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Voilà la casquette neurotherapique dont le port peut permettre aux enfants d'apprendre plus vite
©Neuroservo

Frank Einstein

Mesurer son activité cérébrale à la maison tout en faisant ce qu'on a à faire. Théoriquement, cela serait possible aujourd'hui. Une casquette "augmentée" propose même de le faire avec une pointe de style (on aime ou on aime pas !).

Antoine Tanet

Antoine Tanet

Antoine Tanet est neuropsychologue au service Psychiatrie à la Pitié-Salpêtrière, doctorant dans le laboratoire ISIR (Cnrs-Paris VI). Il exerce aussi en libéral à Tours.

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Atlantico : Une société canadienne nommée Neuroservo vient de commercialiser une casquette "neurothérapique" permettant grâce à un signal lumineux affiché sur la visière de contrôler son cerveau – en l'occurrence de savoir si on est concentré ou détendu. Comment cela fonctionne et est-ce que cela marche ?

Antoine Tannet : Le dispositif qu'ils ont créé n'est pas unique, il a été fait par de nombreuses autres sociétés sur le même principe technologique. Leur innovation est qu'ils sont les premiers à le présenter comme un objet sympa – ici sous la forme de casquette. Il y a un côté à la fois ergonomique et "friendly" comme on le dit aujourd'hui. La technologie qui est derrière est en revanche déjà connue et est déjà commercialisé par d'autre entreprises à peu près au même prix. Elle consiste en une mesure de votre activité électrique cérébrale. Cette mesure doit indiquer si vous êtes concentré ou pas. Selon que vous détecter qu'il y a concentration ou déconcentration, vous pouvez alors en faire ce que vous voulez (avec un signal visuel ou sonore) pour indiquer cet état. Certaines personnes ont créé des jeux avec un vaisseau spatial qui vole quand vous êtes concentré et tombe quand vous ne l'êtes pas. C'est le même principe. C'est le neurofeedback : une mesure de l'activité cérébrale vous est retransmise en direct. Il y a d'autres technologies comme celle du Q-feedback qui permet de mesurer votre rythme cardiaque de la même façon. Il s'agit de vous faire connaître de manière explicite votre rythme cardiaque pour jouer sur votre capacité à le faire réguler. Le principe est très sérieux, et entre dans le programme de nombreuses recherches depuis quelques temps, avec des outils très complexes et difficiles à manipuler. Et qui font d'une façon assez appréciable qu'on peut aujourd'hui arriver à connaître le niveau de concentration d'un individu.

Mais pour vous donner un ordre d'idée, quand nous travaillons au laboratoire, pour avoir une mesure fiable de l'activité du cerveau, nous utilisons des casques avec 300 points de mesure. Il faut une heure pour l'installer et une heure pour l'étalonner. Sur la casquette, il n'y en a que 3. Alors évidemment, ils ne peuvent pas reproduire nos modèles. Un outil avec 3 points de mesure et qui reste très facile à déplacer (un simple mouvement de tête risque fortement de fausser les données) donne des mesures très peu fiables. 

L'idée est donc sérieuse. Mais le dispositif ne me semble pas encore à même de détecter sérieusement les modifications de concentration.

Quelle est l'utilité actuelle de cette technologie ?

C'est une technologie très utile et prometteuse, qui fait travailler de nombreuses personnes en ce moment. On est déjà capable de penser l'application que cela peut avoir. Notamment l'idée de neurofeedback qui semble une solution très intéressante pour les troubles de l'attention. Aujourd'hui on ne propose qu'un traitement, un médicament. Ce genre de dispositif dans le sens où il permettrait de soutenir son effort de concentration sans avoir à passer par une molécule médicamenteuse. Le prix actuel (250 dollars dans notre cas) est cependant prohibitif pour le grand public. On ne leur reprochera pas de faire ces premiers pas. Mais de mon point de vue, ce n'est pas encore efficace ?

Et dans le futur, cela donnera quoi ?

On pourra essayer de faire des études correctes sur la capacité de quelqu'un à pouvoir mieux se concentrer. C'est là où notre travail de psychologue est essentiel, car c'est à nous d'être ingénieux dans l'utilisation de notre technologie. L'idée de la casquette n'est pas nécessairement mauvaise. Mais il faut réfléchir aux effets que cela peut avoir sur le comportement d'enfant, sur la confiance en lui et sur sa compréhension du processus. L'idée en revanche, je le répète, est excellente. C'est le principe de métacognition, c'est-à-dire la connaissance que vous avez de votre fonctionnement. Dans l'apprentissage propre à chaque enfant, il y a une étape essentielle qui est de savoir comment ils travaillent. Ils apprennent cela progressivement. Les aider dans ce processus peut clairement les aider dans leurs études. Ces dispositifs pourraient leur être très utiles mais demande à être étudié. 

Ces dispositifs vont de plus en plus émerger, commercialisé par de plus en plus d'entreprises. Les prix vont baisser et va se poser la question de l'utilisation. Surtout celle des enfants. Car il y a un risque de l'utiliser de manière trop "humain augmenté" dans le but de faire des "super-enfants" capables d'apprendre super vite. Si c'est ça le but, c'est dangereux. En revanche, cela peut-être une aide sérieuse avec une utilisation plus correctrice. Il y a donc de fait un enjeu anthropologique dans le choix que nous ferons de ces technologies.  

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