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Voilà pourquoi le chef d’état-major de l’armée britannique s’inquiète des menaces que la Russie fait peser sur la sécurité des câbles sous-marins européens
©Reuters

Cible

La Russie est en train d’investir massivement dans ses capacités militaires marines et sous-marines. Selon des responsables militaires britanniques, la sécurité des câbles sous-marins de communication est menacée.

Jérôme Robin

Jérôme Robin

Jérôme Robin est spécialiste des nouvelles technologies. Il s'exprime ici sous pseudonyme.

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Atlantico : Sachant que la Russie est en train d’investir massivement dans ses capacités militaires marines et sous-marines, quelles sont les défenses actuelles des câbles sous-marins européens face à ce type de menace ? 

Jérôme Robin : Le risque majeur en l’occurrence ne semble pas être prioritairement le fait des Russes, mais bien des Américains. Et cela passe par exemple, par le truchement de rachat fusion-acquisition opportuns d’entreprises technologiques du secteur concerné. On pense immédiatement à l’ancien groupe Alcatel-Lucent. Un leader bien connu en outre, dans le domaine des câblo-opérateurs sous-marins. En ce rendant maîtres des technologies et des brevets propriétés du groupe, mais également des répéteurs sous-marins utilisés pour ré-amplifier le signal au fond des océans entre les différents tronçons de câble, il devient ainsi théoriquement possible d’exercer une surveillance en continu du signal.

Si l’on souhaite « examiner », « filtrer » ou « surveiller » tout le trafic transitant par un réseau de câbles, on peut le faire très facilement. Et ceci, d’autant plus quand on est en réalité le propriétaire des lieux. Dès lors, « pourquoi infiltrer, si l’on peut posséder » ? Pour l’heure, ce sont bien les Américains qui maîtrisent aujourd'hui – et à la source – ces moyens technologiques de transmissions. Nul besoin d’être pro-russe pour le constater. L’un des risques consécutifs à la surveillance des données qui transitent par le moyen des câbles sous-marins, où circulent notamment des informations boursières, ou de trading à haute fréquence, c'est qu'un pays tiers pourrait aisément utiliser sa parfaite maîtrise des installations et les quelques millisecondes d'avance que lui confère leur surveillance, pour influer sur la connaissance des marchés. Dans le cas présent, les mauvais esprits pourraient aisément s’emballer, et imaginer que les Américains puissent utiliser les services de personnalités de pays « amis », avec qui ils coopèrent par ailleurs en matière de défense militaire, pour détourner opportunément l'attention du grand public à leur avantage à travers la diffusion de communiqués d’alertes. C’est de bonne guerre, pourrions-nous dire. C’est peut-être aussi ce qui se passe ici avec les déclarations accusatrices d’un Stuart Peach (le chef d'État-major des armées britannique, Ndlr), qui évoque avec emphase et verve, l’augure d’une « menace russe » sur les câbles sous-marins.

Que se passe-t-il si demain un câble sous marin venait à être sectionné ?

Quand le câble est coupé ou dysfonctionne, les données ne transitent plus à travers lui. Le fonctionnement d’Internet est fort heureusement résilient, et est conçu de telle façon à ce que le débit de données soit dérouté par d'autres voies annexes. Quitte à ce que le trafic général ralentisse en matière de débit. Les entreprises en charge de cette gestion des flux numériques – à l’image de grandes centrales d'aiguillage en quelque sorte – opèrent en conséquence un déroutement opportun des données, pour que le dispositif global puisse fonctionner normalement.

Est-il techniquement faisable de protéger des milliers de kilomètres de câbles sous-marins ?

Comprenez bien, en étant très schématique, que la problématique relative à la protection des câbles sous-marins, c'est que de potentiels agresseurs – à moins qu’ils n’envisagent de saboter les lignes – n’est pas de se rendre au fond des océans pour sectionner des câbles dont le signal leur importe à des fins d’espionnage. Si vous faites de la surveillance stratégique, la meilleure façon d’agir discrètement et sur la durée, c'est encore de disposer d'une surveillance à la source, dans les installations même. Et non plus en agissant « à l’ancienne », à partir de submersibles tapis dans les grands fonds pour « écouter » ce qui se passe. L’objectif étant bien plutôt de se rendre maître d'un process technologique (par exemple celui des répéteurs de signal), pour pouvoir directement avoir accès à la technologie, aux actions de réparation du signal ou de modification des matériels, et d’y implanter d’éventuels « mouchards » pour exercer une surveillance.

Les processus de surveillance passent aujourd'hui par la maîtrise économique des opérateurs leader du domaine, comme ce qu'on vraisemblablement fait les Américains à travers leur prise de contrôle de l’ancien groupe Alcatel-Lucent. C’est tout du moins se que pensent certains observateurs aguerris. C'est en quelque sorte, l’un des principes clef de la guerre économique qui consiste à se rendre maître d'une technologie, à travers le rachat des sociétés qui en disposent ou qui commercialisent des services dédiés, afin d'y insérer des mouchards, et même des équipes de surveillances dédiées. C'est la même chose pour les « IOT », ou objets connectés, fabriqués par différentes sociétés à travers le monde. Toutes de nationalités diverses, mais pour certaines d’entre elles parfois sous contrat avec les milieux de la défense, permettant de facto une mise en place de « portes arrières dérobées » pour mieux surveiller certaines cibles prioritaires. Idem pour les applications de communication cryptées très à la mode sur les smartphones du monde entier, mais dont les Etats possèdent évidemment les clefs de déchiffrement, ou les méthodes d’action adéquates, en mesure de « casser » ces fragiles protections digitales. Et cela, en vertu de leur doctrine politique en matière de sécurité nationale.

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