Voilà pourquoi LFI menace les valeurs de la République tout entière (et pas seulement les Juifs) <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan et Manuel Bompard lors d'une conférence de presse le soir du premier tour des élections législatives.
Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan et Manuel Bompard lors d'une conférence de presse le soir du premier tour des élections législatives.
©DIMITAR DILKOFF AFP

Bientôt à Matignon ?

L’antisémitisme serait déjà à lui seul une raison suffisante pour que la part identitaire et communautariste des Insoumis soit considérée comme infréquentable mais si le barrage à l’antisémitisme tombe, tous les autres (sexisme, homophobie, racisme…) tomberont mécaniquement.

Hakim Khaldoun

Hakim Khaldoun

Hakim Khaldoun est cadre dirigeant dans l'enseignement supérieur et occupe une fonction importante dans un  think tank. Il a souhaité conserver l'anonymat.

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Yael Mellul

Yael Mellul

Yael Mellul est ancienne avocate et présidente de Femme & Libre.

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Atlantico : L’antisémitisme est l’élément le plus souvent mis en avant pour questionner la légitimité républicaine de La France insoumise. À quel point ces ambiguïtés avec l’antisémitisme définissent-elles vraiment la nature du mouvement de Jean-Luc Mélenchon ?

Hakim Khaldoun : Jean-Luc Mélenchon ainsi que plusieurs membres de la France Insoumise usent et abusent d’expressions de langage qui entretiennent volontairement l’ambiguïté autour leur antisémitisme. Ces ambiguïtés ont un double intérêt. Premièrement, elles empêchent réellement des poursuites judiciaires et deuxième intérêt elles représentent des codes langagiers qui permettent à leur public cible de se retrouver totalement dans ces propos qui sont clairement perçus et interprétés comme des propos antisémites. En somme, on continue de plaire à une partie de sa base électorale ouvertement antisémite tout en évitant une condamnation en justice qui nuirait définitivement à l’image du parti. La France Insoumise est donc dans une duplicité assumée et une stratégie de la petite phrase qui choque à juste titre une partie de l’opinion mais galvanise en revanche une autre partie de l’opinion. L’actualité tragique en Palestine a servi en cela d’accélérateur et de catalyseur des haines antisémites dont LFI s’est immédiatement saisie durant la campagne des Elections européennes sous couvert d’un antisionisme qui n’est rien d’autre qu’un antisémitisme qui ne s’assume pas ouvertement et publiquement.

Yael Mellul : Certes, l’antisémitisme d’atmosphère ou ordinaire de LFI n’est pas à démontrer, jeux de mots, allusions, absence à la marche contre l’antisémitisme….

Mais leur légitimité républicaine n’est pas que dans l’antisémitisme. 

Déjà dans une forme d’antiparlementarisme : le parlement est pris en otage par un drapeau palestinien, par la bordélisation, la conflictualisation… C’est une forme de remise en cause de la sérénité des débats dans un cadre républicain.

Mais, le plus inquiétant est que si nous sommes capables de nous accommoder de l’antisémitisme dans un moment comparable à l’affaire Dreyfus, alors, nous sommes certainement capables de nous accommoder d’autres entailles dans nos valeurs cardinales : le racisme, le sexisme, le validisme… et la liste est longue.
La France, pays des lumières, ne peut pas se défaire d’un seul de ces piliers, il s’agit là de nos humanités fondamentales. Si un pilier tombe, c’est tous les autres qui sont danger.

C'est ce point qui est essentiel, existentiel : nous sommes face à l’histoire et LFI n’y répond pas de manière républicaine.

Bien sûr, car l’ADN de la France c’est l’humanisme, nous pleurons les morts à Gaza, mais dans le même temps nous pointons la spécificité terroriste du Hamas qui est délétère pour Israël ET pour les Gazaouis. Dans le même temps, nous pleurons les morts et otages d’Israël victimes du terrorisme, et répétons-le sans cesse, du terrorisme. C’est se vautrer dans un contre discours à connotation trumpiste que de ne pas reconnaître cette dialectique et cette complexité.

Vous voyez, les points non conformes à la République de LFI sont - beaucoup trop- nombreux.

Les alliés de LFI, EELV et PS en tête clament que LFI, contrairement au RN, serait fermement ancrée dans l’arc républicain malgré ces ambiguïtés et s’appuient notamment sur la décision du Conseil d’Etat ayant permis au ministère de l’Intérieur d’étiqueter le RN comme d’extrême droite là où La France insoumise est simplement considérée comme de gauche. Ce raisonnement vous paraît-il défendable ? En quoi l’antisémitisme de LFI est-il beaucoup plus qu’un antisionisme mal digéré et chauffé à blanc par la situation à Gaza ?

Yael Mellul : Quand les dérapages homophobes de Sofia Chikirou rapportés par plusieurs personnes de son entourage, quand nous prenons acte du soutien inconditionnel de Jean Luc Mélenchon à Adrien Quatennens, quand nous constatons l’essentialisation ainsi que l’assignation à résidence des gens vivant dans des banlieue populaires « racisées », nous pouvons nous demander si l’antisémitisme ou même l’antisionisme n’est pas qu’un pan de leurs limites républicaines, voire démocratiques. Le point de bascule, c’est le 7 octobre, comme si le plus grand massacre commis sur des juifs depuis la Shoah leur avait donné cette voix qu’ils attendaient, la voix de l’antisémitisme qui jusqu’à présent se drapait pudiquement dans l’antisionisme. Mais déjà, la négation même de l’existence de l’Etat d'Israël, vouloir jusqu’à sa destruction - de la mer au Jourdain - va bien au-delà de la simple critique à la politique d'Israël. Quelle autre raison que la haine d’un peuple motiverait de rejeter Israël comme un Etat juif ?

Cette haine du peuple juif attisée par les insoumis qui excitent les esprits conduit inexorablement au pire, au passage à l’acte, au viol d’une petite de 12 ans parce qu’elle est juive. A la volonté d’humilier un peuple, de le salir dans son humanité.

Le Conseil d’Etat a rendu une décision le 11 mars 2024 concernant la circulaire du ministre de l’Intérieur du 16 août 2023, déterminant l’attribution des nuances politiques. Le RN contestait son classement dans le bloc « extrême droite » tel que défini par la circulaire ministérielle. Dans sa décision, le Conseil d’État n’a jamais affirmé que le RN est d’extrême droite, mais, et conformément à ses attributions, a estimé que la circulaire ne méconnaissait pas le principe de sincérité du scrutin, et qu’en effet le ministre de l’Intérieur avait compétence pour établir les grilles de nuances politiques. Le Conseil d’État, juge administratif, ne peut pas qualifier politiquement un parti, et il ne l’a pas fait. Se fonder sur cette décision, comme le font les insoumis pour qualifier le RN de parti d’extrême droite, est un procédé fallacieux, mensonger qui vise à décrédibiliser toute parole émanant de ce parti. Il s’agit là pour eux de se prévaloir, d’une décision de la plus haute juridiction administrative, en la manipulant, en altérant fondamentalement son esprit, avec pour objectif d’éjecter le RN de l’arc républicain, de le tuer purement et simplement, sans autre argument. En bref, pour les Insoumis, la République, c’est eux.

Mais, que fait-on des 10 millions de Français qui ont voté pour le RN ? 

Hakim Khaldoun : Le Conseil d’Etat a rendu sa décision en mars 2024 suite à une requête effectuée en 2023 concernant une demande du Rassemblement national de ne plus figurer comme parti d’extrême droite sur les « nuances politiques » émises par le ministère de l’Intérieur avant toute élection. Il est intéressant de noter qu’en aucun cas le Conseil d’Etat ne définit le terme « extrême droite » dans son arrêté. Il a simplement validé que le ministre de l’Intérieur pouvait utiliser ces « nuances politiques » établies par son ministère pour définir le positionnement politique du Rassemblement national afin d’en informer les électeurs. Le ministre se justifiant ainsi « il existe de raisons objectives de maintenir le Rassemblement national dans ce bloc (les fameuses « nuances »), tenant notamment à la constance de ses prises de positions, y compris de la part des candidats aux sénatoriales, notamment sur l’immigration et la préférence nationale, et aux liens idéologiques et aux relations qui l’unissent avec des mouvements d’extrême droite dans d’autres pays européens et au Parlement européen. » On constate donc que cette attribution est totalement subjective et orientée politiquement afin de discréditer le Rassemblement national contrairement à ce que peut affirmer le ministre de l’Intérieur. On est réellement en droit de s’interroger sur les légitimités du Conseil d’Etat  et du ministère de l’Intérieur de s’exprimer sur des catégories qui relèvent d’une taxonomie en science politique. Car l’étiquette politique « extrême droite » est la plus infamante dans l’espace politique français alors que celle d’extrême gauche est toujours entourée d’un romantisme révolutionnaire dont seuls les pays qui n’ont pas connu la véritable dictature communiste continuent d’entretenir comme un horizon rêvé. Il semblerait que les voix des millions de morts du communisme ne portent pas jusqu’aux oreilles d’une partie de l’électorat français plus concentré à vomir sa haine des juifs et d’Israël. Grâce à LFI, l’antisémitisme ordinaire est devenu une composante de la vie de nos compatriotes de confession juive. Les explications pour lesquelles il ne s’agit pas simplement d’un antisionisme mal digéré est à rechercher dans la sociologie d’une partie de l’électorat de La France Insoumise. Lors de la précédente élection présidentielle, 70% des musulmans ayant voté ont donné leurs voix à Jean-Luc Mélenchon. C’est un score écrasant qu’il a gardé soigneusement à l’esprit. L’antisémitisme ordinaire d’une certaine partie des populations musulmanes expliquent cette nouvelle stratégie de LFI qui, rappelons-le, refuse toujours de qualifier le Hamas de groupe terroriste.

Quelle gauche incarne vraiment LFI ? Simple populisme ou idéologie pas si éloignée de ce qu’était le fascisme qui utilisait des stratégies largement similaires de brutalisation des mœurs ?

Hakim Khaldoun : LFI est l’enfant spirituel de Terra Nova. Durant la campagne de François Hollande en 2012, le think tank Terra Nova, proche du Parti Socialiste, publia une note dans laquelle il expliquait que le PS devait désormais oublier le vote des catégories populaires classiques et s’intéresser dorénavant aux votes des populations issues de l’immigration dont les taux de participation aux élections étaient très faibles. LFI, créé en 2016, s’est appliquée consciencieusement à cibler ces populations en flattant ce qu’il y a de plus intime chez les individus : la couleur de peau, les origines et la religion. LFI s’est donc peu à peu transformée en parti ethnocentré faisant de ces populations majoritairement musulmanes le nouveau « lumpenprolétariat » à défendre quand bien même il n’est pas aisé de faire cohabiter le matérialisme historique propre à l’ADN marxiste et le Coran. En cela, ils ont aussi développé une nouvelle stratégie de communication notamment au sein de l’Assemblée nationale autour du conflit et chaos permanent redéfinissant d’une certaine manière certaines pratiques politiques bien ancrées. Démagogie et populisme ont aussi des racines à gauche. LFI a rompu fondamentalement avec toute l’histoire de la gauche en faisant d’une religion, donc d’une transcendance, un étendard politique à défendre dans l’espace public au lieu de sensibiliser ces populations à intégrer la distinction fondamentale entre l’espace privé qui est le lieu de la foi protégée et l’espace public dont une forme de neutralité permet au plus grand nombre de vivre selon des normes et valeurs communes. L’erreur historique de LFI est celle du communisme en Russie. De Gaulle avait affirmé que « La Russie boira le communisme comme le buvard boit l'encre » en considérant que l’âme russe était plus forte qu’un système politique. C’est très probablement ce qui se passera pour LFI et une grande partie de la gauche française qui sous-estiment la puissance d’évocation que représente une religion monothéiste aussi importante que l’Islam et son avatar politique qu’est l’Islamisme. L’Islamisme effacera et avalera une partie de la gauche et de ses idéaux de liberté et d’émancipation individuelle comme le buvard boit l’encre.

Yael Mellul : LFI a muté, c’est indéniable. Le Jean-Luc Mélenchon des années 2010 attaché à la laïcité n’est plus. Même celui de 2017 avec une forme de modernité sur les questions écologiques et technologiques n’est plus. La mutation s’accélère et se fait de plus en plus identitaire. C’est une gauche identitaire, racialiste voire séparatiste que l'on voit poindre sous nos yeux. Et c’est grave et inquiétant : au lieu de porter les jeunes de banlieue dans le creuset de la République, il les laisse aux marges en espérant que peu à peu ils prennent le pouvoir mais par / via les marges. Les exemples des purges d'Alexis Corbière et de Raquel Garrido sont éloquents, de même que le discours de Rima Hassan sur la scène de Montreuil juste après la constitution du NFP : des discours qui disent que les « blancs » ne peuvent plus être aussi visibles et que les candidats ou personnalités plus proches des indigénistes doivent être visibles… visibles oui, mais en tant que personne racisée, pas en tant que citoyen d’abord, d’origine étrangère ensuite… D’ailleurs les personnes « non blanches » ou « racisées » quand elles sont proches du RN ou d'autres partis classiques sont vues comme « blanches » ou sont désignées comme « bounty »… qui sont les racistes… ? LFI porte donc aujourd’hui un projet racialiste que nous pouvons illustrer avec ce dernier exemple : sur le terrain de sa circonscription, le candidat Aly Diouara a été soutenu par Rima Hassan et par Madame Traoré.

C’est ce projet radicalisé et racialiste qui est aujourd’hui porté avec vigueur par LFI… Radicalité et racialisme. Tout est dit. 

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