Voilà pourquoi les nuits blanches peuvent offrir un répit temporaire lorsqu’on fait une dépression<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Bruno Comby, "la nuit blanche doit tout de même rester exceptionnelle".
Selon Bruno Comby, "la nuit blanche doit tout de même rester exceptionnelle".
©BRANDON BELLGETTY IMAGES NORTH AMERICA Getty Images via AFP

Production de dopamine

Une nouvelle étude souligne que les nuits blanches n'auraient pas que des inconvénients.

Bruno Comby

Bruno Comby

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby.

Il est l'auteur de l'Eloge de la sieste (TNR, 2005)

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Atlantico : Dans une nouvelle étude, il semblerait que la pratique occasionnelle de la nuit blanche puisse lutter contre certains des symptômes de la dépression. Comment expliquer une telle situation ? 

Bruno Comby : Cet article souligne en effet que la nuit blanche, dont on connaît bien les nombreux inconvénients et conséquences nocives à court terme sur la santé, la concentration, la mémoire, les réflexes, n’a pas que des inconvénients, mais aurait aussi, au moins parfois, un avantage : celui d’aider à lutter contre les états dépressifs, en stimulant en l’occurrence la production de dopamine. Soulignons tout d’abord qu’il s’agit dans cette étude d’une pratique occasionnelle, en aucun cas il ne faut pratiquer régulièrement des nuits blanches, ce qui serait hautement nocif pour la santé, comme toutes les formes de privation durable de sommeil. Il faut, en règle générale donner à notre organisme ce qu’il demande : un sommeil suffisant, sain et réparateur. La nuit blanche doit rester exceptionnelle. Mais, comme pour notre alimentation (manger moins de temps en temps, jeûne intermittent…), une petite privation ponctuelle et occasionnelle de sommeil constitue un stimuli, une sorte d’entrainement qui peut s’avérer utile, à condition de ne pas en abuser.

Quels sont les mécanismes qu’active la nuit blanche, qui permettent au corps de mieux lutter contre la dépression ? Permettent-ils aussi de lutter contre d’autres pathologies ou problèmes de santé ?

Selon cette étude, c’est en augmentant la production de dopamine qu’une nuit blanche favoriserait ainsi en partie le fonctionnement cérébral et la lutte contre la dépression nerveuse. Une trop faible production de dopamine conduit en effet à la fatigue chronique, démotive, empêche de se concentrer et favorise les états dépressifs.

A l’inverse une production, plus importante de dopamine conduit à davantage de vitalité et d’énergie. La dopamine est à la fois un neurotransmetteur naturel (il participe à la conduction de l’influx nerveux) et une hormone qui régule l’humeur et la vitalité.

A noter que la consommation d’alcool et de drogues (évidemment vivement déconseillées) conduit également à une baisse de la production de dopamine et qu’à l’inverse une alimentation saine, suffisamment riche en magnésium et en tyrosine (acide aminé permettant de fabriquer la dopamine) est utile. Les viandes, les œufs et les produits de la mer tels que poissons, crustacés, etc, apportent, entre autres, de la tyrosine.

Il est très possible et même probable compte tenu de ces mécanismes, qu’une privation de sommeil bien encadrée permet de lutter non seulement contre la dépression, mais aussi contre la fatigue chronique, la démotivation, l’impuissance et le burnout.

Dans quelle mesure le stress est-il nécessaire pour permettre à l’organisme de mieux s’adapter ? Faut-il penser que nos nouveaux modes de vie, très sédentaires et (dans une certaine mesure) très préservés rendent les nuits blanches occasionnelles nécessaires ?

Le stress fait partie de la vie ! C’est une réaction naturelle et non spécifique de l’organisme à toute stimulation qui lui est faite. C’est la définition du stress, énoncée par le Pr Hans Selye, un physiologiste canadien, qui a défini ainsi le stress, il y a environ un siècle. Autrement dit, en termes plus simples, le stress est une réaction salutaire de notre organisme, une forme de stimulation (notamment hormonale), utile, qui nous pousse à agir en cas de danger pour se soustraire au danger.

Donc oui, le stress est naturel, c’est même une nécessité vitale. La vie c’est le mouvement, la nouveauté et l’adaptation en permanence ! Cependant l’abus de stress et de stimulations diverses détruit notre santé (stress physiologique avec la malbouffe, stress du bruit, stress environnemental, stress hormonal répété par des comportements de vie dangereux, la consommation de drogues psycho-actives ou la consommation de café, d’alcool, de drogue, la consommation excessive de certains médicaments).

Le sport, en augmentant le métabolisme, permet de compenser la sédentarité qui résulte de notre mode de vie moderne. Assisté par toutes sortes de robots qui font tout à notre place : du robot-mixeur pour la cuisine aux voitures pour nous déplacer, l’ascenseur ou les escaliers mécaniques pour monter en altitude, nous ne faisons plus fonctionner suffisamment nos muscles, nous ne dépensons plus suffisamment d’énergie.

Beaucoup de nos contemporains vivent comme dans un cocon, sont excessivement sédentaires et trop protégés de tout. Ils deviennent alors fragiles, et tombent malades au moindre changement de climat, de température, de lieu ou de circonstances.

Il nous faut redevenir « anti-fragiles » (philosophie et mode de vie très en vogue actuellement en Californie) en restant centré sur un mode de vie sain, mais aussi en faisant varier un peu nos rythmes du sommeil et nos conditions de vie, avec davantage d’activité physique, mais aussi une alimentation saine et en stimulant (avec modération) notre organisme de différentes manières (mouvement, variations alimentaires, variations occasionnelles du rythme du sommeil).

Hormis les nuits blanches, quelles autres attitudes comportementales peuvent-être utiles à intégrer à son habitude ?

Les régles de base de la santé préventive sont toujours les mêmes : une alimentation saine, aussi naturelle que possible (riche en crudités, pas trop transformée), éviter les aliments toxiques et la malbouffe (aliments ultra-transformés, trop cuisinés, sucre industriel en poudre, fritures à haute température), pratiquer une activité physique régulière (avec de temps en temps l’inverse… du repos). Pour rétablir l’équilibre et retrouver notre santé naturelle, nous devons faire au quotidien ce qui est bon pour notre organisme et, ponctuellement, s’abstenir ou même faire un peu de ce qui perturbe l’équilibre, pour stimuler nos mécanismes d’adaptation. Il faut conjuguer les plaisirs de la vie simple et saine, avec la stimulation occasionnelle de nos défenses en ne restant pas toujours dans notre « zone de confort ». Nos mécanismes de défense et notre système immunitaire ont, comme des sportifs et comme une armée, besoin aussi de s’entrainer pour être efficaces. Il nous faut donc aussi (un peu mais pas trop), d‘adversité, et, s’agissant du sommeil, une petite privation occasionnelle (pas trop fréquente) de notre sommeil aidera notre corps à mieux fonctionner et à bien s’adapter aux différentes circonstances de notre vie. Faire varier les paramètres (en + et en -) pour stimuler nos mécanismes de défense et d’adaptation est une manière de développer nos potentialités et notre santé. Toujours avec modération et sans excès, qu’il s’agisse de sport (qui, remarquons le au passage, est une manière de fatiguer son organisme en le sur-stimulant) ou de privations de sommeil / nuits blanches. Se coucher tard ou ne pas dormir de temps en temps, ponctuellement et occasionnellement, avec modération : OUI, tous les jours : NON.

La nuit blanche, si répétée, peut s’avérer dangereuse. Comment ne pas prendre de risque ?

D’abord, s’écouter et ne pas se forcer. Toujours respecter la douleur ou les signaux d’avertissement que nous donne notre organisme.

En effet, la nuit blanche, peut stimuler les fonctions cérébrales de certains dépressifs. Mais, d’autant plus si elle était répétée, elle est nocive pour la santé à d’autres niveaux.

Il a été constaté après une seule nuit blanche une perte d’efficacité, des trous de mémoire, des difficultés de concentration, etc.

La répétition des nuits blanches conduit à des pathologies cardiaques, à l’hyper-tension artérielle et à une augmentation du risque d’AVC. Il n’est donc pas recommandé de faire beaucoup de nuits blanches, et cela qu’on soit dépressif ou pas !

En revanche apprendre un meilleur contrôle de son sommeil et faire de la « gymnastique du sommeil » en s’entrainant occasionnellement à dormir un peu moins ou un peu plus que d’ordinaire renforcera votre santé, votre capacité d’adaptation et vous rendra « anti-fragile » c’est-à-dire plus fort, plus résistant aux stress de la vie, en meilleure santé !

Comme le démontre cet article, la nuit blanche n’a donc pas que des inconvénients, mais elle en a tout de même beaucoup, il faut donc en user rarement et avec grande modération !

La base de la prévention pour sa santé reste de bien manger et mieux dormir, ni trop, ni trop peu, et surtout au bon moment. Faites-la sieste pour apprendre à mieux dormir en fractionnant votre sommeil !

Comme le jeûne intermittent, la nuit blanche doit impérativement rester une pratique très occasionnelle, par exemple, pas plus d’une fois par an ou à chaque mi-saison. L’état normal pour notre physiologie est de manger sainement et de bien dormir régulièrement, tous les jours. L’état de privation (jeûne ou privation de sommeil) peut aider à renforcer notre santé, mais si et seulement si cela reste rare et contrôlé.

Vous vous construirez ainsi une santé optimale en toutes circonstances et un meilleur sommeil, plus profond, plus réparateur, plus souple aussi, pour vivre mieux, plus heureux, plus longtemps et en pleine forme, en dormant mieux, plus régulièrement et, occasionnellement, différemment !

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