Vous allez confier vos enfants à leurs grands-parents cet été : comment éviter que le rêve ne tourne au cauchemar pour tout le monde<!-- --> | Atlantico.fr
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On compte beaucoup plus de grands-parents qui arrivent à la retraite en bonne santé.
On compte beaucoup plus de grands-parents qui arrivent à la retraite en bonne santé.
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La famille aujourd'hui

Nombreux sont les grands-parents qui à la soixantaine débordent d'activités et manquent parfois de temps pour leurs propres petits-enfants. Il faut dire que les générations n'évoluent pas toujours aux mêmes rythmes.

Gérard  Neyrand

Gérard Neyrand

Gérard Neyrand est sociologue, est professeur à l’université de Toulouse), directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d’études et recherches en sciences sociales (CIMERSS, laboratoire associatif) à Bouc-Bel-Air. 

Il a publié de nombreux ouvrages dont Corps sexué de l’enfant et normes sociales. La normativité corporelle en société néolibérale  (avec  Sahra Mekboul, érès, 2014) et, Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?  (avec Michel Tort et Marie-Dominique Wilpert, érès, 2013).
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Atlantico : Entre désirs de loisirs personnels pour les seniors et l'évolution des comportements des plus jeunes, peut-on dire que le fait de laisser ses enfants chez les grands-parents soit toujours aussi simple que par le passé ? 

Gérard Neyrand : C’est à la fois plus simple et moins simple. On compte beaucoup plus de grands-parents qui arrivent à la retraite en bonne santé, qui sont en mesure physiquement et intellectuellement de recevoir leurs petits enfants chez eux d’une façon satisfaisante pour les deux "parties". De ce point de vue l’amélioration est évidente.

Le revers de la médaille, c’est que ces grands-parents en bonne santé arrivent à la retraite avec des désirs plus grands, des envies d’épanouissement, et font l’objet de beaucoup plus de sollicitations que leurs propres grands-parents en leur temps. On observe une tension entre la grand-parentalité, qui reste un plaisir et un investissement important pour la plupart des grands-parents, et le fait qu’aujourd’hui à soixante ans passés on est encore en forme, avec notamment des envies de voyages. Les senios voyagent beaucoup, on le sait, et cela peut entrer en concurrence directe avec le plaisir de recevoir ses petits-enfants chez soi.

Les relations entre grands-parents et petits-enfants ont-elles changé ?

Autour des années 1970 le mode de régulation entre les générations est devenu plus souple. La famille est devenue démocratique, c’est-à-dire qu’elle a mis en avant les valeurs de liberté, d’égalité et de la consommation. L’autorité est plus "dialoguante" et communicatrice. Donc depuis cette époque les relations entre générations sont sans doute plus faciles. L’idée de conflit intergénérationnel s’est effacée, mais en même temps les générations se sont autonomisées. Par conséquent les tensions sont moins liées à des conflits de valeurs qu’à des ambitions et des désirs propres à chacun. Les grands-parents n’ont donc rien contre le fait de garder leurs petits-enfants, tant qu’il n’est pas question de sacrifier leurs voyages et leurs activités habituelles.

Existe-t-il un "choc technologique" entre petits-enfants et grands-parents, qui entraînerait par là-même une différence de rapport au temps propre à générer des tensions ?

Les grands-parents peuvent proposer aux petits-enfants, et c’est l’un des avantages qu’ils présentent, un rapport au temps moins dans l’immédiateté. Mais c’est au cas par cas, car certains retraités se sont convertis sans problème aux nouvelles technologies, quand pour d’autres cela reste "du chinois". Cela renvoie à la réalité des situations familiales contemporaines, qui se sont diversifiées et complexifiées. Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, les grands-parents n’y échappent pas.

Comment s'adapter à cette nouvelle donne pour éviter d'éventuelles tensions entre générations ?

Le principe de régulation est basé sur la communication, le dialogue. Il faut que chacun soit capable d’entendre dans les arguments échangés jusqu’où il peut pousser ses demandes, et ce qu’il peut attendre des autres. On évite les dimensions conflictuelles lorsque les enfants comprennent que leurs parents ne sont pas à leur service, et quand les grands-parents identifient les moments où cela aidera réellement leurs propres enfants de garder les petits-enfants.

La durée du séjour, si elle est trop prolongée, peut-elle finir par poser problème ?

Pour certains grands-parents le fait de garder leurs petits-enfants sur de longues périodes ne pose  aucun problème. En la matière les zones d’habitation sont déterminantes : à la campagne ce n’est pas pareil que dans les grandes villes, la notion du temps, tout particulièrement, n’est pas la même. Ceux qui vivent à la campagne sont souvent moins mobiles, et acceptent donc leurs petits-enfants plus longtemps, tandis que les retraités citadins sont connus pour être plus mobiles, ce qui contraint forcément les périodes d’accueil. Les logiques de fonctionnements familiaux ne sont pas les mêmes. Certains privilégieront les séjours courts, quitte à ce qu’il y en ait plusieurs.

Qu’est-ce que cela révèle en creux des évolutions de la famille moderne ? Le rapport intergénérationnel est-il devenu plus complexe qu'auparavant ?

Cela dénote un passage à un fonctionnement plus démocratique, basé sur le dialogue et la communication, et en même temps une plus grande autonomie de chaque individu, moins pris dans le collectif qu’avant, ce qui génère des tensions entre l’individu et le groupe. Ce n’est pas toujours facile, car c’est sur cette donnée communicationnelle que les couples et les familles entrent en crise.

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