Vladimir Poutine aurait-il les moyens de faire chanter le chancelier Olaf Scholz ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le chancelier allemand Olaf Scholz attend avant une réunion hebdomadaire du cabinet allemand à la chancellerie à Berlin, le 13 avril 2022
Le chancelier allemand Olaf Scholz attend avant une réunion hebdomadaire du cabinet allemand à la chancellerie à Berlin, le 13 avril 2022
©JOHN MACDOUGALL / POOL / AFP

Kompromat

C’est la question que commencent à se poser un certain nombre d’observateurs en Allemagne au regard des étranges hésitations politiques de la coalition au pouvoir vis-à-vis de la guerre en Ukraine

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Alors que l’Union européenne continue de chercher à montrer un front uni, la position allemande interroge. Les observateurs constatent des étranges hésitations politiques de la coalition au pouvoir vis-à-vis de la guerre en Ukraine, et plus particulièrement d’Olaf Scholz. Certains s’interrogent sur la possibilité que Vladimir Poutine ait des moyens de pression sur le chancelier allemand. Est-ce une perspective possible ?

Florent Parmentier : L’Union européenne a en effet essayé de trouver une position unie à court terme sur les sanctions, rapidement sur les livraisons d’armement, et à plus long terme sur la définition de ses objectifs stratégiques. 

Dans ce contexte, la réaction allemande a été considérée comme timorée et hésitante. Après 16 ans de règne, la succession d’Angela Merkel s’est engagée avec une nouvelle coalition « feu tricolore », au pouvoir depuis fin 2021. Si la critique de la CDU (aujourd’hui dans l’opposition) de la politique actuelle était attendue, les dissensions se font sentir entre le SPD et les Verts. En effet, les Verts étaient, dès le départ, opposés à Nord Stream 2, même si ce gazoduc était aussi le résultat de la fin programmée du nucléaire en Allemagne. Par contraste, le SPD est l’héritier d’une Ostpolitik spécifique dans laquelle la dimension énergétique tient une place importante. Il existe certes une proximité entre certains dirigeants allemands et la Russie, mais il faut être prudent sur les moyens de pression de la Russie vis-à-vis des dirigeants allemands.


On sait que la Russie est familière du “kompromat”, Moscou a-t-il déjà eu des outils de chantage sur des dirigeants aussi importants auparavant ?

Le ‘kompromat’ est un condensé russe pour signifier « matériel compromettant », dont l’utilisation était déjà faite du temps de l’URSS. Dès lors qu’un dirigeant a un comportement jugé comme clément vis-à-vis de la Russie, des soupçons de ’kompromat’ apparaissent, comme c’était le cas de Donald Trump.

Contrairement à ce dernier, Olaf Scholz critique le président russe très directement. II a ainsi accusé Vladimir Poutine de « porter la responsabilité de crimes de guerre » que nous avons pris connaissance récemment. 

Le discours – et les actions – des autorités ukrainiennes peut toutefois s’avérer contre-productif. Frank-Walter Steinmeier a dû renoncer à se rendre à Kiev. Sigmar Gabriel : les autorités de Kiev avancent des théories conspirationnistes contre l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel (2005-2009, puis 2013-2017). 



En Allemagne, le nom d’Olaf Scholz est aussi associé avec des accusations de scandales financiers, que sait-on à ce stade des accusations contre le chancelier ?

En septembre dernier, Olaf Scholtz avait été interrogé par les députés allemands à propos des enquêtes menées contre l’unité anti-blanchiment de son ministère de l’époque, celui des Finances. Les scandales Wirecard et Warburg étaient passés par là également. 

Pour l’heure, ces différentes affaires n’ont pas empêché le chancelier de pouvoir exercer ses fonctions. 



Quelles peuvent être les autres explications aux hésitations allemandes ?

Ces hésitations pèsent, puisque l’Allemagne semble perdre la confiance de certains de ses partenaires, de l’aveu de Wolfgang Ischinger, président de la Conférence sur la sécurité de Munich (sorte de « Davos de la Sécurité » qui a lieu chaque année en février). 

Elles ont plusieurs racines. La culpabilité allemande vis-à-vis la Russie, en raison de la Seconde Guerre mondiale, est réelle. Le fait de déployer des troupes ou d’envoyer des armements n’est pas neutre de ce point de vue, même quand cet envoi paraît justifié. Une partie de la réponse est aussi liée aux questions économiques, avec des réticences par rapport au fait de changer de mix énergétique. Aujourd’hui, 55% du gaz vient de la Russie, contre 40% en 2012. Or, la Norvège a déjà atteint son pic de production, et les autres alternatives de gaz naturel liquéfié (Qatar, Etats-Unis, Australie) sont beaucoup plus chères. Les industries allemandes ont donc beaucoup à perdre à ce changement, même si Sigmar Gabriel, ancien Ministre de l’économie, a reconnu que c’était une erreur de ne pas écouter les pays d’Europe centrale au sujet de leur méfiance envers Nord Stream 2.

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