Voilà pourquoi le mystère de la « nouvelle » pneumonie qui fait peur n’en est pas un<!-- --> | Atlantico.fr
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L'aéroport de Bijie Feixiong, à Bijie, dans la province de Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine, le 10 octobre 2022.
L'aéroport de Bijie Feixiong, à Bijie, dans la province de Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine, le 10 octobre 2022.
©AFP

Inquiétudes

Et nous en serions tous conscients si les leçons de la pandémie Covid avaient été retenues.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Une mystérieuse épidémie venue de Chine refait son apparition dans les médias. Certains journaux ont évoqué des cas de maladies respiratoires qui se seraient multipliés avec de nombreux signalements de pneumonies touchant les enfants. Faut-il s'en inquiéter ?

Antoine Flahault : La Chine a en effet sonné l’alerte à propos de la résurgence de la circulation d’une bactérie appelée Mycoplasma pneumoniae. Mais cette bactérie n’est ni mystérieuse ni nouvelle, ses cycles épidémiques revenant tous les trois à sept ans. Cette bactérie n’est pas très virulente non plus, mais dans une minorité de cas l’infection peut se compliquer d’une pneumonie atypique qui ne nécessite généralement pas de soins de réanimation. L’infection à Mycoplasma pneumoniae survient essentiellement chez les enfants d’âge scolaire et pré-scolaire et ne nécessite aucun traitement dans l’immense majorité des cas. Parfois, notamment en cas de pneumonie, un traitement par antibiotiques (macrolides) peut hâter la guérison qui survient en deux à trois semaines. Cette épidémie est survenue en Chine alors qu’un réservoir important d’enfants s’était accumulé qui n’avaient pas été exposés aux habituels virus de l’hiver (VRS, adenovirus, virus de la grippe) pendant les premières années de la pandémie. Une proportion - somme toute habituelle - de ces enfants a été hospitalisée pour des complications de ces viroses respiratoires, mais en plus grand nombre absolu que les saisons précédant la pandémie, s’ajoutant aux pneumonies atypiques à Mycoplasma pneumoniae évoquées plus haut, expliquant l’engorgement constaté dans les hôpitaux chinois. Les Européens et les Nord-Américains, qui avaient levé leurs restrictions sanitaires plus d’un an avant la Chine, ont connu aussi cet automne une recrudescence de pneumonies à Mycoplasma pneumoniae mais sans l’afflux parallèle massif observé en Chine, car le rattrapage sur les virus de l’hiver s’était déroulé en 2022 en Occident.

Concernant le Covid, où en est-on aujourd'hui ? Quel est ce variant JN.1 qui s'invite à noël ? Peut-il nous gâcher les fêtes ?

Le sous-variant JN.1 est un descendant du sous-variant d’Omicron BA.2.86 surnommé Pirola. Très transmissible, il se répand très rapidement dans le monde actuellement et en particulier en France où il est déjà majoritaire comme en Espagne, aux Pays-Bas ou en Autriche. Les populations du globe et notamment celles d’Europe de l’Ouest sont bien protégées contre les formes graves de Covid actuellement, sauf les personnes âgées, les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et leurs nouveaux-nés qui peuvent tous bénéficier du rappel vaccinal (après l’âge de six mois). On ignore encore la proportion des cas qui développeront un Covid long. On sait qu’un Covid même léger impose le plus souvent de garder le lit 24 à 48 heures, qu’il fatigue beaucoup la personne contaminée pendant une semaine à dix jours et crée un absentéisme important. Alors oui, chez tous ceux qui seront concernés parce qu’ils ne se seront pas protégés, le coronavirus pourrait venir leur gâcher les fêtes.

Le testing est très faible alors que les données des eaux usées montrent une très forte circulation de Sars-Cov-V2. Comment expliquer que nous ne cherchons plus à savoir qui est malade et de quoi ? 

La surveillance des eaux usées a pris désormais le relais en matière de monitorage épidémiologique et c’est très précieux. Elle nous donne partout où elle est mise en œuvre une indication fiable du niveau de circulation du virus, mais aussi elle nous renseigne sur le variant qui circule et éventuellement vient à dominer. À part pour les personnes à risque de formes graves, qui peuvent s’en protéger par l’administration précoce d’antiviraux, le diagnostic par test antigénique ou PCR n’est donc plus trop nécessaire. Actuellement, lorsque l’on a des symptômes infectieux de l’arbre respiratoire, il est fort probable qu’ils soient dus au coronavirus, mais il est possible aussi qu’ils puissent être causés par le virus de la grippe dont la circulation commence à progresser en Europe. Il conviendrait alors, dès qu’on a des symptômes, de mettre un masque pour protéger les personnes avec qui l’on partage la même pièce ou le même compartiment. On sait par exemple que porter un masque à la maison lorsque l’on est infecté par le Covid, pendant au moins 50% du temps que l’on partage avec ses proches et qu’en plus si on fait chambre à part, eh bien l’on réduit alors de 80% le risque de le transmettre le virus à d’autres membres de son foyer. Cela doit être applicable à tous les virus respiratoires.

Aurions-nous ces mêmes inquiétudes si nous avions retenu les leçons de la pandémie de Covid ?  

Je prétends pour ma part, en me basant sur plusieurs publications scientifiques sur le sujet, que si nous améliorions substantiellement la qualité de l’air intérieur que nous respirons, alors nous pourrions réduire massivement et peut-être même réussir à éliminer l’impact des maladies infectieuses respiratoires, l’absentéisme scolaire et professionnel associé, les hospitalisations et la mortalité en excès qui leur sont attribuées. Ce serait cela la grande leçon de la pandémie mais il nous reste encore à la tirer pleinement. L’enjeu et l’ambition seraient alors de faire durablement reculer toutes ces maladies infectieuses respiratoires, certes bénignes pour l’immense majorité des cas, mais profondément impactantes, tant sur la santé des plus vulnérables que sur la vie économique et sociale de nos pays.

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