce point de sa campagne qui voit l'argent comme un problème en politique est, bien sûr, contraire à la déclaration qu’elle a faite en parlant chez Goldman Sachs, selon laquelle les candidats riches et les riches donateurs étaient une partie de la solution. 

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